21 Juil

Années 1960: au temps de la boucherie traditionnelle à Limoges…

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En ces temps de crise de l’élevage, de l’agriculture et même de certains commerces artisanaux, il faut se souvenir du Limoges d’avant la grande distribution (le premier supermarché installé aux Casseaux étant Euromarché, au milieu des années 1970). Sur cette photographie (J.M. Bourdelas), un couple de bouchers de la rue Raspail, Mme et M. Baurianne, et leur fils Roger. A droite l’étal (non réfrigéré), à gauche la chambre froide, dans la cour, le laboratoire. Les habitants du quartier se souviennent encore de cette habitude de réaliser des vitrines très décorées à l’occasion de Noël à laquelle ils participaient. Il y avait une tradition, chez les petits commerçants de ces années-là, qui consistait à préparer de magnifiques vitrines « animées ». Ainsi de René Juge, coiffeur rue Aristide Briand, dont l’attaque d’un château-fort réjouissait les garçons sortant de l’école de la Monnaie (alors non mixte, nous y reviendrons). Donc, à cette époque, les bouchers s’approvisionnaient directement auprès de l’éleveur dont ils connaissaient les bêtes… Le consommateur savait précisément d’où venait la viande qui, certes, était plus chère qu’à l’hyper, mais bien meilleure (d’ailleurs, on n’en mangeait pas à chaque repas).

Un temps, au débouché de la rue du Grand Treuil sur la rue Aristide Briand, au milieu d’autres petits commerces de proximité, il y avait deux boucheries et charcuteries. Mais ces boutiques disparurent après l’implantation des supermarchés…

Et les bouchers qui furent très puissants au Moyen Âge dans la ville du Château, ont progressivement quitté la rue qui leur devait son nom. On peut toujours y visiter la maison traditionnelle de la boucherie, et surtout la chapelle Saint Aurélien où le petit Jésus mangerait, selon la tradition, un rognon… ou même déguster une bonne pièce de viande aux Petits Ventres, dont le nom est inspiré d’une recette de panse farcie aux pieds de mouton. Et se souvenir que les bouchers habitaient dans leurs maisons médiévales, préparaient la viande et la vendaient au rez-de-chaussée, faisaient sécher les peaux sous les combles et abattaient les animaux place de la Barreyrette, aujourd’hui magnifiquement restaurée mais où s’écoulèrent jadis des litres et des litres de sang. Demeure de ces anciens bouchers le vert et le blanc de leur corporation, devenues les couleurs du C.S.P., le club de basket.

Boucherie (rue de la) 122-3 - n° 48 boucherie Plainemaison - n° 46 triperie Tramont - Photothèque P. Colmar

(c) Photothèque Paul Colmar

n° 48, rue de la Boucherie: boucherie Plainemaison (avec les fameux girauds, boudins de veau et de mouton); n° 46, triperie Tramont (vers 1950-60)

On note que les « normes » étaient moins rigoureuses qu’aujourd’hui…

17 Juil

Au jardin de l’Evêché dans les années 1960

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Sur cette photographie (de Jean-Marie Bourdelas), on voit bien un petit garçon rêveur jouant avec son camion miniature, mais on aperçoit surtout, à l’arrière-plan, le grand arbre abattu par la suite, près du bassin où voguaient les voiliers…

A droite, l’Hôtel-de-Ville.

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Sur ce cliché des années 1960, on admire la cathédrale St-Etienne, dont les travées (plus claires) entre le clocher et le reste de la nef furent achevées en 1888. On distingue également le jardin botanique souhaité par le maire Louis Longequeue, pour l’édification des étudiants de la Faculté de pharmacie. Ce qui explique la présence de son buste à l’entrée dudit jardin aujourd’hui.

05 Juil

Sur les bords rafraîchissants de la Vienne

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Photo: Jean-Marie Bourdelas

Dans les années 1960, au premier plan, en partie submergé, un célèbre bateau à fond plat, un bateu, que les ponticauds manoeuvraient à l’aide du conte, une perche de châtaignier durcie au feu, prenant appui au fond de la rivière. A l’arrière, un vivier où l’on plaçait les poissons capturés.

Le bateau pouvait aussi servir à passer un promeneur d’une rive à l’autre contre rétribution.

En arrière-plan: le pont et la cathédrale St-Etienne.

03 Juil

Canicule, 1976

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Dans Le Populaire du Centre, Anne-Sophie Pédegert a brossé le portrait de Kiki, Marie-Christine Resnikow, qui tint la boutique Touchatout à Limoges et se souvint bien de la canicule 1976…

Le mot canicule, selon Météo-France, «désigne un épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée». Les seuils ne sont pas les mêmes d’une région à l’autre et la chaleur doit durer au moins trois jours.

