01 Mai

Théâtre à Limoges (5): L’échappée belle

En 1973, Charles Caunant, limougeaud d’origine, revient vers sa ville natale ; il est comédien, producteur à F.R.3 et il a la volonté de créer un café-théâtre inspiré du Café de la gare de Romain Bouteille. Il trouve une suite de caves médiévales 11 rue du Temple et convainc le propriétaire, Bernard de Fombelle, d’accueillir son projet. D’octobre 1975 à février 1977, 35 personnes donnent bénévolement de leur temps pour assainir, assécher, aménager le lieu. Toutes les économies de Caunant sont dépensées dans l’entreprise soit 50 000F de l’époque pour un théâtre de cent places. Le 9 février 1977, L’Echappée Belle est inaugurée, régie par une association dont le président d’honneur est Serge Moati, le réalisateur du Pain noir (dans lequel Caunant joue) et le vice président Serge Solon, directeur des programmes F.R.3 Bordeaux. Parmi les responsables et parrains : Jacques Rabetaud, professeur et comédien, Jean-Charles Prolongeau, artiste et céramiste, alors animateur de foyers socio-éducatifs, Georgette Bretenoux, Jean Dalbru, Georges Chatain, journaliste, Pierre Juglass, libraire. La salle propose des spectacles, du théâtre, des concerts (variétés, jazz), des expositions. S’y produisent Romain Bouteille, Marianne Sergent, Patrick Font et Philippe Val, Jean Pierre Sentier, Christian Pereira, les chanteurs Michel Sohier, Charles Elie Couture, Jacques-Emile Deschamps, Marie France Descouard, Françoise Rabetaud et Dominique Desmons, et bien d’autres. Charles Caunant écrit ‘’Mourir Bronzé’’, ‘’La caissière est mélomane’’, ‘’Le Festival du bref ’’. Patrick Jude, plasticien et professeur aux Arts Deco crée les affiches des spectacles. Un vent de liberté et de fraternité souffle dans la cave où se retrouvent artistes de renommée nationale et créateurs locaux comme Max Eyrolle et sa sœur Andrée. Jusqu’au docteur Henri Pouret, figure de la bourgeoisie limougeaude, qui viendra donner un jour une conférence sur l’art. L’Echappée Belle devient l’endroit underground fréquentés par les lycéens, les enseignants, les créateurs et spectateurs de tout poil attirés par l’esprit des lieux, éclairé à l’étincelle des poètes pour reprendre l’image de Pierre Desvaux fondateur de ‘’La Compagnie Chpeuneuneu’’.  L’entreprise portée par la passion des bénévoles cessa faute de soutiens financiers qu’elle n’a d’ailleurs jamais voulu demander. Charles Caunant avait ouvert une voie inédite à Limoges. Il vit désormais à Sète et reste en contact avec quelques amis fidèles comme Marc Wilmart qui fut un soutien personnel et médiatique important dans l’aventure de l’Echappée Belle dont la naissance fut annoncée à la fin de l’année 1973 dans un court métrage qu’ils cosignèrent. Il fut diffusé sur ce qui devint F.R.3 après l’éclatement de l’O.R.T.F. en 1975. Le film de 12 minutes avait pour titre : On ferme pour cause de réouverture.  Ce survol de la vie culturelle de la capitale régionale commençait par un poème sur Limoges en voix off de Charles Caunant sur des images d’entrée du Capitole en gare des Bénédictins :

Limoges ma ville

            Avec sa gare toujours bien limogesque

            Ses trolley-bus bien limogineux

            Ses maisons limogestes

            Ses bars si joliment limogeouillés

            Ses librairies bien limogeardes

            Ses cinémas limogiques

            Son théâtre bien limogéum

            Ses limougeauds tranquillement limoginés.

            Mes amis, là-dessus tout limogifs

            De me revoir si limogieux

            Et cette absente là-dessous

            Si complètement limogingue

            Que Limoges à la fin c’est à faire

            Limogir d’envie les images de l’autre Epinal,

            Qu’à Limoges après tout c’est

            Tellement

            Tellement

            Tellement limogiaque

            De revenir chez soi.