27 Sep

Coup d’envoi des vendanges en rouge dans le Bordelais : « au niveau qualitatif, on a de très belles choses »

Depuis le début de semaine, de nombreux domaines ont commencé les vendanges de merlot à l’instar du château de France. En Pessac-Léognan où les terroirs sont plus précoces, le gros des vendanges est lancé, en Saint-Emilion et Pomerol, ça a démarré pour certains, on annonce un démarrage plus important à partir de mercredi. Dans le Médoc, ce sera surtout « branle bas de combat » la semaine prochaine.

Arnaud Thomassin, propriétaire du château de France © Jean-Pierre Stahl

Arnaud Thomassin, propriétaire du château de France, pour ce premier jour de vendanges © Jean-Pierre Stahl

Depuis lundi, de nombreux châteaux de Pessac-Léognan ont lancé leurs vendangeurs dans les rangs de vigne : c’est parti à Haut-Bailly, mais aussi à Latour-Martillac, ça a continué à Haut-Lagrange (lancé mardi et mercredi), à Smith-Haut Lafitte (démarrage jeudi dernier) et au château de France, ce lundi.

Ce sont en effet 25 vendangeurs qui ont donné hier à 8 heures les premiers coups de sécateurs sur une « parcelle historique » du château de France à Léognan, au lieu-dit la Gravette. Ici étaient plantés de très vieux pieds, âgés de plus de 60 ans, ils ont été arrachés en 2010 et voici les nouveaux qui commencent à bien donner sur cette superbe croupe de Graves.

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L’endroit est assez magique, en pente, chose assez rare dans le Bordelais comparé aux coteaux de Bourgogne. Arnaud Thomassin, le propriétaire, est venu voir  son équipe : « c’est une équipe très soudée, les vendangeurs viennent depuis plus de 10 ans ».

A Saint-Emiliion, le mythique Cheval Blanc, 1er cru classé A, a aussi donné le coup d’envoi, l’Union des Producteurs aujourd’hui, et château Fonroque en Saint-Emilion Grand Cru demain.

Au château de France (batisse en fond), on s'attend à un bon millésime © JPS

Au château de France (batisse en fond), on s’attend à un bon millésime © JPS

Même si sur cette parcelle les rendements ne sont pas plétoriques (à cause d’un peu de gel), « c’est très sain, très mûr, ça se présente pas mal commente Arnaud Thomassin. Il faut dire que le domaine repart d’un bon pied après avoir traversé quelques années difficiles : « en 2011, on avait brûlé, l’outil de production est parti en fumée ». Un tracteur avait en effet pris feu et les ateliers et le chai avaient été sérieusement touchés par cet incendie. Fort heureusement « la solidarité vigneronne a joué » et le château Haut-Bailly a pu prendre en compte la récolte des blancs, quant aux rouges ils étaient vinifiés au château Haut-Gardère.

VENDANGES EN ROUGE 106Le propriétaire s’est battu et a pu reconstruire un nouveau chai de vinification, quant au hangard agricole, il est aujourd’hui séparé pour éviter les risques de propagation. La première vendange sous de meilleurs auspices s’est déroulée en 2014, depuis ce ne sont que de bons millésimes qui se succèdent.

VENDANGES EN ROUGE 141Au niveau qualitatif, cela se présente très très bien, les couleurs sont jolies, les pellicules sont mûres, on est sur des tanins bien mûrs aussi, on est plutôt très content, cela envisage de très belles choses », Arnaud Thomassin du château de France.

Quand la magie commence à opérer dans en cuve...© JPS

Quand la magie commence à opérer en cuve…© JPS

« Par rapport à 2015, c’est un millésime différent, encore un millésime un peu inconnu pour nous car cela fait partie des climatologies qu’on n’a pas l’habitude d’avoir, on a eu deux mois et demi très très sec, sans eau, mais les vignes ont plutôt bien supporté, vous pouvez le voir, le feuillage reste vert, les vieilles vignes ont très très bien supporté cette chaleur et pour l’instant, on est sur des équilibres qui sont bien et par rapport à 2015, on est plutôt optimiste. »

Par rapport au 2015 toujours en barrique, jusqu'en janvier,

Par rapport au 2015 toujours en barrique, jusqu’en janvier, « on est plûtôt optimiste » explique Arnaud Thomassin © Jean-Pierre Stahl

Du côté du CIVB, Christophe Châteaux confirme la tendance à la mobilisation générale : « ça va démarrer partout cette semaine, mercredi et jeudi à Pomerol et Saint-Emilion, et dans le Médoc en fin de semaine mais le gros des vendanges en Médoc pour lundi. Les conditions demeurent favorables avec les températures fraîches le matin et agréables l’après-midi et en plus il n’y a pas d’eau annoncé pour les prochains jours. »

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Thierry Julien, Hugues Orduna et Thierry Culnaert diffusé au 19/20 :

Dans le Chablis où le ciel est tombé sur les vignes, on vendange ce qui reste…

L’interprofession estime que les vendanges vont donner « une demi-récolte » cette année. Chablis a payé un lourd tribu après de violents épisodes de gel, de grêle et de grillure. Parole de vignerons recueillie par l’AFP.