L’année scolaire 1975-76 s’acheva le mercredi 30 juin 1976 – Limoges étant dans la zone B.

De la fin juin à la mi-juillet, tous les records de chaleur sont battus. Il faut remonter jusqu’en 1921 pour trouver de semblables conditions climatiques. En termes d’impact sanitaire, une vingtaine de départements ont vu leur mortalité s’élever de près de 10%, selon Météo-France. En juin, à Limoges-Bellegarde, le thermomètre monte jusqu’à 32° et en juillet à 31°.

Depuis l’hiver, la France souffrait d’un déficit pluviométrique dont les conséquences sur l’agriculture furent désastreuses.  L’indemnisation des victimes de la sécheresse, qui s’éleva à 6 milliards de francs, fut financée en partie par une majoration exceptionnelle de l’impôt sur le revenu: « l’impôt-sécheresse ».

Le bassin d’été de la piscine de Beaublanc fut pris d’assaut, et l’on se baignait dans les rivières et étangs de la Haute-Vienne. Ainsi des Limougeauds fréquentaient-ils la Sablière, au Palais-sur-Vienne, d’autres poussant jusqu’à Saint-Priest-Taurion, transformant le stade de foot en plage et se baignant au confluent de la Vienne et du Taurion. Marie-Christine Resnikow, qui tint la boutique Touchatout à Limoges (celle que son beau-père a surnommé affectueusement « Kiki ») se souvint en 2012, pour Le Populaire : « Nous habitions un petit appartement, avenue Baudin et pour prendre un peu le frais, nous allions nous baigner, le soir, à Saint-Hilaire-les-Places ». Ceux qui eurent la chance de partir en vacances cet été-là (les Limougeauds affectionnant particulièrement Royan sa région) bénéficièrent de baignades très agréables – ce fut mon cas à Port-Louis, dans le Morbihan.

L’année 1976 est par ailleurs celle de la création du lac de Saint-Pardoux, pour créer une activité de loisirs en Haute-Vienne, sur le piémont nord-occidental des Monts d’Ambazac. La zone perdait alors population et activités.

 

 

27 Juin

Inquiétudes pour la place des Bancs

place des Bancs

Place des Bancs, années 60-70 (collection particulière)

Il y a peu, des rumeurs (démenties par la Municipalité) ont circulé en centre-ville, annonçant la disparition du marché de la place des Bancs après travaux. Bien entendu, cela aurait été une grave erreur, la place ayant une vocation commerciale depuis l’époque médiévale et contribuant agréablement au dynamisme du centre-ville…

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Marchande allumant un brasero (photothèque Paul Colmar)

La place des Bancs a été intégrée à l’enceinte du Château (la ville autour de l’abbaye Saint-Martial et de la motte du vicomte) au début du XIIIe siècle. A la même époque, la place du Marché devint la place du Vieux-Marché (place du Poids-Public) et la place des Bancs lui succèda dans sa fonction commerçante. Les bouchers étaient désormais tenus d’y vendre leur marchandise. Ils quittèrent les abords de l’étang de Palvézy et le faubourg Boucherie (rue Raspail et rue du Collège) et s’installèrent rue Torte, aujourd’hui rue de la Boucherie, à côté de la place des Bancs. Cette place servira longtemps de marché à la viande et au pain.

Dans les dernières années du XVIe siècle, une halle est construite au-dessus des bancs charniers (ils sont à l’origine du nom de la place). En 1743, celle-ci est démolie sur ordre de l’intendant Tourny (1730-1743), qui souhaite assainir le centre-ville. Pour embellir la place, qu’il renomme place Royale, il fait édifier une fontaine dont le trop-plein est conduit à la fontaine de l’hôpital en 1768. Lors du pavage de la place des Bancs en 1843, la fontaine est supprimée ; des bornes-fontaines, rue Jauvion et rue de la Loi lui sont substituées.

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La place au début du 20ème siècle (collection particulière)

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Quand le musicien russe Modeste Moussorgski compose en 1874 ses Tableaux d’une exposition, il s’inspire des toiles de son ami décédé, le peintre Victor Hartmann, qui est passé par Limoges vers 1860 et a peint la place des Bancs. Le Marché de Limoges est la septième des dix pièces de cette suite pour piano, orchestrée par Maurice Ravel en 1922 et l’une des plus célèbres avec La Grande Porte de Kiev.

