12 Oct

Dans le Médoc, Château Montrose ouvre ses cuves au bio

Pour ces vendanges 2016, château Montrose récolte 18 ha en bio, sur 95 ha de vignes. D’ici 3 à 5 ans, tout le domaine devrait passer en bio. Une tendance qui se confirme puisque 75 % des grands crus classés font des essais pour améliorer les techniques environnementales selon Philippe Castéja, le président du Conseil des Crus Classés 1855.

Château Montrose, 2e cru classé du Médoc © JPS

Château Montrose, 2e cru classé du Médoc © JPS

Clac, clac, clac, d’un geste rapide et précis, Teresa coupe toutes les grappes d’un pied de cépage merlot en quelques secondes et s’empresse de les verser dans une cagette portant l’inscription Château Montrose: ce grand cru classé bordelais vinifie pour la première fois en agriculture biologique. « Bio ou pas bio, je ne vois pas la différence », sourit la belle trentenaire, casquette sur la tête.

Cette Espagnole fait partie d’un groupe de 90 vendangeurs d’un village andalou, Pruna, qui vient chaque année depuis plus de 50 ans au Château Montrose, second grand cru classé dans le classement de 1855, propriété des frères et millionnaires Martin et Olivier Bouygues (BTP, télécoms et médias). Au chai du château, dans l’appellation Saint-Estèphe, en Médoc, entouré de vignes qui dévalent jusqu’à l’estuaire de la Gironde, il n’y a pas non plus de différence… pour l’instant.

« On fait le constat que le bio se comporte extrêmement bien, aussi bien qu’en conventionnel », reconnaît le vinificateur Vincent Decup, s’attendant dans un premier temps à des rendements plus faibles mais à une qualité supérieure en bio.

Les bras s’activent autour des trois tables de tri. Les raisins défilent, les plus petites baies ou celles brûlées par le soleil sont jetées, tout comme les feuilles. Les machines prennent le relais avant un quatrième tri, de nouveau manuel.

« On a les premières cuves qui arrivent en fin de fermentation, c’est un peu tôt pour se prononcer mais on est déjà sur un très joli millésime », comme en 2010, se réjouit le maître de chai, soulignant que le ramassage se fait dans « des conditions exceptionnelles ».

Dans les vignes, pas une goutte de pluie ne vient menacer les vendanges, contrairement à l’année dernière. Grâce au relevé intra-parcellaire, la récolte peut se faire au pied près, jusqu’à ce que les fruits soient parfaitement mûrs.

Pour atteindre cette précision, 30 personnes supplémentaires ont été embauchées pour notamment vendanger les 18 hectares bio. Les 95 hectares de vignes devraient tous passer en agriculture biologique d’ici trois à cinq ans.

Château Montrose rejoindrait ainsi les dix grands crus classés en bio ou en conversion. Ils n’étaient que deux sur un total de 88 il y a cinq ans.

75% des grands crus classés font des essais pour améliorer les techniques environnementales. C’est une tendance croissante qui est très forte »,  Philippe Castéja, président du Conseil des grands crus classés en 1855.

Hervé Berléand

Hervé Berland au château Montrose © JPS

Montrose essaye la sélection massale, la biodynamie sur sept hectares de vignes, la compatibilité des cépages avec des porte-greffes et compare les traitements phytosanitaires et biologiques: « On a lancé depuis deux, trois ans maintenant un plan d’expérimentation », explique le gérant du domaine, Hervé Berland. « On va essayer ce qui peut nous apporter de la valeur ajoutée ».
Ce changement implique surtout une évolution des méthodes de travail pour le chef de culture, Patricia Teynac, avec « un peu plus d’organisation et de moyens »: « Le bio, c’est une approche délicate. Il faut toujours être dans l’anticipation, traiter avant les pluies ou après », constate-t-elle, le cuivre et le soufre étant plus lessivables que les traitements phytosanitaires.

La biodiversité, bien présente sur un domaine qui, outre les 95 ha de vignes, s’étend sur 145 ha, est également encouragée avec des hôtels à insectes ou encore des buissons, dans la même logique de prendre soin de la vigne par la nature elle-même. Autre atout de Montrose, à la pointe de la technologie après que la demeure elle-même ait été rénovée dans le style du XVIIIe siècle: son micro-climat. L’estuaire, à quelques centaines de mètres, permet de réguler les températures et d’offrir une bonne ventilation, idéale pour atténuer les attaques de mildiou sur les vignes,
plus sensibles en bio.

Avec ce changement de cap vers une viticulture plus respectueuse de l’environnement, « il faut accepter la part de risque, il n’y a pas de production de grands vins
sans prise de risque », conclut Hervé Berland.

AFP.