Le calme qui suit les troubles médiévaux permet à l’économie limougeaude de développer sa prospérité, notamment commerciale et les artisans du Château profitent de ces temps d’accalmie. Les émailleurs développent la technique des émaux peints qui deviennent, dès la fin du XVème siècle, un produit de luxe. Jean-Marc Ferrer parle d’un « âge d’or de l’émail de Limoges » : œuvres d’inspiration religieuse, « colorées et rutilantes », ou d’inspiration antique, qui ornent aussi bien les retables (ceux, par exemple, qui sortent de l’atelier de Colin Nouailher) qu’elles décorent les maisons des plus riches, jusqu’à leur vaisselle. Au premier rang, sans doute, de ces émailleurs : Léonard Limosin (v.1505 – v. 1576), « esmailleur et painctre du Roy », établi à Limoges en 1541 avec son frère Martin, célèbre pour ses portraits et ses autres créations. On doit citer également les Pénicaud, Courteys, Reymond. Au XVIIème siècle, les frères Masbareaux se distinguent par leurs travaux de graveurs sur métal et matériaux précieux comme l’ivoire. Ils réalisent les médailles offertes en 1605 à Henri IV. Une vingtaine d’ateliers liés au travail du fer – le Limousin est riche en forges – fabriquent épingles, fil de fer, clous, broches, fers à chevaux, ciseaux, balances, armes. Les magasins de quincaillerie sont bien fournis. A la suite de l’imprimeur Berton, puis de Lanouaille, la famille Barbou s’épanouit dans la ville. En 1580, Hugues se signale par l’édition magnifique des Epitres de Cicéron à Atticus ; en 1660, la veuve d’Antoine Barbou publie en latin une biographie des hommes illustres du Limousin ; en 1672, Martial édite l’histoire des saints de la province. Imprimeurs-libraires, relieurs, fabricants de papier, installés aussi à Paris, les Barbou furent les imprimeurs du clergé, de la Compagnie de Jésus, de l’Intendance. En 1764, Martial possède quatre presses et onze sortes de caractères et emploie environ vingt-cinq personnes. Il convient de rappeler aussi que Limoges abrite des cartiers, disposant avec seulement cinq autres villes du privilège de fabriquer des cartes à jouer. Les artisans de Limoges ont des comptoirs en France et même à l’étranger, ils participent au trafic océanique via le port de La Rochelle. La ville figure parmi les cités les plus peuplées du royaume avec, au milieu du XVIème siècle, environ 15 000 habitants – 20 500 à la veille de la Révolution. Le Château complète ses fortifications, entretient une milice bourgeoise d’environ 4000 hommes, dispose de pièces d’artillerie. Les plus aisés des habitants se concentrent autour de Saint-Pierre-du-Queyroix et de Saint-Michel-des-Lions, apprécient particulièrement les rues du Consulat et du Clocher. Les familles de bouchers ont pris possession des rues Torte, Gondinet et autour. Près des remparts, à l’intérieur et à l’extérieur, vivent les plus modestes des Limougeauds – jardiniers, domestiques.
Limoges est aussi une « capitale rurale » au cœur d’une région d’élevage. Les bouchers achètent – sur le foirail de la place des Bancs – du bétail venu de la Marche. Les marchands de bestiaux, les éleveurs, se rencontrent aussi à la foire de Saint-Loup le 22 mai. Nourris de châtaignes et de glands dans la campagne alentour, les cochons ont beaucoup d’importance et alimentent la gastronomie locale. Près de Saint-Pierre-du-Queyroix se tient le marché aux poissons, salés et de marée, sous une halle. La ville est entourée de vignes dont Salvinien d’Alquié déclare que leur vin n’est propre « qu’à donner la colique ». Destiné au peuple, il est en effet vert et âpre, à boire rapidement. Au port du Naveix, on récupère les bois ayant flotté sur la Combade, le Taurion et la Vienne, destinés au bâtiment, au chauffage ou à la tonnellerie.
Il existe à Limoges une communauté de Lettrés, parmi lesquels : Madeleine Sautereau, Jean de Beaubreuil, Barny du Bourg, Chrestien, Dubois, Fougères, Guéry, Martin, Mestre. On a retrouvé la trace d’un certain Maurus, grammairien. Mais le plus célèbre d’entre eux, marchand de son état, est sans conteste Joachim Blanchon, dont Les Premières Œuvres poétiques furent publiées à Paris en 1583 : élégies, complaintes, stances, odes et chansons fort agréables, où il chante les « bords de la Vienne argentée/Qui en serpent s’écoule doucement… » ou, de son pays natal, l’ « Heureux climat heureusement heureux ». Grande figure, le limougeaud Jean Dinemandi, dit Dorat (1508-1588), aurait composé ses premiers vers près de l’Aurence. Grand helléniste et érudit, il enseigne à Ronsard, Du Bellay et Baïf, qui lui vouent une grande reconnaissance. En 1567, Charles IX nomme poète royal celui qui n’hésite pas à faire l’éloge du Limousin, « là naissent aussi les intelligences vives des doctes poètes. » Il est l’oncle de Jacques Dorat (Limoges, 1566-1626), poète. En 1589, Pierre Cibot, chanoine à la cathédrale de Limoges, compose l’Oraison funèbre du roi de France Henri III.
L’évêque Jean de Langeac enrichit pour sa part la cathédrale de deux œuvres de la Renaissance : le jubé – avec la représentation des douze travaux d’Hercule – et son tombeau réalisé trois ans après sa mort, avec des bas-reliefs inspirés par l’Apocalypse. Mais les évêques s’occupent moins de leur diocèse, et l’abbaye Saint-Martial se sécularise.
Progressivement, les administrations de la monarchie et leurs personnels s’installent, avec notamment le présidial (tribunal royal) en 1551 ; Limoges devient chef-lieu de généralité en 1558 et d’un gouvernement militaire deux ans plus tard.