Un monde pas possible. Au Bistrot du Sommelier, plusieurs centaines de personnes se sont pressées hier soir à la présentation du guide des vins de Jacques Dupont sur le millésime 2015. Jacques Dupont y révélait ses 924 vins sélectionnés dont 209 à moins de 10 euros.
Un travail de bénédictin. Jacques Dupont a goûté pour vous plus de 2000 vins, une fois, deux fois et même parfois plus… Cinq semaines passées dans le vignoble bordelais, du 21 mars au 21 avril, à goûter les Bordeaux en primeurs.
Il a dévoilé ses notes globales pour les appellations et régions viticoles : « 18 pour les Margaux, Saint-Emilion et satellites Castillon, 17 pour les blancs secs et 18 pour les liquoreux. »
Bordeaux avait un petit peu besoin d’un grand millésime, car depuis 2010 ils n’ont pas eu des vins sur lesquels ils pouvaient espérer des prix un petit peu plus élevés » Jacques Dupont
Mais tout le travail de bénédictin de Jacques Dupont (qui réalise son Guide depuis 1999) consiste à déguster à l’aveugle et de dénicher de petites pépites : ainsi il en a retenu cette année 209 à moins de 10 euros dont le Château Croix-du-Trale, un Haut-Médoc à Saint-Seurin -de-Cadourne.
Jacques Dupont commente en ligne sur le compte Twitter du Point son analyse sur le « 2015, c’est un très bon millésime, mais ce n’est pas non plus le millésime du siècle; il ne faut pas écouter les sirènes. Ce n’est pas 2010, ce n’est pas 2005; ce qui fait un très bon millésime à Bordeaux c’est quand tout est bon les secs, les liquoreux, les secs, le nord, le sud, les blancs, les rouges, or ce n’est pas le cas là. Le Nord est un peu plus dilué que le sud : St Estèphe a pris beaucoup plus de pluies au moment des vendanges que Margaux qui est dans le sud. »
Quant à son coup de coeur pour le Château Croix-du-Trale: « Nous c’est vraiment une exploitation familiale de 17 ha et c’est ce qui lui a plu », m’explique Stéphane Negrier. « Au mois de septembre, on va travailler les 3 générations ensemble avec mon père. La plus grande (de mes filles) va s’occuper de la partie commerce et la plus petite de la vigne. » Stéphane et Sandra Négrier viennent d’obtenir la note de 15 et un coup de coeur de Jacques Dupont pour leur Haut-Médoc vendu en primeur à 7,40 € TTC. « Une qualité très pour un prix très bas, » commente encore Stéphane Négrier. « On utilise 40 % de barriques neuves pour apporter un peu de corps et de la longueur mais on ne veut pas non plus des vins trop boisés. »
Rive droite, il y a aussi ces piliers de la qualité en la personne de François Despagne, 20e générations de vignerons à Saint-Emilion. Il a obtenu la note de 17 et un coup de coeur pour son château Grand Corbin-Despagne en Saint-Emilion Grand Cru Classé. « On est content. Cette année on est sorti un peu plus cher car le millésime est super à 22,5 HT ou 27 € à la propriété. » Et d’analyser fort justement : « En dessous de 30 €, le marché français y va. En plus, moi je suis en bio, c’est hyper exigent, il y en a un peu moins. Mais il y a un gros travail derrière. »
Fabrice Bernard, le directeur de Millésima, est bien sûr de la soirée : « ce 2015 est vraiment intéressant, on sent que les particuliers ont envi de le suivre. On a certains particuliers qui n’avaient pas commandé depuis le millésime 2000 ou pour d’autres depuis le 2009 et là ils reviennent. Les indicateurs sont vraiement forts. Quant aux prix ? Il y en a (des châteaux) qui ont été malins et ont pratiqué un prix intelligent inférieur à 2005, d’autres ont voulu tutoyer le 2009… »
Et Fabrice Bernard de venir déguster avec Frédéric Faye de château Figeac, grand cru classé de Saint-Emilion. Ce château a obtenu une note de 18 auprès de Jacques Dupont et de 99/100 par Neal Martin (Wine Advocate). « C’est un vin unique par son encépagement. Saint-Emilion, c’est le royaume du merlot. Nous on a 3 collines de graves, une exception géologique, on utilise beaucoup de cabernet sauvignon, très profond, complet, et à maturité apporte de la fraîcheur. Ce 2015, il a le velouté et la texture du 2009, la fraîcheur et le classicisme du 2010 », selon Frédéric Faye directeur de château Figeac.
Parmi les grands châteaux présents, Xavier Planty et château Guiraud, 1er cru classé de Sauternes en bio. Celui-ci s’apprête à partir pour Vinexpo Hong-Kong: « ça bouge beaucoup là-bas. Un accord a été signé par Alibaba, le plus gros site de vente par internet, avec le plus gros importateur chinois ASC… »
L’autre grand sujet de préoccupation alors que l’on est en pleine DUP, c’est la LGV qui risque d’impacter Sauternes et la célèbre forêt de hêtres millénaire qui permet le rafraîchissement du Ciron et la formation de brouillard nécessaire à la formation de botrytis : « j’ai du mal à envisager que l’on détruise ce biotope ! » En attendant la note 17,5 pour Guiraud et le coup de coeur de Jacques Dupont ont de quoi le réjouir. Des Sauternes de plus en plus apprécié aussi en Chine et spécialement la semaine prochaine à Vinexpo Hong-Kong.
Pour en savoir plus : achetez ce week-end Le Point avec son supplément « Bordeaux le millésime 2015 – Le guide de Jacques Dupont » ou lire sur internet : Le Point Vins