A voir absolument ! Ce Côté Châteaux de janvier est consacré au vignoble de Corrèze, un vignoble méconnu mais qui mérite que l’on s’y attarde, car il a une sacrée histoire. Au XIXe siècle, il était quasiment aussi important que celui d’Alsace, aujourd’hui avec seulement 75 hectares, c’est l’un des plus petits de Nouvelle-Aquitaine. Et pourtant son AOC Corrèze vient d’être consacrée par un arrêt du Conseil d’Etat, qui reconnaît aussi le vin de Paille de Corrèze. Sans compter tous ces Corréziens qui ont bien réussi dans le Bordelais, à l’instar de la famille Janoueix.
Attention, vous allez prendre un bon bol d’air pur… « Comment puis-je oublier, ce coin de paradis, ce petit bout de terre où vit encore mon père… » chante le groupe Trois Cafés Gourmands, un groupe 100% corrézien. Côté Châteaux vous propose pour son émission 100% terroirs de Nouvelle-Aquitaine un numéro 13 spécial Corrèze, déjà parce que cela rime, et puis parce que c’est sans doute le plus petit de Nouvelle-Aquitaine : 75 hectares, l’équivalent d’une grosse propriété dans le Médoc, pour une quarantaine de vignerons !
PLUS DE 16 700 HECTARES AU XIXe, 75 HECTARES AUJOURD’HUI
On démarre ce numéro avec René Maury, le président des Coteaux de la Vézère, rencontré sur les hauteurs d’Allassac et de sa cave située au lieu-dit Le Saillant. Il nous raconte l’histoire de ce vignoble, dont « les vieux écrits, les plus anciens, que nous avons sont tout de même du VIe siècle, il y a 15 siècle, ce vignoble a existé et de façon brillante… » « Ce vignoble avait disparu, aux environs de 1850 il représentait pourtant plus de 16 000 hectares, comme partout en France il y a eu le phylloxéra, cette petite bête qui a ravagé le vignoble français… »
La renaissance, on la doit à une poignée de Corrèziens, persévérants, qui de manière obstinée ont replanté ce vignoble qui avait disparu…Nous avons décidé il y a 20 ans de refaire un vignoble de professionnels, de vignerons, un vignoble de terroir« , René Maury président des Coteaux de la Vézère.
« C’est Albert Parveaux, le chef du château de Castel Novel, deux étoiles Michelin à Varetz, dans les années 90, qui le premier a tapé du poing. Comment ? Etre obligé de servir à sa table des vins de partout et d’ailleurs, sauf de Corrèze ? » explique également le site des Coteaux de la Vézère.
« Sur ce terroir de schiste, d’ardoise, nous avons principalement replanté du chenin comme en Anjou et du cabernet franc car à l’évidence, ce sont les 2 cépages qui ont le plus de typicité, de caractère sur le schiste ardoisier… », complète René Maury.
Un vignoble qui a eu une reconnaissance à double titre, il y a 2 ans à travers l’AOC Corrèze et en justice très récemment : « cette AOC Corrèze a été traduite en justice par des vignerons qui contestaient cette appellation et en octobre dernier, le Conseil d’Etat a définitivement tranché et reconnu la validité de cette AOC Corrèze. »
FOCUS SUR LE VIN DE PAILLE – AOC CORREZE
Ces déboires m’ont amené forcément sur le vin de Paille de Corrèze. Je suis parti à la rencontre de Jean-Louis Roche, producteur à Queyssac-les-Vignes, en pleine taille de sa vigne : « j’ai 3 hectares de vignes avec moitié en blanc chardonnay et moitié en rouge avec du cabernet franc. » Il n’y a qu’une dizaine de producteurs de vin de paille corrézien, 20 hectares, sur les cantons de Beaulieu et Meyssac.
Et de nous montrer sa récolte dans son hangar : « là, ce sont les raisins cueillis fin septembre, ils sont en train de sécher, cela fait quasiment 4 mois qu’ils sont dans des clayettes…Cette année, on a eu des conditions assez difficiles avec un automne assez pluvieux, cela a eu du mal à sécher…Pour faire un litre de vin, il faut environ 1,3 kilo de raisin, nous pour le vin de paille il nous faut entre 5 et 6 kilos de raisins, chargés en arômes, en sucre, c’est aussi toute la subtilité de ce produit. »
A l’origine, ces Corréziens faisaient du vin Paillé, mais attaqués par les viticulteurs du Jura, ils ont perdu ce nom devant le Conseil d’Etat en 2014, avant de retrouver le nom vin de Paille – AOC Corrèze récemment… « pour respecter aujourd’hui le cahier des charges, on est obligé depuis qu’on est passé de vin paillé à vin de paille de faire un élevage de 18 mois dans des contenants en bois. Là, pour le moment, il n’a que 6 mois de vieillissement, et je trouve qu’il dégage des arômes surprenants. En fait, c’est un mal pour un bien, on va faire des vins très typés, goûteux, mais on ne va pas faire de concurrence au Jura, les volumes de production ne sont pas les même (50000 bouteilles en Corrèze contre 200 000 de vin de paille du Jura), mais on va gagner en notoriété. »
LA CAVE DE BRANCEILLES, LA CAVE DES 1001 PIERRES
Direction la cave coopérative de Branceilles, une cave pas mal visitée par les touristes de passage : « on a pas mal d’oenotourisme, c’est une région propice à cela, entre Collonges-la-rouge, Beaulieu et Rocamadour… » m’explique d’emblée Philippe Leymat, président de la Cave de Branceilles. « On a 3 circuits entre visite du vignoble et visite patrimoniale. »
Là aussi, on sent la volonté farouche de ces vignerons de faire renaître ce vignoble avec leur cave coopérative : « on est 8 vigneron, cela fait 30 ans qu’on a relancé cette cave en 1988, on avait une histoire avec 500 hectares avant le phylloxéra… L’entre-deux-guerre a amené une grosse dynamique autour de la truffe d’où notre communication autour des terrains truffiers ».
