Pierre Gagnaire et toute son équipe sont « prêts pour le combat ». Ils l’affichent clairement sur le perron de la Grande Maison. C’est le goût pour une gastronomie artisanale mais de très bon goût qui le fait relever ce défi de reprendre avec son second Jean-Denis Le Braz le restaurant de la Grande Maison. Des menus plus accessibles seront donc proposés à la clientèle avec la volonté d’étonner et de mettre en valeur aussi les produits du terroir.
Avec son accent stéphanois fort sympathique en terre bordelaise, Pierre Gagnaire me confie d’emblée : « C’est incroyable, pour moi être là c’est inouï ! On n’avait pas de liens amicaux, jusqu’ici, avec Bernard Magrez et c’est une chance inouïe de faire un projet fort, singulier, une très belle cuisine avec un type hors norme ».
Pierre Gagnaire, le grand chef de 66 ans, 3 étoiles au Guide Michelin avec son restaurant rue de Balzac à Paris et désigné « le plus grand chef étoilé du monde » par ses pairs en 2015 est en effet dans les starting-blocks: ce soir il va préparer son premier repas gastronomique pour 20 journalistes de la presse spécialisée et 20 invités de marque. Que ce soit dit : la cuisine gastronomique redémarre à la Grande Maison !
Pierre Gagnaire a pris la succession de Joël Robuchon, l’autre grand chef qui avait lancé le restaurant de La Grande Maison et obtenu directement 2 étoiles au guide Michelin en février 2016 : « c’est pour moi le meilleur » dit avec modestie Pierre Gagnaire qui a pris la suite dès le 24 juin, mais au début de l’été, il avait surtout écrit « le Début de l’Histoire » comme l’affichait d’ailleurs sa carte à l’extérieur de la Grande Maison.
C’était une « soft opening » avec un menu déjeûner à 65 € et un menu à 135 €, menus qui sont toujours d’actualité, mais désormais le Grand Menu vient compléter l’offre avec 7 plats. Un menu plus abordable à 185 € (précédemment il était de 285 €).
« C’est un modèle économique qui vise désormais l’équilibre » me confirme Bernard Magrez, « les menus (il y en a 3) sont plus accessibles, on n’est ni à Tokyo, ni à New-York, il y a moins d’étrangers », tout comme Pierre Gagnaire qui ne va pas faire de la Grande Maison un endroit moyen mais « une offre sans doute plus accessible mais toujours avec une cuisine pour se faire plaisir ». Et il explique comment s’y prendre : « Précedemment, il y avait une proposition de 18 pains différents, on va nous n’en mettre que 3. » Mais l’essentiel est surtout sur le nombre de cuisiniers et de pâtissiers qui est plus mesuré : 9 et 4″. Pierre Gagnaire a lui-même connu par le passé des difficultés avec son restaurant étoilé de Saint-Etienne en 1996 : « il y a 20 ans, j’ai tout perdu et fait faillite, à cause d’une grève interminable dans les transports…J’ai ensuite créé mon restaurant à Paris qui a obtenu 3 étoiles où j’ai un modèle économique qui fonctionne : on ne perd pas d’argent. »
La philosophie de Pierre Gagnaire, c’est avant tout d’être « un poète de la cuisine », on est des « artisans », des « bricolos de la cuisine » et « on continue à s’amuser ». Sur la cheminée du salon de la Grande Maison trône ce dessin réalisé par Simon Andrineau : un crobard de Paul Bocuse chez qui il a fait ses premières armes en 1965 où il estime à l’époque qu’il n’avait pas pris suffisamment la mesure de ce qu’était ce Dieu vivant de la gastronomie, mais il aime sa manière de faire « clanique » : « il a un clan, il le protège ».
Pierre Gagnaire lui est venu avec son bras droit Jean-Denis Le Braz. « J’ai travaillé avec lui durant 4 ans dans mon restaurant de Hong-Kong (il a obtenu 2 étoiles à HK) et aussi à Londres : si je n’avais pas eu cet homme, je n’aurais pas fait ce projet ». Et d’ailleurs il a déjà réalisé un bout de chemin avec « le Début de l’Histoire ».
Parmi les 7 plats du menu gastronomique, Pierre Gagnaire prépare actuellement ses grouses pour amateurs de gibiers, qui ont paraît-il « un parfum de tourbe et même de whisky »…
La concurrence avec les autres chefs, notamment ceux de la place de la Comédie, Philippe etchebest et Gordon Ramsay, ne fait pas peur à Bernard Magrez, c’est d’ailleurs plutôt une saine émulation : « Je crois que c’est bon pour Bordeaux, chacun va essayer de faire mieux. »
Quant à Pierre Gagniaire, il s’est déjà mué en entraîneur d’une équipe de rugby ou d’une écurie de boxeurs : « le combat, le combat » scandent-ils sur le perron de la Grande Maison.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Sébastien Delalot, Eric Delwarde, Hugues Orduna et Emmanuel Cremese :