Dès l’enfance, mes parents m’amenèrent en promenade vers l’écurie du Puytison et son rustique château, sur la commune de Feytiat, en Haute-Vienne, pour admirer et caresser des chevaux en liberté dans les prairies verdoyantes. A huit ans, en 1970, on m’offrit un bel album illustré paru chez Hachette, rédigé par un Anglais : Nos amis les chevaux. Mais bien qu’il fit l’histoire de l’équidé depuis les temps les plus anciens, il ne mentionnait pas le cheval limousin.
Et pourtant, ce cheval limousin était réputé dès l’Antiquité : même les Arvernes préféraient les chevaux élevés par les Lémovices pour leur cavalerie. Celle de Vercingétorix aurait aussi était constituée de chevaux limousins, ce qui – on s’en doute – attira l’attention de Jules César qui aurait confié à Labienus le commandement d’un corps de chevaux et cavaliers limousins. C’est en tout cas ce qu’affirme la tradition. Certains pensent même que, dès l’occupation romaine, des étalons au sang arabe auraient sailli des juments limousines. Lorsque les Sarrasins passèrent par le Limousin, nul doute que des échanges aient pu avoir lieu entre eux et les éleveurs de la province, permettant également l’apport de sang royal. L’élevage de chevaux se développa avec la nécessité de fournir des montures aux chevaliers médiévaux, mais encore plus avec l’apparition des armes à feu sur le champ de bataille, nécessitant non plus des armures et de lourds chevaux, mais des animaux agiles et rapides. Et l’on disait que le cheval du cru était une bête « si fine, si svelte, si adroite et si sûre ». Henri IV, qui institua les haras royaux dès 1601, aimait particulièrement le cheval limousin que lui avait offert le chevalier de l’Hermite – on ne sait pas, toutefois, si c’était le célèbre « cheval blanc »… Dans son Histoire naturelle, Buffon n’hésita pas à écrire que « Les meilleurs chevaux de selle viennent du Limousin, ils ressemblent assez aux Barbes et sont comme eux excellents pour la chasse ». Le célèbre écuyer Antoine de Pluvinel considèrait lui-même les chevaux du Limousin comme excellents par leur beauté et leur bonté et Jérôme de Pontchartrain ajouta que ce sont les plus beaux et plus fins chevaux de France. Le maréchal de Turenne était réputé pour avoir possédé une jument limousine surnommée « Pie », qui aurait participé à vingt batailles. A sa mort, les officiers ayant perdu leur général, étaient – écrit un certain P.J.B.N. dans son livre Des chevaux célèbres contenant un recueil des anecdotes relatives à ce noble animal paru à Paris en 1821 – embarrassés de la marche qu’ils devaient faire tenir à l’armée. Les soldats s’en aperçurent. Ils s’écrièrent : « Qu’on mette la pie à notre tête, qu’on la laisse aller, et nous suivrons partout où elle ira. »
Lorsque, en 1665, Colbert et Louis XIV organisèrent les haras royaux, c’est logiquement qu’en Limousin, Pompadour, résidence de seigneurs entretenant des régiments de cavalerie, devint le centre naturel de l’élevage équin du Limousin. En 1787, l’agronome anglais Arthur Young déclara que le Limousin était la meilleure race de cheval de selle française, soutenant la comparaison avec le Pur-Sang. Lorsqu’Antoinette Poisson, favorite du roi Louis XV, devint la marquise de Pompadour, elle s’intéressa, en bonne cavalière qu’elle était, à cet élevage, y envoyant, en 1751, neuf juments – dont deux barbes de ses propres écuries et six danoises provenant des écuries du roi. Pompadour fut également gratifié d’étalons. En janvier 1764, le haras fut rattaché aux « haras particuliers de Sa Majesté ». A la veille de la Révolution Française, l’effectif y était de 18 étalons, 131 juments ou pouliches et 135 poulains de 1 à 5 ans. Didier Cornaille précise qu’ « on dénombrait, en Limousin et Basse-Marche, 338 étalons et 1800 poulinières de première classe. » Pompadour a accueilli assez tôt des courses sur son bel hippodrome. Dans Château en Limousin, paru chez Flammarion, Marcelle Tinayre a évoqué celles de la Monarchie de Juillet : « Le champ de courses de Pompadour s’étend devant le magnifique château du XVIe siècle. De grands arbres encadrent la pelouse verte où des barrières blanches jalonnent la piste. Ce dimanche d’août 1839, le gros bourg qui s’agglomère autour de haras était envahi par la foule bariolée et bruyante. Toutes les classes et tous les métiers se coudoyaient. » Suit une plaisante description de toute la société venue assister à l’évènement. Un siècle plus tard, le Club Med ouvrit à Pompadour en 1972 un village dédié à l’équitation, qui ferma en 2014. Je me souviens encore des clients bling bling arrivant de Paris par le Capitole et de Limoges par l’omnibus : pour eux toute une aventure pittoresque ! Deux ans après la fermeture, Jean-Pierre Gourvest annonçait dans Le Parisien que le lieu allait retrouver son lustre grâce à une riche famille libanaise passionnée de cheval. Cela méritait bien une inauguration par François Hollande, président de la République dont l’ancien fief électoral était la Corrèze, avec repas concocté par le chef du nouveau domaine : foie gras de la ferme cuit au torchon, carré de veau du Limousin et fraisier contemporain.
