C’est parti pour les vendanges en rouge dans bon nombre de propriétés de Bordeaux. En Pessac-Léognan, les vignobles André Lurton ont donné un coup d’envoi général lundi aux châteaux Rochemorin, Cruzeau et bien sûr la Louvière. Ambiance joviale autour de ce millésime exceptionnel.
Vincent Cruège, directeur oenologue des Vignobles André Lurton, explique: « on a avancé les premiers coups de sécateurs vendredi à Rochemorin pour une cuve, du fait de la météo (le week-end à Bordeaux a été pluvieux), et ce matin on a commencé à La Louvière, Rochemorin et à Cruzeau (pour ce dernier, vendange à la machine).
Ce sont ainsi une cinquantaine de vendangeurs qui se sont équipés pour s’occuper du vignoble de ce château marqué par l’histoire. Celui-ci a eu comme propriétaire l’un des célèbres philosophes, homme de lettres et de droit, inspirateur du siècle des lumières, qui a soufflé ce vent de liberté dans un régime de monarchie absolue : Charles Louis de Secondat, baron de Montesquieu, un philosophe-vigneron à Rochemorin.
Montesquieu a témoigné son amour pour le vin de Bordeaux notamment dans une lettre ou il désirait remercier un de ses amis, l’évêque anglais de Warburton, il écrivit ces quelques mots à une connaissance commune :
« … Je croirais ne lui envoyer rien. Je voudrais donc lui envoyer une des choses au monde que j’aime le plus, qui est une pièce de mon vin, que je voudrais, qu’il me fit l’honneur d’accepter… »
Le fils de Montesquieu lui succéda sur le domaine de Rochemorin et suivi comme lui ce chemin de viticulteur, une propriété qui resta jusqu’à 1919 dans le famille de Montesquieu.
Aujourd’hui, la demeure, qui a hébergé Montesquieu et les siens, est restée « dans son jus » comme on dit, elle mériterait bien une petite restauration à l’heure où l’oenotourisme explose, ce serait un endroit formidable à promouvoir…une idée au passage.
Mais à l’occasion de ces vendanges, c’est le magnifique chai édifié par André Lurton au début des années 2000 qui s’anime pour la réception de cette magnifique récolte. Un millésime 2015 qui promet de faire parler de lui. Un millésime exceptionnel dans le Bordelais comme le confirme Vincent Cruège:
C’est un millésime exceptionnel, oui comme on les aime à Bordeaux. L’ensoleillement a été aussi exceptionnel et les quelques nuits fraîches d’aôut et septembre ont permis au raisin de mûrir lentement », Vincent Cruège des Vignobles André Lurton.
« On peut le rapprocher des millésimes 2010 ou 2011, avec beaucoup d’élégance et beaucoup de concentration, des vins typiques de Bordeaux et qui font notre réputation. »
Depuis 2 ans, ce chantier donne le tournis du côté des bassins à flots. 9000 m3 de béton, 574 arcs en lamellé-collé constituent la charpente gigantesque sur laquelle reposent des milliers de panneaux de verre et d’aluminium en guise de robe…Après les pyramides d’Egypte, voici la Cité des Civilisations du Vin version Bordeaux.
La Cité des Civilisations du Vin est née de la volonté du maire de Bordeaux Alain Juppé de créer non pas un musée mais un lieu d’échanges et de partages autour de la culture et des civilisations du vin.
La Cité des Civilisations, c’est aussi le fruit de l’imaginaire du cabinet XTU Architects dont Anouk Legendre nous redonne sa vision première :« c’est un travail sur le flou, sur le mouvement, le mouvement du vin dans son verre« , bref une projection tout-à-fait originale de ce vin versé dans un verre, Nicolas Desmazières, l’autre architecte qui signe ce projet, a pu aussi parler de cep noueux de la vigne, de remous de la Garonne, d’autres y ont vu une carafe ou un cygne…A chacun son interprétation, une chose est sûre le signe commun, c’est l’âme du vin.
