20 Déc

Fabrice Varieras, Corrèze, La Geste, 2019

 

Né en 1971 à Tulle en Corrèze, Fabrice Varieras est géographe de formation, CPE des classes préparatoires du vénérable lycée Gay-Lussac à Limoges, chroniqueur gastronomique de talent au Populaire du Centre et photographe doué, dont les clichés ont été publiés dans plusieurs livres chez divers éditeurs.

Placé sous les auspices de Julien Gracq et de Pierre Bergounioux, grands écrivains sensibles aux routes, aux cartes et aux paysages, mais aussi de la poète-paysanne Marcelle Delpastre, le nouvel ouvrage de Fabrice est tout entier dédié à sa Corrèze natale, dont il magnifie les couleurs, les atmosphères, les paysages et les villages avec beaucoup de maestria, tout en émaillant l’ensemble de notes poétiques bienvenues. Quiconque aime la nature et le Limousin trouve beaucoup de plaisir à parcourir ces pages grand format, en couleurs et en noir et blanc, souvent baignées des lumières matinales qu’apprécie le photographe et qu’il sait capter dans toute leur subtilité.

A la grandeur magnifique des paysages et des arbres du plateau de Millevaches, répondent les « sentinelles », crucifix, statues de la Vierge Marie, sculptures romanes des chapiteaux, monuments aux morts. Aux chemins bordés de prairies infinies où broutent doucement les bovins, répondent les routes départementales qui n’ont rien à envier à la route 66 américaine. Aux tourbières enchantées et aux pavés des villes répondent les serres, les sillons, les rails et les ponts.

L’apprenti (ou plutôt le maître) stoïcien qu’est Fabrice Varieras sait aussi photographier le détail incertain ou insolite, l’architecture surprenante, l’objet obsolète, les traces du passé comme celles de la modernité. Ainsi, même s’il se dégage de ce bel album comme un parfum tenace de nostalgie – au moment où le Limousin se fond dans la « Nouvelle Aquitaine » –, rien n’est oublié d’une certaine contemporanéité. Et puis il y a l’humour qui se dégage de certaines photographies, qui convoque immédiatement un sourire amusé mais bienveillant, lorsque l’on contemple un alignement de slips sur un fil à linge, ou les contrastes entre certains noms de boutiques et la banale réalité de leur environnement.

Il y a peu d’hommes et de femmes dans ce livre (mais il y a de beaux animaux…), mais leur trace sensible est partout présente, puisque en bon géographe, Fabrice Varieras sait qu’ils façonnent le paysage depuis des siècles en cette « petite patrie » ouverte sur l’universel qui est la sienne (il adopte le slogan « 100% corrézien ») et que j’aime aussi beaucoup. Il nous donne à voir le berceau d’une véritable civilisation, un pays qui inspira les troubadours médiévaux parmi les plus célèbres, qui fut peuplé de moines exceptionnels, comme ceux d’Aubazine, de seigneurs fougueux (jusqu’à Jacques Chirac), et de tout un peuple travailleur, opiniâtre et poète à ses heures.

On s’arrête à chaque page et l’on s’absorbe dans une contemplation d’une Corrèze que l’on préfère cette fois au Zambèze, le temps d’une lecture, et où s’affirme un peu plus l’œil photographique d’un capteur de fugitives impressions doué.

 

Laurent Bourdelas, Groupement des Radios Associatives Libres du Limousin, 20 décembre 2019.