C’est ici la cave aux 1001 pierres, en rapport avec notre sol très calcaire, on est obligé pour planter les vignes de sortir de gros rochers calcaires que l’on broie et cela donne de petits cailloux, un terroir de calcaire qui va rayonner la nuit l’été, » Philippe Leymat, président de la Cave de Branceilles.
« Cette cave produit des rosés et des rouges assez typés avec ce calcaire, ils ont beaucoup de matière et de puissance », poursuit Philippe Leymat.
JEAN-FRANCOIS JANOUEIX, LA CORREZE AU COEUR
Qui dit Corrèze, dit forcément Corrèzien en terre de Bordeaux ! On compte de nombreuses familles qui sont venues s’installer dans le Bordelais, le Libournais, … Parmi elles, les Janoueix avec Jean-François Janoueix, 84 ans, un personnage truculent, haut en couleurs, des couleurs oui mais celles de sa Corrèze…
Il me montre sa robe de confrérie « ça cela explique très bien les Corrèziens venus à Saint-Emilion et à Pomerol. C’est là où les Corrèziens ont les plus grands vignobles, on bat les Rothschild, on vend du vin plus cher que celui que vendent les Rothschild dans le Médoc… » On sent la fierté de celui qui avec sa famille a réussi, à la force du poignet comme on dit. Son grand-père a commencé à vendre du vin et démarcher à vélo et en train…Son père a continué à vendre dans le Nord, la Berlgique, en Normandie, en Bretagne, …avec une camionnette, et lui en avion comme il dit.
« Ah des souvenirs, j’en ai ! Je garde, vu mon âge l’histoire des Janoueix pour dans 50 ans... » Et de me montrer tous ses albums avec son grand-père Jean Janoueix, le premier arrivé, puis son père Joseph, et lui, on en est même à la 5e génération de Janoueix ! Une famille qui se réunit tous les ans le 15 août en Corrèze, et de poursuivre en montrant ses albums sur les vendanges…« J’ai 4 livres comme celui-là… Regarde, 1962…une vendangeuse qui restera en Gironde et deviendra en 1963 mon épouse… »
Une véritable « Corrèze connection » issue de Meymac: « on a eu jusqu’à 5 banques à Meymac, même des fabricants de bouchons, cela a enrichi le pays, c’était colossal… » Et de s’arrêter aussi et bien sûr sur celui qui disait « c’est loin mais c’est beau » quand il sillonnait sa Corrèze et sa France, Jacques Chirac, aussi en photo : « il est venu ici comme Bernadette »…e
Et de montrer ses voitures de collection, de vieilles camionnettes « une Citroën de 1924 et une Delahaye de 1928 » avec lesquelles son père Joseph Janoueix faisait les livraisons, « tu vois tout cela je garde tout, et elles marchent, chaque fois qu’on fait des mariages ou qu’on reçoit des clients… »
Quand on conserve le passé, on conserve l’amour de nos grand-parents, de nos parents et par ce passé ils vivent encore » Jean-François Janoueix
On ne l’arrête pas Jean-François « là ce sont mes moutons corréziens, et là le coq Sarpinus, un brama de 4?6 kilos, je l’ai échangé au concours agricole de Paris contre 12 bouteilles de Saint-Emilion…Tout ce qui est là vient de la Corrèze, de mes tantes, de mes cousins, ils me disaient, jean-François comme cela tu penseras à nous… »
Enfin, arrive la dégustation des vins de 2 de ses nombreuses propriétés Haut-Sarpe 2015 et Castelot 2010: « le Haut-Sarpe, c’est un vin de rôtis un vin de chasse…ça passe tout seul…
Moi ce que j’aime dans le vin, c’est la rémanence, c’est le souvenir » Jean-François Janoueix du château Haut-Sarpe
« Quand on a reçu Maurice Druon, on voulait ouvrir une belle bouteille, et mon fils avait acheté chez Sotheby’s un Haut-Sarpe de 1904… J’ai goûté les plus grands vins du monde, j’ai eu cette chance-là… » Et de porter un toast: « à la Corrèze et merci de ce que vous faites pour la Corrèze et les grands vins de Bordeaux… »
Un numéro spécial Corrèze qui bien sûr se termine à la cave des Coteaux de la Vézère où nous retrouvons avec Sébastien Delalot un autre viticulteur depuis 17 ans Gilles Vialle qui nous confie: « c’est une belle aventure, oui on fait du vin en Corrèze, d’ailleurs vous allez le goûter, on produit 60 000 à 80 000 bouteilles, on va continuer à planter pour atteindre les 100 000 et continuer à travailler la qualité. »
Stéphanie Hebert, responsable de la cave confie « c’est du chenin, avec des notes minérales de pêche de fleurs blanches et de miel aussi ». Et René Maury, le président des Coteaux de la Vézère: « ce sont des vins de caractère, qui ont une typicité et qui sont dans l’air du temps, faciles à boire, avec des arômes de pêche, d’agrumes, qui s’accommodent très bien avec des produits du terroir que nous avons ici comme ces pâtés corréziens de canard et foie gras, ou ces fromages de chèvre produits par un couple d’agriculteur tout près d’ici.. »
Regardez Côté Châteaux N°13 Spécial Corrèze réalisé par Jean-Pierre Stahl avec Sébastein Delalot :