27 Déc

Réchauffement climatique: les cépages ancestraux au secours de la vigne

Sécheresse et chaleur: le réchauffement climatique brûle la vigne. Mais l’avenir pourrait bien se trouver dans le passé: les vignerons découvrent que les cépages ancestraux, sacrifiés sur l’autel du rendement, sont en fait plus résistants.

© Producteurs de Plaimont

© Producteurs de Plaimont

Sur une petite parcelle nichée entre châteaux et villages gersois, au milieu des champs de blé au chaume grillé par le soleil, quelques rangées de vignes hautes abritent 37 cépages. « Plant de Cauzette », « N°5 », « tardif », etc. Certains portent des noms qui tutoient le Moyen-Age. D’autres, estampillés « inconnus », n’ont pour l’instant qu’un numéro.

Ils ont été découverts lors de prospections débutées dès les années 90, puis amenés à Loussous-Débat (Gers), dans un conservatoire détenu par la coopérative Plaimont, qui produit 40 millions de bouteilles par an. C’est dans ce musée vivant de la vigne, le plus grand de France à fonds privé, que s’invente l’avenir du vin. On y teste des cépages qui sont autant de trésors oubliés, certains retrouvés dans des vignes datant d’avant la crise du phylloxera, qui a décimé la viticulture au XIXe siècle.

« Avant le phylloxera, il y avait beaucoup plus de cépages. Puis on a voulu faire du volume, alors on a favorisé quelques variétés à fort rendement, abandonnant les autres », explique André Dubosc, fondateur de Plaimont et vigneron depuis trois générations. « Mais aujourd’hui, c’est le retour du boomerang ». « Prenons l’exemple du manseng noir », explique Nadine Raymond, directrice Recherche et Développement chez Plaimont, en soupesant une grappe de raisin quasi-mûre. « Des archives de 1783 parlent de lui comme « celui qui fait le bon vin » mais, après le phylloxéra, on avait besoin de volume. Le tannat a donc remplacé le manseng noir ».

Aujourd’hui, c’est une véritable résurrection. « On en a retrouvé quelques pieds et on a découvert qu’il s’adapte au réchauffement climatique », explique la chercheuse de Plaimont, qui produit 98% de l’appellation Saint-Mont et 48% des Madiran.

2,5 degrés en plus depuis 1984

Le manseng noir fait « moins d’alcool », explique Mme Raymond. Alors que le tannat, cépage dominant des vins gersois, « peut atteindre parfois 16 degrés », soit un taux déjà maximal, précise André Dubosc. Or le réchauffement a déjà fait augmenter le taux d’alcool de 2,5 points entre 1984 et 2015, selon une étude du laboratoire Dubernet réalisée sur un échantillon de vins du Languedoc-Roussillon.

Le « stress hydrique fort », induit par la sécheresse, « bloque la maturité: le grain se concentre, il y a beaucoup de sucre et donc plus d’alcool », résume Jean-Louis Escudier, ingénieur de recherche INRA à Pech Rouge (Aude).

Il y a urgence: « depuis 2000, il s’évapore plus d’eau qu’il n’en tombe », avertit l’expert, se basant sur les relevés effectués dans son unité expérimentale de 34 hectares de vigne en bord de Méditerranée. Sur cette parcelle, l’ingénieur étudie cinq croisements entre vignes à vin et raisins de table qui avaient été plus ou moins oubliés et « qui mûrissent à environ 11 degrés ».
Au conservatoire de Plaimont, Nadine Raymond a, elle, découvert le « vitis vinifera N°5 », qui ne titre que 10 degrés. Mais elle a également mis la main sur un autre miracle, le bien-nommé « tardif », qui mûrit « une dizaine de jours plus tard » que le tannat. « Il est donc tout à fait idéal » car le réchauffement climatique, qui accélère le mûrissement, a déjà provoqué une avancée de deux à trois semaines des vendanges sur le dernier quart de siècle.

Le potentiel de découvertes ne s’arrête pas au sud-ouest. Sur les 6.000 cépages existants dans le monde (sans compter les hybrides), dont 550 en France, seuls 1.200 sont en production (237 dans l’Hexagone). Ainsi, à l’Inra Vassal (Hérault), dans la plus grande banque génétique mondiale de la vigne où sont plantés plus de 2.700 cépages de 54 pays, « il s’écoule deux mois entre le premier et le dernier qui mûrit », explique Thierry Lacombe, co-responsable scientifique de Vassal et ingénieur de recherche à l’Inra de Montpellier. « Cela laisse une formidable gamme de variabilité, une grande réserve de diversité ».

Avec AFP.