A 91 ans, le plus grand cuisinier de France, un père pour bon nombre de jeunes générations s’en est allé. Paul Bocuse, surnommé à juste titre « le Pape de la Gastronomie Française » ou « Mr Paul » vient de disparaître. Avec sa gouaille, il avait réussi à être l’ambassadeur de la cuisine française à travers le monde. Hommage de ses pairs recueilli par Côté Châteaux.
« Pape de la gastronomie française », « primat des gueules » ou simplement « M. Paul », Paul Bocuse, décédé à 91 ans, a incarné avec une gouaille unique la gastronomie française durant des décennies, en étant le premier chef à parcourir le monde pour défendre ses couleurs.
Star parmi les stars des fourneaux, bâtisseur d’un empire estimé à plus de 50 millions d’euros, Paul Bocuse, toujours prêt à poser avec sa veste et sa toque de cuisinier, était aussi le plus ancien des trois étoiles au monde, depuis 1965 sans discontinuer. Ce qui n’empêche pas certains critiques de dire que son restaurant des bords de Saône n’était plus à la hauteur et certains guides de le classer dans la catégorie institution, à défaut de le noter.
Né le 11 février 1926 dans une famille de cuisiniers de père en fils à Collonges-au-Mont d’Or, près de Lyon, cet épicurien à l’énergie débordante, infatigable globe-trotteur, a consacré sa vie à la gastronomie.
Entré en apprentissage à 16 ans à Lyon — enfant, il préférait la chasse et la braconne aux études –, il poursuit après la guerre sa formation chez Eugénie Brazier, première femme triplement étoilée en 1933, qui lui inculquera la rigueur. Puis chez Fernand Point, à Vienne (Isère), au début des années 1950, devenu son « maître à penser ».
Il obtient sa première étoile au Michelin en 1958, puis une deuxième deux ans plus tard en transformant l’auberge familiale qui deviendra le temple de la gastronomie française. Meilleur Ouvrier de France en 1961, Bocuse décroche sa troisième étoile en 1965, consacrant sa fulgurante ascension.
On afflue du monde entier pour déguster sa « poularde demi-deuil », son « gratin de queues d’écrevisses », ou sa « soupe VGE », un consommé à la truffe surmonté d’un dôme de pâte feuilletée, créé en 1975 pour la remise de sa Légion d’honneur à l’Elysée. Autant de classiques devenus des incontournables de la carte de son célèbre restaurant de Collonges-au-Mont-d’Or, à la façade verte et rose, où trône son portrait en trompe-l’oeil.
Pour les 90 ans de Mr Paul © Gérard Collomb
Dans « Paul Bocuse, le Feu sacré » (Ed. Glénat – 2005), « Monsieur Paul » se définissait comme « un adepte de la cuisine traditionnelle », qui « aime le beurre, la crème, le vin », et pas « les petits pois coupés en quatre ». « Oui, sûrement, ma cuisine est ringarde », admettait ce bon vivant qui se régalait de « plats simples » comme le pot-au-feu ou le boeuf bourguignon.
Elu « cuisinier du siècle » en 1989 par le guide Gault et Millau, puis sacré « chef du siècle » en 2011 par le prestigieux Culinary Institute of America (CIA), Bocuse aura ouvert de nouveaux horizons à la gastronomie française, érigeant son nom en marque.
Dès 1960, il laisse ses fourneaux pour voyager en Europe, au Japon, aux Etats-Unis. « J’étais un précurseur, ma curiosité m’a emmené un peu partout », disait-il. Il en rapportait des recettes, déclinées dès 1994 dans ses brasseries lyonnaises:
Le Nord, le Sud, l’Est, l’Ouest, l’Argenson ou l’Auberge de Fond Rose. En janvier 2007, il ouvre sa première brasserie au Japon. Sept autres suivront. En février 2013, tout juste remis d’une hospitalisation, il inaugurait encore en super-star un restaurant à son nom, au nord de New-York.
Paul Bocuse entouré de son équpe et du maire de Lyon en février 2016, aujourd’hui Ministre de l’Intérieur © Gérard Collomb
Président de l’Institut Paul Bocuse d’Ecully (Rhône), qui forme aux métiers de l’Hôtellerie, de la Restauration et des Arts Culinaires, Bocuse aimait transmettre le « goût du travail bien fait ». Le concours international du « Bocuse d’Or », lancé en 1987, constitue un véritable tremplin pour de jeunes chefs. Souffrant de la maladie de Parkinson et préparant sa succession, il avait ouvert en 2010 le capital de ses brasseries lyonnaises et placé des proches à des postes stratégiques en France et aux Etats-Unis.
« Je travaille comme si j’allais vivre 100 ans et je savoure la vie comme si chaque jour était le dernier », se plaisait à dire ce séducteur invétéré, qui arborait fièrement un coq tatoué sur son épaule par les Américains pendant la guerre. Son incroyable appétit de vivre s’exprimait aussi dans la vie privée de ce polygame assumé: marié depuis 1946 à Raymonde, qui lui a donné une fille, Bocuse a également partagé sa vie pendant plus de 60 ans avec Raymone, la mère de son fils Jérôme, et pendant plus de 40 ans avec Patricia, qui gère sa communication. « J’adore les femmes et nous vivons trop longtemps de nos jours pour passer une vie entière avec une seule », confiait-il en 2005 au Daily Telegraph.
