Ce matin à 11h à la salle des fêtes de Sauternes, les vignerons vont tenir un siège et une conférence de presse pour dénoncer le projet de LGV qui risque d’impacter très fortement le Ciron, ce cour d’eau qui favorise le développement du botrytis nécessaire pour faire les vins liquoreux. L’AOC est selon eux en péril !
Le Sauternes menacé par le TGV ? Les producteurs des grands vins liquoreux de Bordeaux et des élus locaux redoutent que la future ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Dax ne perturbe le fragile micro-climat permettant la fabrication de ces vins uniques au monde, une charge farouchement contrée par RFF.
Nous appelons tous les défenseurs des vins liquoreux à faire part de leur mécontentement », Philippe Dejean, président de l’Union des vins liquoreux de Bordeaux.
Ce groupement réunit onze AOC, dont la plus prestigieuse, celle des Sauternes et Barsac qui compte une trentaine de grands crus classés 1855, parmi eux Yquem.
Certes, la ligne ferroviaire prévue pour 2027 ne passerait pas directement sur les terres de ces AOC mondialement connues. Mais elle traverserait la zone humide de la vallée de la rivière Ciron, classée Natura 2000, au risque de dérégler son micro-climat si particulier, avertit M. Dejean, qui se dit « très inquiet ».
Les liquoreux de Bordeaux, expliquent les viticulteurs, ne doivent en effet leur existence qu’à une brume matinale générée par les eaux froides du Ciron – « à température de la terre » – qui se réchauffent en arrivant sur la plaine de Sauternes. Et c’est ce brouillard qui permet l’apparition sur les grappes d’un champignon, le botrytis, qui va « confire » les grappes, donnant au jus de raisin son arôme spécifique.
« C’est ça, le moteur de nos AOC! », insiste Xavier Planty, président de l’organisme de défense et de gestion de Sauternes. « Si les eaux du Ciron se réchauffent, la formation du brouillard sera plus compliquée. On ne peut pas prendre le risque de tout foutre en l’air ».
Outre les risques potentiels pour les vignobles, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer l’impact qu’aurait la LGV sur l’environnement et ce paysage du Sud-Gironde.Pour le syndicat d’aménagement mixte du bassin versant du Ciron, « l’un des secteurs les plus préservés abritant de nombreuses espèces protégées » va se retrouver « enclavé par les voies », et « défiguré » par des franchissements « dont trois viaducs ».
L’étude de faisabilité du Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), comprenant les lignes Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, a été confirmée par l’Etat à l’automne 2013.
Regardez le reportage de Candice Olivari et de Thierry Julien tourné ce vendredi matin dans le Sauternais
Réseau Ferré de France (RFF), opérateur du projet, rappelle que le projet « résulte d’une longue démarche d’études et de concertation » à partir des débats publics de 2005-2006, et que les enjeux avaient été identifiés avec les acteurs « dont ceux des secteurs viticoles ».
A la fois pour des raisons d’éloignement du tracé (à 10 km du vignoble de Sauternes) et de dimensionnement des ouvrages, le projet de ligne « n’est pas susceptible d’entraîner un impact » sur la basse vallée du Ciron, notamment sur le vignoble de Sauternes et Barsac. Et il « n’aura pas d’effet sur sa climatologie« , affirme RFF.
Ces assurances peinent à convaincre les détracteurs, « tous les petits élus, les associations de défense de l’environnement, les sylviculteurs, les chasseurs, les viticulteurs », détaille le député PS de la Gironde, Gilles Savary, qui y voit « une opposition autrement plus représentative que celle du barrage de Sivens », dans le Tarn. Pour M. Savary, opposant de longue date à la LGV, le tracé « tape dans l’îlot de diversité le plus précieux de la forêt d’Aquitaine, à la biodiversité remarquable », « une provocation » selon lui. Pour le député, membre de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale, il serait bien plus judicieux de réhabiliter les voies ferroviaires existantes pour « sortir Toulouse de son enclavement » et « aller le plus tôt possible jusqu’en Espagne », mais « avec des trains circulant à 250 km/h, et non à 340 km/h » sur des lignes nouvelles.
Au terme de l’enquête publique, un rapport de synthèse sera remis au Conseil d’État qui émettra un avis que le gouvernement pourra suivre ou non. Mais les viticulteurs envisagent déjà de « saisir la Cour de justice européenne ».
Le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux a demandé lui aussi « des éclaircissements » à RFF et « une véritable enquête menée sans a priori ».
Car « aujourd’hui rien n’existe » quant à l’impact des travaux sur les Sauternes, souligne son président, Bernard Farges.
Avec Agence France Presse.