Les détails sur le site Géoculture

A la Révolution, les Girondins, et leur chef de file Vergniaud, fréquentaient, dans l’ancienne maison Marmignon (XIVe siècle), un café, qui ne s’appelait pas encore Café des Girondins (il portera ce nom à partir de 1847). L’édifice est démoli puis reconstruit entre 1914 et 1918 par l’architecte Claude Lamargue. Certains éléments de l’ancienne façade sont intégrés à la nouvelle : les trois arcs brisés incorporés dans le mur du premier étage et les modillons soutenant le bandeau séparant le rez-de-chaussée de l’étage. Le magnifique café tel qu’il est aujourd’hui date de la reconstruction de l’immeuble et sa décoration n’a pas bougé depuis 1918 (la place mériterait qu’il soit plus actif…). Acheté en 1937 par Mme veuve Lazare, l’établissement, qui a pris le nom de Café 1900, 12 place des Bancs, a été revendu par sa belle-fille en 2005 (elle avait épousé M. Lazare, juriste qui avait exercé à Paris avant la guerre avant de revenir sur Limoges après sa captivité).

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L’avocat Pierre Vergniaud, né en 1753, guillotiné en 1793 (suite à une accusation de Robespierre)

Pharmacie Brunot

Carte postale de la pharmacie Brunot retrouvée par Le Populaire du Centre

L’ancienne pharmacie Brunot, au 22-24, se signale par le caducée d’Hygie qui orne sa façade. La présence d’une pharmacie à cet emplacement est attestée dès le milieu du XIXe siècle.

A la place de l’actuelle pâtisserie se trouvait autrefois le magasin de vin Les Caves du Centre dont le gérant, Marcel Vinoy, aménagea durant la Seconde Guerre une imprimerie de faux-papiers dans les caves, en liaison avec Lecomte-Chaulet.

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Marcel, Françoise et Rose Vinoy dans leur magasin

En face, l’ancienne boutique de tissus de Lecomte-Chaulet  est agrémentée de belles mosaïques qu’il conviendrait de restaurer/entretenir. A partir de 1942, le mouvement de résistance Franc-Tireur s’organise sous la direction D’Edgar-Eugène Lecomte-Chaulet, avec l’aide de son fils Robert-Jean. Parmi les membres du réseau, Arsène Bonneaud, professeur à l’Ecole de médecine de Limoges révoqué par Vichy (mort en déportation à Buchenwald), secondé par Maurice Rougerie, instituteur – père de René, lui-même résistant et futur célèbre éditeur de poésie. Pierre Lavaurs, entrepreneur, gère la réception du journal Franc-Tireur (2 000 exemplaires distribués en 1943).

Sur cette photo de l’immédiat après-guerre, avec Lecomte-Chaulet (il est en béret): son épouse, Rose Vinoy et la petite Françoise Vinoy.

Lecomte Chaulet

L’histoire de la place mérite d’être poursuivie, j’y reviendrai dans ce blog car il y a encore beaucoup à raconter et à montrer à son sujet! Et l’on attend avec impatience le retour du marché, qui vaut bien celui de « Brive-la-Gaillarde »!

21 Juin

A Limoges, on est les champions! (du ballon rond)

CSP

La victoire du CSP le samedi 20 juin 2015 est l’occasion de se souvenir que le ballon a marqué l’histoire de Limoges…

C’est en 1943 que l’Union Sportive et Athlétique de Limoges est créée par les amateurs de ballon ovale. Les rugbymen locaux entrent alors dans l’une des périodes les plus glorieuses du club avec les qualifications successives en 1/8 de finale et ¼ de finale du championnat de France de Première Division pour les saisons 1948/1949 et 1949/1950. La deuxième partie du siècle verra l’U.S.A.L pérenniser ses structures avec des fortunes sportives diverses l’amenant à évoluer entre la première et la deuxième Division nationale. Après le passage à la direction sportive de Pierre Villepreux dans les années 1990, puis l’arrivée de nouveaux dirigeants, le club décroche un titre de Champions de France de Fédérale 1 et accède à la Pro D2, deuxième division professionnelle.

En 1947 naquit le Limoges Football Club, qui passa professionnel en 1957. Pierre Flamion est nommé entraîneur ; sous sa direction, le club est promu en D1 dès 1958. Limoges parvient à se maintenir trois saisons au plus haut niveau avant de connaître la relégation. Le record d’affluence au stade municipal est porté à 17 592 spectateurs payants à l’occasion de la visite du Stade de Reims en 1960. Après bien des vicissitudes, le club a accédé en 2010/2011 à la C.F.A. 2.