Bien avant Pompadour, on ignore souvent que Tulle proposait déjà des courses hippiques très courues. Des centaines d’habitants de la ville préfecture s’y rendaient pour voir s’affronter plus d’une vingtaine de chevaux sur une boucle de deux kilomètres. Cette compétition, qui s’est d’abord déroulée à la fin du mois d’août, sur un terrain proche de l’étang de Ruffaud, sur la commune de Gimel-les-Cascades, s’est tenue pendant une quinzaine d’années. C’est le général Milet-Mureau, préfet de la Corrèze, qui s’était chargé de son organisation. Il s’agissait de créer une émulation parmi les éleveurs de la région. Un jury, présidé par le préfet, supervisait cette course où étaient engagés jusqu’à une trentaine de chevaux provenant d’élevages corréziens ou de départements limitrophes. Ils concouraient en trois catégories : juments, mâles et chevaux de moins de 5 ans. Les prix étaient remis aux propriétaires, lors de la fête de la Saint-Clair, le 1 er juin à Tulle. En 1836, le maire de Gimel tourna définitivement cette page d’histoire en proposant à la commune de Pompadour de lui céder tout le matériel stocké chez lui et qui avait servi à l’ancien hippodrome de Tulle.
Un autre lieu emblématique de l’élevage de chevaux fut Nexon, en Haute-Vienne. On s’occupa en effet d’élever des chevaux de luxe à Nexon dès le commencement du XVIIème siècle. Par la suite, un grand nombre de poulinières existèrent à Nexon et presque tous leurs produits étaient vendus pour les écuries du Roi et pour les officiers supérieurs de l’armée. Les haras de Pompadour en achetèrent plusieurs. Au XIXème siècle, la famille Gay de Nexon poursuivit cette activité et fit courir des chevaux. Ce n’est qu’à la fin du siècle suivant que Ferréol de Nexon, héritier du domaine et des terres, abandonna peu à peu l’élevage chevalin devenu peu rentable. Après avoir cédé le château à la municipalité en 1983, il vendit sa dernière poulinière en 1990 et mit fin, à 500 ans d’histoire de sa famille et de l’élevage du cheval dans le bourg de Nexon.
Les environs de Limoges disposent de L’hippodrome de Texonnieras, qui se situe à Couzeix. Inauguré en 1821 et modernisé au début des années 1970, il est ouvert au galop avec une piste en herbe de 2 000 mètres et au trot avec une piste en sable de 1 300 mètres, avec corde à droite. Il s’agit aussi d’un centre équestre situé à environ 500 m de l’hippodrome. Le Dorat accueille aussi un hippodrome, où l’on pratique le plat, le trot et l’obstacle.
Les bons services militaires du cheval limousin entraînèrent de fréquentes réquisitions sous la République et le Premier Empire, en particulier pour la guerre de Vendée et les différentes guerres napoléoniennes, ce qui causa une raréfaction de la race. Croisé à l’Arabe et au Pur-Sang durant le XIXème siècle, puis reconverti dans les courses hippiques, le cheval limousin disparaît à l’orée du XXème, en particulier sous l’influence de l’Anglo-Arabe.
Aujourd’hui, nombreux sont les centres équestres dans la région. Les circuits de randonnées équestres, très nombreux, permettent de faire le tour du lac de Saint-Pardoux, de caracoler à travers les bruyères des Monédières, de s’enfoncer dans les mystères des Monts de Blond ou encore de faire étape sous des tipis à Vassivière. A Alleyrat, de robustes chevaux de trait emmènent toute la famille pour une randonnée attelée et un pique-nique dans la vallée de la Creuse. Différentes formules offrent la possibilité de partir seul ou accompagné, et de jalonner ses balades de haltes en chambres d’hôtes et en tables du terroir.