L’interprofession estime que les vendanges vont donner « une demi-récolte » cette année. Chablis a payé un lourd tribu après de violents épisodes de gel, de grêle et de grillure. Parole de vignerons recueillie par l’AFP.
« Ici, on a capté la « 3G » : le gel en avril, la grêle en mai et la grillure en fin d’été », ironise un vigneron de l’Yonne, où le raisin se fait rare à l’heure des vendanges après une météo catastrophique.
« Sur les 21 hectares du domaine, sept ne seront pas récoltés », poursuit Jean-Christophe Bersan, viticulteur bio, « très touché » psychologiquement après le violent épisode de grêle qui a « tout détruit » sur ses parcelles de Chablis au printemps mais a en partie épargné ses vignes sur Saint-Bris-le-Vineux et Irancy.
Sur les 5.453 hectares du Chablisien, près de la moitié a été fortement endommagée – entre 70 et 100% – par les différents épisodes de gel et de grêle, selon le Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB).
L’interprofession estime que les vendanges vont donner « une demi-récolte » cette année, tandis que la moyenne de la production du vignoble s’élève à 286.374 hectolitres.
Et si cela ne suffisait pas, ces dernières semaines, des vers de la grappe se sont attaqués à certaines vignes de M. Bersan, occasionnant de la pourriture et obligeant le viticulteur à avancer les vendanges de quelques jours pour sauver une partie de sa maigre récolte.
« Cela chamboule le déroulement logique du travail », s’inquiète-t-il, tandis que, téléphone à l’oreille, il finit de constituer ses équipes. Le dernier test effectué dans une parcelle a donné « un seau pour une treille de 200 mètres de long, soit une estimation de quatre hectolitres de jus sur deux hectares ».
« On va la vendanger mais c’est la limite, c’est vraiment pour faire du vin et garder ma clientèle. » « Avec un tiers de récolte en moins, je ne m’en sors pas trop mal », relativise toutefois M. Bersan, en pensant à ses collègues dont le domaine a été entièrement ravagé.
Le viticulteur icaunais anticipe « un problème financier l’an prochain, quand on n’aura pas de vin à vendre ». Pour lisser ses pertes, il « bloque actuellement des stocks » et envisage désormais de s’assurer, en dépit du coût.
Quant à l’état de la vigne, « la sentence va durer longtemps, jusqu’à la taille de l’année prochaine », constate-t-il en manipulant les bois qui, fragilisés par les intempéries, cassent comme du verre.
« La grande question est de savoir si les rameaux vont être fructifères ? », s’interroge-t-il, anticipant « un risque de petite récolte » en 2017.
Christine Monamy, responsable de l’Observatoire du Millésime au BIVB, reste pour sa part optimiste pour 2017 car après le gel, « l’année d’après, la vigne repart généralement en abondance ». « En revanche, la grêle a d’autres effets plus pervers, ce qui pourra entraîner aussi une année 2017 assez hétérogène », nuance la responsable technique.
Pour le président de la Fédération de défense de l’appellation Chablis, Frédéric Guéguen, cette année maudite où les phénomènes climatiques ont eu « une intensité exceptionnelle », pousse les professionnels à « s’adapter ».
« Contre le gel, on sait se défendre avec des systèmes par aspersion d’eau et des bougies mais contre la grêle, on n’était pas équipé dans le Chablisien mais on va le faire l’an prochain » avec notamment des canons anti-grêle, annonce-t-il en précisant qu’une expérimentation de filets est déjà en cours sur sept hectares de vignoble.
Au regard de la « qualité » des raisins qui sont parvenus à maturité, décrits comme « très tendres » et « sucrés », les regrets sont palpables. « On n’aurait pas eu ces aléas climatiques négatifs au printemps, on serait sur une très belle récolte », déplore M. Guéguen. « On a envie de finir cette année et de repartir sur une feuille blanche. »
AFP