Faut-il ou non poser directement la bouteille sur la table ? Ou bien avoir recours aux carafes amples ou à décanter. La question fait débat depuis des générations. Côté châteaux a tenté d’y répondre avec ces experts: Dominique Garcia, plus de 25 ans de sommellerie dans des Relais et Châteaux, Jean-Jacques Casano et Hervé Valverde du Bistrot du Sommelier à Bordeaux.
Dominique Garcia a au compteur 25 ans de sommellerie dans les Relais et Châteaux, et notamment chez Alain Chapel, 3 étoiles au Michelin à Mionnay dans l’Ain. Il a cotoyé les plus grands chefs Alain Ducacsse, Georges Blanc, Paul Bocuse, Pierre Troisgros… »Tous avaient un labrador noir, et quand ils se retrouvaient, ils partaient ensemble faire leur marché… »me raconte-t-il.
Lui était parti pour faire chef de rang, mais on lui a dit « tu as des pré-dispositions pour les dégustations. Tu devrais faire sommelier. » Du coup, il s’est orienté dans cette voie, qui devint sa passion, très remarqué par la suite puisque il fut aussi durant 10 ans le gérant de la cave privée de Mouton Rothschild, 130 000 bouteilles. Il eu le rare privilège de veiller au rebouchage de nombreux vins des millésimes 1934 à 1988, avec notamment les très grands 45, 47, 49, un mythique cheval blanc 47 et de grands Yquem 24,28 et 67, sans oublier un fabuleux Haut-Bailly 1955, cru classé des Graves.
C’est justement au château Haut-Bailly qu’il nous convie pour nous expliquer l’art de la décantation…Dans cette gigantesque cuisine du château, après avoir dressé nappe, disposé les bouteilles et l’ouvre-bouteille ou limonadier, il craque une allumette… Selon le rituel que l’on trouve encore dans les grands restaurants, la bougie ainsi allumée va servir à distinguer le dépôt dans la bouteille, si dépôt il y a.
Mais avant cela, le décapsulage, à réaliser en-dessous du goulot pour éviter au vin de rentrer en contact avec d’éventuelle bactérie, un petit coup de chiffon peut aussi être appliqué sur le goulot. Il se verse alors délicatement un fond de verre, qu’il va ensuite vider dans la carafe pour aviner celle-ci.
Il déguste alors cet échantillon pour savoir s’il faut décanter le vin 1/2 heure ou une heure avant de le servir:
« Si vous sentez que le vin est déjà très évolué, qu’il est tuilé, il faudra le décanté une demi-heure avant ça sera suffisant. Si vous voyez qu’il a un support tanique encore, il faudra le décanter une heure avant » précise Dominique Garcia.
Une opération délicate car l’oxygénation trop importante de vins vieux peut-être fatale:
« Ce que je dis souvent: il vaut mieux que le plaisir soit dans le verre plutôt que ce soit la carafe qui se fasse plaisir », Dominique Garcia chef sommelier
Mais tous les vins ne sont pas à carafer. Au Bistrot du Sommelier, Jean-Jacques Casano, sommelier depuis 12 ans dans cette brasserie, confirme: « on ne carafe déjà pas des demi-bouteilles »
Dans la cave qu’il gère avec Hervé Valverde, sommelier lui même qui a ouvert cette institution bordelaise en 1986, il va chercher ces bouteilles de Bordeaux jeunes ou moins jeunes (95% de Bordeaux à la carte), qu’il va proposer à la dégustation à ses clients. Il a sur ses étagères différentes carafes amples pour les vins jeunes, qu’il ne va pas hésiter à verser franchement, et moins vastes pour des vins plus vieux et délicats. Il conseille bien sûr en fonction de ce que les gens mangent, selon leur goût et leur budget. Au total, ce sont ainsi 130 crus différents qu’Hervé Valverde et Jean-Jacques Casano proposent à la carte.
Les vins très jeunes, il vaut mieux les carafer de façon à arrondir les tanins, les tanins ont un aspect relativement durs. Le fait d’aérer, ça permet d’arrondir et comme cela quand vous l’avez en bouche vous avez quelque chose de moins agressif » Jean-Jacques Casano Bistro du Sommelier
Autrefois on décantait, parce que les vins avaient beaucoup de dépôt et on buvait les vins très vieux. Aujourd’hui, on est dans des générations où l’on boit les vins entre 5 et 10 ans, les nouvelles techniques font qu’ont boit les vins plus jeunes », Hervé Valverde, le patron du Bistro du Sommelier.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Jean-Michel Litvine: