03 Juil

Histoire du théâtre à Limoges (10)

Le Théâtre de La Passerelle, miroir de l’humain (c) L. Bourdelas

En 1987, Michel Bruzat crée le Théâtre de La Passerelle dans un ancien entrepôt de fourreur, au 4-6 de la rue du Général Du Bessol, près du Champ de Juillet. Il fut élève de Pierre Valde (1907-1977), qui joua d’ailleurs La Dévotion à la croix d’après Pedro Calderón de la Barca, dans une adaptation d’Albert Camus, au Grand Théâtre de Limoges en 1967. Nous avons vu qu’il participa aussi à l’aventure du C.D.N. de Laruy. Dans son petit théâtre aujourd’hui disposé en arène, il a réalisé avec talent environ 80 mises en scène d’auteurs allant de Tchekhov à Voltaire, de Molière à Diderot, de Gogol à Sophocle, de Beckett à Philippe Léotard, de Copi à Genet. Formateur en milieu scolaire et au Conservatoire, il a su faire émerger plusieurs comédien(n)es sur la scène locale et nationale, qui ont continué ou non à se produire avec lui. Il a également ouvert son théâtre à divers créateurs : musiciens, conteurs, danseurs, poètes. Bruzat est d’ailleurs très attaché à la poésie et à ceux qui l’écrivent, comme Jean-Pierre Siméon, directeur artistique du Printemps des poètes, dont il a adapté des chansons ou des textes comme le Stabat mater furiosa avec Angélique Ionatos. Homme révolté, sans doute, il a toujours évoqué la possibilité de repartir sur les routes mais il est en fait très bien dans son théâtre, rendez-vous d’un public exigeant, désireux à la fois d’être ému, bouleversé jusqu’aux larmes mais aussi prêt à rire et à réfléchir.

Lorsqu’à l’automne 2017, des fonctionnaires de la culture s’en sont pris à cette belle Passerelle, j’ai écrit ceci:

            Quand un rond-de-cuir s’en prend au Théâtre de La Passerelle

            Sans doute que Georges Courteline aurait adoré monsieur François Deffrasnes, directeur du pôle création et industries culturelles à la Direction régionale des affaires culturelles de Nouvelle-Aquitaine ! Peut-être Georges Feydeau l’aurait-il mis en scène dans l’un de ses vaudevilles mais surtout, Gustave Flaubert en aurait fait l’un de ses personnages de roman, à la Bouvard et Pécuchet… Peut-être monsieur le directeur du pôle création et industries culturelles sait-il vaguement où se situe Limoges (Molière en parle dans Monsieur de Pourceaugnac…). En écoutant la radio, il a entendu plusieurs fois que des entraîneurs de foot avaient été limogés. Alors il doit se dire que c’est vraiment un trou perdu, cette ville ! Dans cette bourgade obscure, il y a – comme il le dit [1] – un « théâtre de proximité » (on imagine que dans sa bouche, c’est un peu comme une estrade pour les spectacles de kermesse paroissiale). ll affirme péremptoirement : « selon nos critères, il n’est pas considéré comme un théâtre de création. » Et c’est en cela que monsieur le directeur du pôle création et industries culturelles est – pour rester poli – totalement ridicule. Alors comme ça, lorsque la DRAC Limousin a été supprimée, en même temps que la Région Limousin, par un trait de plume présidentiel, les dossiers et les coupures de presse concernant La Passerelle se sont perdus ? Plus aucune trace des nombreuses et ambitieuses créations pleines d’émotion, de beauté et d’intelligence de Michel Bruzat depuis les années 1980 ? Plus rien à propos de ses accueils divers et variés ? Disparus les articles de la presse régionale, nationale et internationale, les souvenirs d’Avignon, les labellisations du Printemps des poètes de Jean-Pierre Siméon, les différentes générations d’élèves et d’apprentis comédiens formés, révélés, les auteurs contemporains encouragés ? Comme cela est étrange ! Il faut vraiment que monsieur le directeur du pôle création et industries culturelles soit mal informé pour qu’il ne sache rien de toute cette magnifique histoire culturelle et humaine ! Sa conseillère l’aurait-elle mal renseigné ? Monsieur le directeur du pôle création et industries culturelles ne saurait-il sincèrement pas que l’on a même vu dans ce beau théâtre des créations bien plus affriolantes qu’à la Comédie Française (je me souviens ainsi d’un Bourgeois gentilhomme poussiéreux en tournée au grand théâtre municipal et d’un autre, bien plus réussi, à La Passerelle, mais je pourrais multiplier les exemples !) et même qu’au C.D.N.L. ?

Monsieur le directeur du pôle création et industries culturelles, en tout cas, est très sérieux, et il emploie une jolie formule gendarmesque pour préciser ses propos : Michel Bruzat doit « rentrer dans les clous ». C’est vrai quoi, il a raison monsieur le directeur du pôle création et des industries culturelles, un metteur en scène, un directeur de théâtre, un artiste, et toute la cohorte des comédiens, poètes, musiciens, écrivains avec qui il travaille et crée depuis trente ans, c’est fait pour « rentrer dans les clous ». Foin de fantaisie ! « Rentrer dans les clous », vous dis-je, et, alors, « il pourra prétendre à une subvention ». Peut-être pourrait-il faire aussi une petite courbette devant monsieur le directeur du pôle création et des industries culturelles, ça ne serait pas plus mal !

 

[1] Le Populaire du Centre du vendredi 13 octobre 2017.

 

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Il faut mentionner également que Limoges fut/est le lieu de diverses expériences théâtrales professionnelles ou amatrices avec Urbaka, festival de rue créé par Andrée Eyrolle, le Caf’teur, lieu de spectacle étudiant, le théâtre étudiant de La Balise créé en 1980, la Compagnie Asphodèle (avec l’auteur Joël Nivard), qui vit je jour en 1977, la Compagnie Les Pieds dans les étoiles (Pascale Fermon, Hubert Lartigue), et bien d’autres. Dans les années 80, le futur réalisateur Damien Odoul créa la Ligue d’Improvisation Théâtrale du Limousin. Ville de théâtre, Limoges bénéficie aussi du dynamisme des clubs théâtre des établissements scolaires.