La date de la pose de la première pierre n’a pas été choisie au hasard, c’est en effet en plein Vinexpo 2013, le 19 juin que sont conviés les grands mécènes à une cérémonie époustouflante: tous les financiers institutionnels du projet ville, région, communauté urbaine, Etat (sans oublier les fonds européens), ainsi que le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux sont là, sans compter les nombreux mécènes privés dont le Prince Robert du Luxembourg propriétaire du château Haut-Brion. On leur dévoile la maquette couverte d’un immense voile blanc, ainsi que 8 ceps de vignes qui seront plantés sur le site (notamment dans le patio).
C’est un grand moment, ça fait des années que j’étais absolument convaincu qu’il fallait à Bordeaux un lieu emblèmatique où l’on pourrait présenter aux touristes du monde entier, aux Bordelaises et aux Bordelais, ce qu’on peut entendre par la Civilisation du Vin », Alain Juppé le maire de Bordeaux initiateur du projet.
Le chantier est d’une ampleur quasi pharaonique… D’abord, il faut faire table rase du passé sur le site des forges à Bacalan, démolir et dépolluer cet ancien terrain de 14 000 m2. Puis vient le temps de couler près de 300 pieux en béton à une profondeur de 30 mètres, car le terrain est très maléable: « c’est un terrain artificiel qui a été gagné au siècle dernier sur la Garonne (à l’époque il y avait une activité industrielle sur le site des forges). Ce sont des remblais de mauvaise qualité qui n’étaient pas aptes à recevoir ce bâtiment de 9 étages » explique Bernard Dubos, ingénieur, et chef de projet pour la ville de Bordeaux, qui en est le maître d’ouvrage.
A la base, toutes les forces ont été calculées ainsi que les vents sur une maquette, puis transposés pour la construction. Une prouesse de technicité où Vinci avait déjà montré son savoir faire précédemment :
c’est un exploit oui. Mais on avait déjà démontré cette prouesse technique avec la fondation Louis Vuitton, même si ce batiment reste très atypique par ses formes courbes », Mohamed Lamsia, responsabe de chantier GTM Vinci.
Au total 40 entreprises, 20 corps de métier, et au plus fort du chantier 120 personnes travaillent à la construction de la Cité des Civilisations du Vin. La pose de la charpente du tore, la partie basse du batiment, s’effectue à l’été 2014. Elle est composée de 574 arcs élaborés à partir 1200 m3 d’épicéa nordique et de douglas français.
Cette charpente est bien sûr recouverte d’une membrane d’étanchéité. Ce sont ensuite 128 épines de bois qui vont enlacer le bâtiment pour lui permettre d’atteindre sa hauteur finale de 55 mètres, soit plus haut que l’Arc de Triomphe à Paris.
Autre travail d’envergure: la couverture de la Cité par 2500 panneaux d’aluminium perforé (société Smac/ Gironde) et 900 panneaux de verre sérigraphié (Coveris /Gironde). Celle-ci devrait donner de multiples reflets à la Cité du Vin en fonction des heures de la journées, de l’ensoleillement ou d’un temps gris et bien sûr à la lueur de la lune.
Le travail actuellement le plus spectaculaire visible de l’extérieur et du ciel est celui des 6 alpinistes du bâtiment emmenés par Benjamin Lamoureux d’Adrénaline 33, sous-traitant de Coveris depuis la mi-juillet.
Guillaume Vasseur alpiniste explique : « le bâtiment a une forme qui est quand même dynamique donc il va falloir s’équiper pour travailler en toute sécurité… » Ce travail délicat de couverture de la tour par ces panneaux de verre va durer jusqu’en décembre 2015. Alors qu’à l’intérieur, de nombreuses entreprises s’activent sur le chantier du parcours permanent qui progressivement prend forme, tous vont essayer de respecter les délais, bien que Bernard Dubos reconnaisse être tout juste dans les temps.L’autre chantier qui va débuter très prochainement est l’aménagement du ponton Thomas Jefferson depuis lequel les touristes pourront rejoindre les vignobles du Médoc, de Blaye ou de Cadillac. La livraison du chantier est prévue en théorie pour le 31 mars 2016.
La Cité ouvrira progressivement au printemps 2016 pour accueillir environ mille personnes par jour. L’inauguration devrait se faire fin mai, juste avant Bordeaux Fête le Vin 2016 qui promet d’être aussi un très grand millésime.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Guillaume Decaix, Eric Delwarde, Charles Rabréaud et Emmanel Cremese: