C’est l’identité des Graves : l’origine des Bordeaux qui remonte à l’époque romaine. Ces romains n’avaient pas choisi ce terroir par hasard car situé le long de la Garonne, avec une grande perméabilité due à la richesse en graviers et galets. Un développement qui s’accentua au Moyen-Age sous l’impulsion d’Aliénor d’Aquitaine avec un commerce florissant avec les Anglais. Une histoire du vin de Bordeaux dont la page sera réécrite à la Révolution…
Au 1er siècle avant Jésus Christ, c’est la conquête de la gaule par Jules César et les Romains (58-52 avant JC). C’est à cette époque que vont se développer les vignobles proches de Burdigala (Bordeaux). Ce développement suit l’invasion romaine et notamment les axes fluviaux (vallée du Rhône, de la Saône, et sur l’axe de Narbonne à Bordeaux).
La boisson traditionnelle des Gaulois était la cervoise (bière d’orge ou de blé) et très peu de vin était jusqu’alors produit en Gaule. Les Romains dans un premier temps vont importer leur vin, mais très rapidement chercheront à le produire sur place car le coût était trop honéreux.
A la fin du 1er siècle, il y a déjà un vignoble constitué aux environs de Burdigala, un vignoble lié à la présence du port qui permet l’exportation de vin.
Les Romains ont importé la culture de la vigne que les gaulois se sont empressés de développer et de récupérer, on date l’existence de la première vigne à Bordeaux il y a plus de 2000 ans, sur un territoire entre la Brède et Pessac » Henry Clemens, ancien directeur des Graves de Bordeaux. Ce vin produit alors a acquis très vite une grande renommée car « c’était le troisième meilleur vin du monde romain connu »
C’est donc ici aux portes de Burdigala que s’est développé ce vignoble. Aujourd’hui on compte 240 domaines et châteaux en AOC Graves et 80 en AOC Pessac-Leognan. des viticulteurs qui continuent d’exploiter ce terrroir fait de galets roulés, d’argile et de sable:
Ici on a des sols magnifiques pour la culture de la vigne. Des sols drainants sur plus de 40 m de profondeur qui permettent un drainage parfait. L’autre raison c’était la proximité avec la ville de Bordeaux et avec la Garonne pour permettre au vin d’être transporté un peu partout »,Arnaud de Butler propriétaire du Château Crabitey.
Des amphores romaines et des gobelets du Ier siècle avant JC ont été retrouvées lors de fouilles allées de Tourny à Bordeaux. Anne Ziéglé, conservateur au Musée d’Aquitaine, chargé de l’Antiquité, explique: « ils ont créé leurs propres amphores qui étaient des amphores à fond plat comme toutes les amphores gauloises mais avec leurs caractéristiques précises. Et ils ont exporté leur propre vin qui a acquis une renommée très rapidement très importante puisque c’était le 3e meilleur vin du monde romain connu ! »
Durant la période troublée du Haut-Moyen-Age, les invasions vont quelque peu anéantir le vignoble. La culture de la vigne et le savoir-faire seront conservés dans les monastères notamment. L’essor du vignoble va se faire avec le second mariage d’Aliénor d’Aquitaine avec Henri Plantagenêt, futur roi d’Angleterre. L’Aquitaine devient alors une province anglaise et le vin de Bordeaux trouve dès lors énormément de débouchés en Angleterre (qui devient le marché principal).
« Les Anglais ont été durant trois siècles d’occupation de grands amateurs et même les premiers consommateurs de vins de Bordeaux (jusqu’à une vingtaine d’années encore)« , précise le vicomte Loïc de Roquefeuil, propriétaire à Saint-Léon en Gironde du château de Castelneau dont la partie la plus ancienne remonte au XIVe siècle. « Il y a toujours eu ce commerce avec eux qui était organisé et protégé par les rois d’Angleterre. »
Mais à l’époque le vin qui se commercialisait et qui était bu n’avait pas du tout l’apparence du vin rouge d’aujourd’hui: » c’était du claret » en anglais, du clairet en français qui se buvait comme aime à le rappeler Loïc de Roquefeuil. Grand producteur et amateur de clairet à Saint-Léon, Loïc de Roquefeuil raconte comment ce vin était obtenu: « ces raisins rouges, on ne les presse pas, on les laisse dans la cuve s’accumuler les uns sur les autres. Et comme ça va macérer, le jus qui est éclaté de ces peaux va rester en contact avec ces peaux. C’est la macération pelliculaire comme on l’appelle maintenant. C ava donner énormément de goût, de rondeur, de fruit ! »
C’est seulement à la Révolution que ce vin des aristocrates sera mis de côté au profit du vin de presse, qui était le fond de cuve laissé au bas peuple. C’est ainsi qu’est né le vin rouge de Bordeaux qui va supllanter le clairet. Quand au commerce, il restera florissant avec le monde anglo-saxon jusqu’à une période récente. Napoléon III réclamera d’ailleurs un classement en 1855, qui sera établi sur la notoriété et les prix. Classement toujours en vigueur aujourd’hui.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et de Didier Bonnet