Mais c’est surtout le basket qui a fait la renommée de la ville, avec son célèbre Cercle Saint-Pierre créé en 1929 – club le plus titré de France – qui a accédé à la 1ère division du Championnat de France en 1978. Il remporte sa première coupe de France en 1982, ainsi que, la même année, son premier titre européen, la coupe Korać. Il devient champion de France, pour la première fois de son histoire l’année suivante, en 1983. En 1988, il remporte le championnat de Pro A, organisé pour la première fois par la ligue nationale de basket. La même année, il renforce son palmarès européen en gagnant la coupe des Coupes. Le 15 avril 1993, il devient le premier club français de sport collectif à remporter une coupe d’Europe des clubs champions. Après quelques déboires, le C.S.P. accède de nouveau à la Pro A à partir du championnat 2012-2013 et enchaîne deux titres de champion de France. L’équipe évolue depuis 1981 dans le Palais des Sports de Beaublanc (qui accueille d’autres manifestations sportives et a servi de salle de concerts avant la construction du zénith – le premier concert étant donné par Angelo Branduardi, qui entraîna le public dans une folle ronde). Le public est très nombreux à chaque match et les supporters particulièrement enthousiastes.

Bien entendu, on pratique de nombreux sports à Limoges, qui compte 30.000 licenciés pour 310 clubs dont l’histoire est parfois liée à celle de quartiers et de paroisses, comme La Saint-Antoine près de la gare des Bénédictins.

14 Juin

L’abattage des arbres place de la République: une vieille histoire

république (pl de la) - abattage arbres du mail (1960) - Photothèque P. Colmar

Au printemps 2015, la Ville de Limoges a décidé l’abattage des arbres de la place de la République, avant les fouilles archéologiques et la rénovation de celle-ci.

Ce n’est pas la première fois que cela se passe! Dans les années 1960, la municipalité Longequeue, qui voulait « moderniser » l’architecture de la place avait procédé à la suppression de l’ancien mail et donc à l’abattage des arbres…

(c) Photothèque Paul Colmar.

 

13 Juin

Ils sont fous ces Romains! (3) Mettons-y un therme.

thermes Augustoritum

(Cliché: Ville de Limoges)

Augustoritum était abondamment approvisionné en eau potable, son sous-sol étant pourvu de sources qui furent l’occasion du creusement de nombreux puits. Les Romains entreprirent le creusement dans la roche d’aqueducs souterrains captant l’eau à l’extérieur de la ville, dans des points élevés du territoire (Beaubreuil, Corgnac), pour la conduire par gravité jusqu’à l’emplacement de l’actuelle place de la Motte ; l’eau étant redistribuée à travers la ville par un réseau d’aqueducs alimentant habitations, fontaines et bains publics. Des thermes publics monumentaux, parmi les grands édifices de ce type en Gaule, entourés d’un mur d’enceinte rectangulaire de 73 sur 85 mètres de côté, couvrant 6 205 m2, furent édifiés à l’époque flavienne (69-96) sur l’emplacement de l’actuelle place des Jacobins et ses abords. L’archéologue Jean-Pierre Loustaud a indiqué que « le noyau central de l’édifice se compose de trois vastes salles de 17 m x 12 m, terminées chacune par une abside. [L’une d’elles] possédait au moins deux piscines, chauffées par des hypocaustes à conduits rayonnants. » Il y avait vraisemblablement les habituelles salles froide (Frigidarium), tiède (Tépidarium) et chaude (Caldarium). Diverses cours et salles de service complétaient l’ensemble, ainsi qu’une palestre de 73 m x 13 m, bordée par une galerie portique. « Le sol était revêtu d’un immense tapis de mosaïque imitant un dallage et un lambris de marbre recouvrait les murs », précise encore le chercheur. Les habitants d’Augustoritum allaient aux thermes – souvent avant le dîner – pour se laver, mais surtout pour profiter d’un lieu de sociabilité, où l’on pouvait bavarder, jouer, discuter affaires. Ils pouvaient faire du sport à la palestre, suivant en cela le précepte bien connu de Juvénal : mens sana in corpore sano. Ils laissaient leurs vêtements au vestiaire puis passaient d’une chambre à l’autre, transpirant puis se refroidissant. Ils se passaient de l’huile sur le corps et se raclaient la peau avec le strigile, pouvaient se faire masser, coiffer ou même épiler. L’endroit était généralement fort animé, bruyant – « une cacophonie permanente » avait noté Sénèque ailleurs.