La grêle tombée en mai dernier et qui a sectionné de nombreux bois de vigne...© France 3 Bourgogne

La grêle tombée en mai dernier et qui a sectionné de nombreux bois de vigne…© France 3 Bourgogne

« Ici, on a capté la « 3G » : le gel en avril, la grêle en mai et la grillure en fin d’été », ironise un vigneron de l’Yonne, où le raisin se fait rare à l’heure des vendanges après une météo catastrophique.

« Sur les 21 hectares du domaine, sept ne seront pas récoltés », poursuit Jean-Christophe Bersan, viticulteur bio, « très touché » psychologiquement après le violent épisode de grêle qui a « tout détruit » sur ses parcelles de Chablis au printemps mais a en partie épargné ses vignes sur Saint-Bris-le-Vineux et Irancy.

Sur les 5.453 hectares du Chablisien, près de la moitié a été fortement endommagée – entre 70 et 100% – par les différents épisodes de gel et de grêle, selon le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB).

L’interprofession estime que les vendanges vont donner « une demi-récolte » cette année, tandis que la moyenne de la production du vignoble s’élève à 286.374 hectolitres.

Et si cela ne suffisait pas, ces dernières semaines, des vers de la grappe se sont attaqués à certaines vignes de M. Bersan, occasionnant de la pourriture et obligeant le viticulteur à avancer les vendanges de quelques jours pour sauver une partie de sa maigre récolte.

« Cela chamboule le déroulement logique du travail », s’inquiète-t-il, tandis que, téléphone à l’oreille, il finit de constituer ses équipes. Le dernier test effectué dans une parcelle a donné « un seau pour une treille de 200 mètres de long, soit une estimation de quatre hectolitres de jus sur deux hectares ».
« On va la vendanger mais c’est la limite, c’est vraiment pour faire du vin et garder ma clientèle. » « Avec un tiers de récolte en moins, je ne m’en sors pas trop mal », relativise toutefois M. Bersan, en pensant à ses collègues dont le domaine a été entièrement ravagé.

Le viticulteur icaunais anticipe « un problème financier l’an prochain, quand on n’aura pas de vin à vendre ». Pour lisser ses pertes, il « bloque actuellement des stocks » et envisage désormais de s’assurer, en dépit du coût.

Quant à l’état de la vigne, « la sentence va durer longtemps, jusqu’à la taille de l’année prochaine », constate-t-il en manipulant les bois qui, fragilisés par les intempéries, cassent comme du verre.
« La grande question est de savoir si les rameaux vont être fructifères ? », s’interroge-t-il, anticipant « un risque de petite récolte » en 2017.

Christine Monamy, responsable de l’Observatoire du Millésime au BIVB, reste pour sa part optimiste pour 2017 car après le gel, « l’année d’après, la vigne repart généralement en abondance ». « En revanche, la grêle a d’autres effets plus pervers, ce qui pourra entraîner aussi une année 2017 assez hétérogène », nuance la responsable technique.

Pour le président de la Fédération de défense de l’appellation Chablis, Frédéric Guéguen, cette année maudite où les phénomènes climatiques ont eu « une intensité exceptionnelle », pousse les professionnels à « s’adapter ».

« Contre le gel, on sait se défendre avec des systèmes par aspersion d’eau et des bougies mais contre la grêle, on n’était pas équipé dans le Chablisien mais on va le faire l’an prochain » avec notamment des canons anti-grêle, annonce-t-il en précisant qu’une expérimentation de filets est déjà en cours sur sept hectares de vignoble.

Au regard de la « qualité » des raisins qui sont parvenus à maturité, décrits comme « très tendres » et « sucrés », les regrets sont palpables. « On n’aurait pas eu ces aléas climatiques négatifs au printemps, on serait sur une très belle récolte », déplore M. Guéguen. « On a envie de finir cette année et de repartir sur une feuille blanche. »

AFP