Nuit du cinéma à l’Omnia le 31 octobre 1963, avec notamment André Claveau (à g.) et Miss cinéma 1963, Annette Vincent
(c) L. Bourdelas, P. Colmar, Limoges années 1950 1960 1970, Geste Editions
La ville – comme le Limousin d’une manière plus générale – entretient une très ancienne relation avec le cinéma – qu’il s’agisse de programmation ou même de tournages. Dès le début du XXème siècle, des lieux temporaires de projection sont installés, après une première séance le 2 juillet 1896. Pierre et Jeanne Berneau ont raconté les 50 premières années du 7ème art à Limoges, avec leurs séances de cinémas itinérants (comme les tournées du cinéma Pathé) puis la sédentarisation progressive, avec par exemple le Venetian cosmograph ou Cinémario (du nom de son propriétaire J. Mario) rue des Vénitiens, suivi par l’ouverture en 1910 des Nouveautés, place de la République, premier véritable cinéma moderne.
Le 26 août 1911 est inaugurée la salle de L’Union, réalisée par l’architecte J.B. Blanc, dans la rue de la Fonderie (rue des Coopérateurs). Parmi les animations et spectacles qu’elle accueille : le cinéma, lorsque le Cinéma Pathé ne peut plus utiliser la salle du Café de Paris. C’est le septième art qui lui donne son nom de « Ciné-Union ». A l’époque du muet, un orchestre d’une vingtaine de musiciens accompagne le film et l’on programmait aussi des attractions : chanteurs, clowns, acrobates, magiciens (elles durèrent jusqu’aux années 60). Si le passage au parlant, qui augmenta les coûts d’exploitation, fut fatal à deux salles limougeaudes, le « Ciné-Union » s’équipa de nouveaux appareils Philips (au début, le son était enregistré sur des disques 33 tours qu’il fallait synchroniser à l’image). Dans les années 30, le prix des places y était peu élevé, avec des séances à prix réduits pour les chômeurs. On fermait cependant deux mois l’été. Durant de longues années, M. Mainsat fut le directeur, son épouse tenant la caisse. Il y eut ensuite la couleur puis, dans les années 50, le cinémascope, avec, pour film inaugural de ce procédé : La tunique, le péplum d’Henri Koster avec Richard Burton, sorti sur les écrans en 53. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le cinéma était devenu l’activité presque exclusive de la salle. Avec ses 2 200 places assises, c’est alors le deuxième cinéma de France après le Rex à Paris. La salle travaille beaucoup avec la Fox. Si l’on prend l’exemple de la semaine du 8 au 13 mai 1946, la soirée se déroulait ainsi : un documentaire sur Aubervilliers, un dessin animé, le journal filmé de la semaine, sur scène Max Dif l’illusionniste, puis la Bataille du rail, film « le plus formidable de la Résistance à la gloire des cheminots français », signé René Clément. Dans les années 1950-60, beaucoup de jeunes fréquentaient la salle. Il arrivait que les queues soient très longues et, à l’entracte, les spectateurs se précipitaient dans les bars alentour. Beaucoup de spectateurs, qui n’allaient qu’au « Ciné-Union », le considéraient comme leur cinéma. Néanmoins, la salle fut obligée de fermer le 14 janvier 1971, après la diffusion d’Un coin de ciel bleu, à cause des difficultés de l’Union de Limoges. Le 2 décembre 1986, lorsque l’association « Sauvegarde de l’Espace Culturel Ciné-Union » souhaita recueillir des fonds, une soirée « cinéma à l’ancienne » fut organisée aux Ecrans, place Denis Dussoubs.
Il est une famille qui « compte » dans la diffusion cinématographique de Limoges, celle de René Devaux, et des Fridemann – Serge et Michel. René Devaux, ancien militaire, amputé à Verdun, exploita ses premières salles dans le Nord de la France, après le premier conflit mondial, avant de se retirer un temps sur la Côte d’Azur. Mais il décida de reprendre son activité et quitta les rives ensoleillées de la Méditerranée pour Limoges, où il exploita le Tivoli (qui devint L’Olympia, place Denis-Dussoubs), le Ciné Moka (avenue de la Gare), les Nouveautés, qui devinrent le Rex, place de la République. C’est son beau-fils Serge Fridemann – alors représentant de la Metro-Goldwin-Mayer dans le Sud-Ouest – le mari de sa fille Giselle, qui prit la relève, ouvrant le Star place de la République (où il y avait aussi l’Omnia qui appartenait au groupe Oceanic de G. Raymond) ou la salle d’art et essai du Lido, en 1964, qui succéda à celle du Paris, plus polyvalente, en haut de l’avenue du Général De Gaulle, très prisée des cinéphiles (trois salles dont une très confortable avec un magnifique plafond peint d’inspiration mythologique, 660 fauteuils). Depuis longtemps, de nombreuses soirées spéciales, festivals et autres manifestations y sont organisés. Il y avait aussi, dans les années 60, le Cinémonde, place de la République, près du café Le Central, et le Ciné-Carnot, avenue Emile Labussière, qui diffusait des films de Série B, avant de devenir un cinéma porno lorsque le film X connut son apogée et de fermer en 1984. Michel Fridemann prit la succession de son père en 1974. Formé au marketing à Sup de co Bordeaux, bon manager et vrai amateur de cinéma, c’est l’homme de la création des deux multiplexes Grand Ecran : 14 salles place Denis Dussoubs, et en haut de la rue Aristide Briand, près d’Ester technopôle, 10 salles pour un cinéma ouvert en 2008. Les cinémas sont passés au numérique en 2010. Le groupe familial Grand Ecran exploite aujourd’hui 55 écrans dans 7 établissements et 6 villes entre Limoges et Arcachon. Les cinémas des Fridemann père et fils ont accueilli des réalisateurs, bien entendu, nombre d’avant-premières et d’évènements spéciaux, le ciné-club de Jean-Marie Masse, les séances de cinéma à minuit (horreur, karaté, etc.), celles de « Connaissance du Monde », mais aussi des concerts du hot-club de jazz ou des chanteurs comme Charles Aznavour, Gilbert Bécaud, et quelques yéyés. Le Gaumont-Colisée (6 salles), installé quelques temps place Jourdan, n’a pas résisté et, au moment où ce livre est écrit, Michel Fridemann est le seul propriétaire de cinémas à Limoges. Il existe cependant d’autres lieux où l’on peut voir des films, selon leur programmation culturelle ; par exemple dans les centres culturels municipaux ou à la Bibliothèque francophone multimédia. Des manifestations ponctuelles sont également organisées, comme les Rencontres du cinéma russe depuis le début des années 90 – Limoges étant jumelée avec Grodno, en Biélorussie.
En 2013, le bel ouvrage Limousin sur grand écran (Culture& Patrimoine en Limousin), dirigé par Philippe Grandcoing et Marc Wilmart, avec de nombreux contributeurs, a présenté les principales créations cinématographiques tournées en Limousin depuis 1913. On y découvre que Limoges a parfois inspiré les réalisateurs, comme Claude Sautet.