31 Mai

Un certain Lucien Ginsburg, réfugié à Limoges

Gainsbourg jeune

(c) Serge Berton/Imapress

 

Au moment où Thomas Dutronc enregistre des chansons de Serge Gainsbourg, souvenons-nous qu’en 1943, en pleine Occupation et sous le régime de collaboration infâme de Vichy, une famille, les Ginsburg, Joseph, Olia et leurs enfants, Jacqueline, Liliane et Lucien (le futur Serge), pourtant nés en France, se virent retirer la nationalité française parce qu’ils étaient juifs.

« Exerçant la profession de pianiste, le nommé Ginsburg qui se déplace fréquemment réside actuellement à Lyon. […] Sa fille Jacqueline, titulaire d’une CI au titre de lycéenne avec la mention “juive”, fréquente le lycée Jules-Ferry avec sa soeur Liliane. Son fils Lucien est inscrit au collège Du Guesclin. […] Il ressort néanmoins que l’intéressé a quitté la capitale en 1941 pour la zone libre pour s’éviter des ennuis en raison de sa confession », notait l’enquête de police. La commission adéquate décide donc le  « retrait général » de la nationalité française à la famille.

 Les Ginsburg fuient, sous le faux nom de Guimbard. Après Dinard, Nice, Lyon, ils arrivent à Limoges, où de nombreux juifs sont réfugiés (cf: mon Histoire de Limoges).  « On ne se rendait compte de rien, mais on l’a échappé belle. Dans notre immeuble à Limoges, où nous nous étions réfugiés, la police est venue chercher toute une famille », se souvient Jacqueline, la soeur du chanteur (Nouvel Observateur, 28.10.2004).

Gilles Verlant a raconté tout cela en 2000 dans la biographie qu’il a consacré au chanteur chez Albin Michel. Il a notamment collecté les témoignages de ceux qui ont connu la famille. A l’époque, elle loge au n° 13 (actuel 11) rue des Combes, dans un petit deux pièces qui appartient à Philippe Nadaud, propriétaire du « café de la mère Nadaud », bistrot au rez-de-chaussée. Joseph Gainsbourg, sous le pseudonyme de Jo d’Onde, joue du piano à La Coupole, place de la République, au Cyrano et au Café Riche, en fin d’après-midi et le soir. Au répertoire: du classique, du jazz, de l’opérette, de la musique tzigane. Ceux qui l’ont fréquenté souligne l’élégance, le raffinement, la grande culture de Joseph.

Lucien, lui, est rapidement envoyé au vert au collège de Saint-Léonard-de-Noblat, où il commence à écrire un journal intime. Il détone par son élégance et son goût pour le dessin au milieu des gars de la campagne. A Limoges, la milice menace… Les parents sont arrêtés puis relâchés; ils partent se réfugier à Saint-Cyr. En juin 1944, la police de Limoges lance un avis de recherche à leur encontre. Mais durant leur séjour, les uns et les autres bénéficient de la complicité et de la sympathie de musiciens, de Limougeauds et Limousins, de professeurs, de camarades… Voici l’un des témoignages de Serge: « Un jour le directeur de l’établissement me convoque et il me dit : « Mon p’tit gars, il va y avoir une descente de la Milice pour vérifier s’il n’y a pas de Juifs à l’école, alors voilà ce que tu vas faire : tu vas prendre cette hache et te cacher dans les bois. Si on te demande quelque chose tu diras que tu es fils de bûcheron. » Je m’en vais donc comme le Petit Poucet et je me construis une petite hutte, c’était l’aventure. Pas de chance, au moment où la nuit tombe, un orage éclate : en moins d’une heure, je suis trempé jusqu’aux os. Le lendemain, des petits garçons sont venus m’apporter à manger. Quand le terrain a été libre, je suis retourné au collège. »

A la Libération, la famille repart à Paris, mais Joseph joue encore quelques mois à Limoges. Pour sa part, Lucien réintègre Condorcet.

On comprend tout le sens de la chanson figurant dans l’album Rock around the bunker en 1975:

«  J’ai gagné la yellow star,
Et sur cette yellow star,
Inscrit sur fond jaune vif,
Y’a un curieux hieroglyphe
Sur cette yellow star, yellow star,
J’ai gagné la yellow star,
Et sur cette yellow star,
Y’a peut etre marqué sheriff ou marshall ou big chief
Sur cette yellow star, yellow star,
J’ai gagné la yellow star,
Je porte la yellow star,
Difficile pour un juif,
La loi du struggle for life,
Quand il y a la yellow star, yellow star « .
Nul doute en tout cas que ce séjour – par la force des temps sombres – en Limousin joua un rôle constitutif dans la personnalité du futur artiste.