Avec AFP
LES REACTIONS DES GRANDS CHEFS DE NOUVELLE-AQUITAINE RECUEILLIES PAR COTE CHATEAUX :
POUR ALEXANDRE BAUMARD * (LOGIS DE LA CADENE A SAINT-EMILION EN GIRONDE) : « C’EST VRAIMENT LA PERTE D’UN PERE »
On sent le jeune cuisinier du Logis de la Cadène, propriété de la famille de Boüard, très ému en ce début d’après-midi. « Sur quasiment 3 ans que j’ai passé chez lui, je n’ai que des bons souvenirs, humainement et professionnellement.
C’est vraiment la perte d’un père. C’est lui qui m’a tout apporté et l’étoile que j’ai obtenue en 2017, je la lui dois. »
Il avait une vision de la cuisine, un respect du produit, sans lui je n’en serais pas là. C’est une grosse perte. Je me souviens en 2006 de cet homme incroyable, il n’était pas malade alors,en pleine forme, il était à la table des chefs en train de discuter et à un moment il a sauté de sa chaise pour montrer à un cuisinier comment brûler un poulet ! »
Ce sont 3 années qui ont marqué ma carrière, c’est une grande maison.pour tous ceux qui l’on cotoyé. Dans la transmission, c’était un homme hors pair.
Je me souiens aussi du 6 juin 2006 où j’ai commencé là-bas, Mr Paul me voit à l’extérieur et me demande si j’avais fait mon service militaire… Je lui ait dit que non. Il m’a dit ce n’est pas grave, ici tu vas l’apprendre…Et après il me disait, je suis fier de toi et maintenant tu as travailler. »
« Mr Paul restera toujours présent, ce n’est pas pour rien qu’il a été élu cuisinier du siècle. Personne ne prendra sa place à tous les niveaux ! »
POUR PASCAL PRESSAC * (LA GRANGE AUX OIES A NIEUIL EN CHARENTE) : « Mr PAUL ETAIT NOTRE MAITRE A TOUS »
« Evidemment, Mr Paul était notre maître à tous, le pape de la gastronomie, mais je crois qu’au-dela de son talent de cuisinier, c’est lui qui nous a fait sortir de nos cuisines. Il a su médiatiser notre profession, donner les lettres de noblesse aux cuisiniers. »
« Je l’ai rencontré une fois au Bocuse d’Or, un bref échange, une poignée de mains et un regard qui m’a donné enie de continuer dans cette profession. Je lui ai dit : Mr Paul, ce soir, je dîne chez vous. Il m’a répondu, je ne serai pas là pour t’accueillir mais je serai dans ton assiette. Son sourire et son regard lors de ce bref échange sont mon plus beau cadeau »
POUR NICOLAS MAGIE * (LE SAINT-JAMES A BOULIAC) : « GRACE A LUI, LE CUISINIER EST SORTI DE DERRIERE LES FOURNEAUX »
« C’est un très très grand Monsieur qui est parti. Grâce à lui le cuisinier est ce qu il est aujourd’hui , sorti de derrière les fourneaux, mis en avant d’être starisé pour certains. Ce métier à vraiment été mis en valeur. Merci Monsieur Paul »
POUR RONAN KERVARREC ** (HOSTELLERIE DE PLAISANCE A SAINT-EMILION EN GIRONDE) : « IL A PORTE HAUT ET FORT LE DRAPEAU TRICOLORE A TRAVERS LE MONDE »
« Un homme passionné nous à quitté et toutes mes pensées vont naturellement à son épouse et ses enfants, ainsi qu’à ses équipes qui sont aujourd’hui orphelins ».
« Cet homme a apporté une ouverture Mondiale de notre métier de cuisiner, il nous a apporté la respectabilité à travers toutes les couches sociales.
Il a porté haut et fort le drapeau tricolore à travers le monde. Il a porté la gastronomie au Zénith du savoir faire.
À nous aujourd’hui de perpétuer cet héritage, à continuer de porter haut et fort la symbolique du haut niveau en toute humilité et de continuer à partager fraternellement son image ».
POUR MICHEL TRAMA ** (PUYMIROL DANS LE LOT-et-GARONNE) : « UN JOUR JE MONTERAI LE REJOINDRE ET SERAI SON MARMITON »
Michel Trama est ce soir bien triste, ce grand chef de Puymirol qui a lancé les Bouffons de la Cuisine en décembre pour offrir un repas de Noël aux démunis partageait avec Mr Paul ces traits de Grande Humanité.
« C’est Mr Paul qui nous a fait sortir de la cuisine, Mr Paul avec tout le respect que les cuisiniers lui doivent, Mr Paul un grand Monsieur. Il m’a remis le mérite national à Collonges. Il est venu 3 fois à Puymirol. Il aimait bien notre maison, il avait pris le même architecte »
« Tous les cuisiniers, on est ses enfants spirituels, c’est lui qui a inculqué la noblesse de notre métier. »
« Mais la mort, c’est la vie, elle est inéluctable. Moi, je me réjouis de monter au ciel et d’être son marmiton. »
C’est une grande perte, mais il nous a mis sur le chemin mondial, international de la cuisine française et elle est en haut de l’échelle. Il nous a ouvert la voie. C’est un Grand Monsieur. »