Les viticulteurs de Cognac ont dénoncé la semaine dernière à Paris les « vautours » de la « dérégulation » accusés de détourner le système des autorisations de plantation dans leur vignoble, et de « déstabiliser » l’équilibre de leur prospère filière.
Photo tirée de la pétition lance sur © change.org : « Dérégulation du vignoble de Cognac : la viticulture dit STOP »
« Nous sommes victimes de transferts de vignobles venant d’autres régions de France », permis grâce à un vide juridique dans les nouvelles réglementations européennes sur les plantations de vignoble, a dit Stephane Roy, le président de l’Union générale des viticulteurs (UGVC) pour l’AOC Cognac lors d’une conférence de presse à Paris.
L’UGCV a lancé une pétition sur change.org pour demander au gouvernement d’agir vite afin de renforcer d’urgence la régulation du secteur, le temps de négocier un nouvel accord avec Bruxelles.
Quelque 30 à 40 viticulteurs « opportunistes » sur les quelque 4.400 que compte la zone, ont en effet profité d’un vide juridique pour obtenir des droits à plantation portant sur 300 nouveaux hectares de vigne. Ils ont pour cela utilisé des transferts de droits à plantation, en achetant au préalable des vignobles dans d’autres régions françaises, en général moins riches que celle de Cognac, ou en crise, comme celle du Muscadet ou du Roussillon. Ils ont ensuite arraché ces vignes, pour générer des droits de plantation, qu’ils ont transférés dans le Cognac. Une pratique légale, mais qui porte aussi atteinte à l’image de Cognac, pouvant dès lors être accusé de « dépecer » les autres vignobles français.
« Nous connaissons les noms, mais ne les rendons pas publics » a dit M. Roy. « La colère est très forte sur le terrain, il s’agit d’une politique de déstabilisation de la filière » a ajouté M. Roy.
Au total, Cognac compte quelque 75.000 hectares de vigne et la profession veille jalousement à la limitation de l’extension de son vignoble. La filière est organisée historiquement autour d’une co-gestion très fine entre producteurs et négociants, de ses potentiels de production pour maintenir une rentabilité , optimale à ses acteurs.
« Nous nous mettons d’accord chaque année sur les surfaces plantées et le rendement en hectolitres de vin, qui définit le volume d’alcool pur obtenu », précise Alexandre Imbert, de l’UGCV.
Du coup, cette guerre fratricide au sein du cognac relève presque d’un enjeu de « sécurité publique », certains viticulteurs qui respectent les limitations de plantations souhaitant en découdre avec ceux qu’ils qualifient de « vautours », dit Christophe Forget, administrateur de la CNAOC, qui regroupe l’ensemble des syndicats viticoles
d’AOC français.
La presse locale a d’ailleurs rapporté des manifestations de Jeunes Agriculteurs pour dénoncer les « vautours » en mettant des panneaux « ici niche un vautour » devant leurs domiciles.
« Nous sommes solidaires des actions pour désigner les « vautours » au public afin d’alerter l’opinion et de la mobiliser » a déclaré M. Roy, qui semble néanmoins inquiet de la tournure que prennent les événements et de la tension. « Nous avons été interpellés par les Renseignements généraux et la gendarmerie », a ajouté M. Forget.
Après une année 2015 déjà favorable, les expéditions de Cognac ont continué leur ascension en 2016 avec une croissance de 6% en volume et de 6,8% en valeur, selon le Bureau national interprofessionnel du Cognac. Le chiffre d’affaires départ Cognac s’élevait l’an dernier à 2,76 milliards d’euros.
A elle seule, la filière, à cheval sur deux département (Charentes et Charentes Maritimes) représente plus de 20% des exportations de vins et spiritueux français. Selon M. Roy, la rentabilité d’une exploitation moyenne de cognac, juste après la distillation, est estimée entre 15 et 20%, variable selon les crus et l’âge de l’eau de vie.
AFP