A Monbazillac, c’est un sentiment de zénitude et de plénitude. Les 150 vignerons sont fiers de produire leur célèbre vin liquoreux, à la sucrosité plus ou moins accentuée. Non seulement ils bénéficient de l’image porteuse du château de Monbazillac, mais ils en sont aussi les propriétaires. Une vivacité dans la tradition pour une appellation qui célèbre ses 80 ans.
Le coup d’envoi des premiers tris a été donné depuis le 10 octobre au Domaine de l’Ancienne Cure. Un domaine particulier car c’est à la fois l’ancien presbytère du village et un domaine viticole de 49 ha aujourd’hui. Ce sont les grands parents de l’actuel propriétaire, Lydie et Amédée Roche, qui ont créé ce vignoble dans les années 40, « à l’époque il n’y avait que 12 ha en polyculture, on y faisait aussi des avec des laitières et des céréales », précise Christian Roche.
Aujourd’hui, ce vignoble est planté pour 2/3 en blanc (sémillon, sauvignons blanc et gris, muscadelle, chenin et ondenc) et 1/3 en rouge (cabernets franc et sauvignon, merlot). « On ne fait plus que de la vigne. Ce sont 200 000 à 250 000 bouteilles qui sont produites dont 75 000 de Monbazillac ».
Christian Roche explique : « Ce qu’on recherche ce sont des raisins surmaturés sous deux formes : la pourriture noble amenée par le champignon botrytis cinerea et le passerillage, qui concentre mais conserve l’acidité sur le raisin. Ce n’est pas négligeable car un liquoreux doit avoir du sucre résiduel, mais doit aussi garder de l’acidité pour encourager les gens à en boire un deuxième verre ».
Pour la 5e fois, ce domaine vient de gagner avec son millésime 2015 le concours des vins de Monbazillac qui était organisé à la Cité du Vin de Bordeaux « ça fait toujours plaisir, notamment pour les 80 ans de l’appellation » précise Christian Roche, « surtout que le niveau était élevé. »
La pourriture noble, le botrytis cinéréa, a commencé à se déclencher, mais ce n’est pas une poussée excessive, car effectivement il y a eu cette sécheresse et peu de pluies, quant aux matinées si elles sont trop froides elles ne favorisent pas trop son développement.
Le château de Monbazillac, c’est le fleuron de l’appellation ! Ce magnifique château du XVIe siècle à mi-chemin entre le château fort et le château d’agrément, appartient depuis 1960 aux vignerons de Monbazillac. Une quinzaine de viticulteurs ont voté pour l’achat de ce domaine, et de sa cave coopérative en fermage, le 5 mai 1960, après les terribles gelées meurtrières de 1956. Cette décision devait à jamais sceller un destin assez particulier car les vignerons continuent de gérer ce domaine d’une manière assez exemplaire, ayant fait ravalé la façade récemment et changer l’ensemble des fenêtres pour 300 000 €.
Un château qui tire son histoire dans un passé très riche et ancien puisqu’ « on estime que ces vins de Monbazillac ont été découvert au XIIe siècle par des moines qui habitaient sur cet emplacement. Ca devait être des vendanges précoces et le jour où ils sont allé voir leurs vignes, le botrytis s’était installé. Et pour ne pas perdre la récolte, ils ont décidé de presser le vin et c’est comme cela qu’est né le Monbazillac et le liquoreux », explique Sylvie Alem, la présidente de la Cave Coopérative. « C’est une période où le vin s’exportait déjà car les terres étaient anglaises et on se servait de la Dordogne pour descendre en gabare les barriques, qui partaient après en Angleterre ». « Et puis au XVIIe siècle, le vin de Bergerac s’est exporté aussi en Hollande car la Dordogne était un terre protestante et les vignerons de Monbazillac étaient protestants. A la révocation de l’Edit de Nantes, où le culte protestant était interdit, ils sont partis s’installer en Hollande où ils se faisaient livrer les gabares chargées de barriques de vins de Monbazillac ».
« Il y a 80 ans on était la 1ère appellation de liquoreux à avoir cette AOC, c’était surtout pour réglementer la production et dire on va bien faire à Montbazillac ! Et on se donner un cahier des charges, avec un respect de normes pour faire de la qualité » A Monbazillac, vous avez au moins 4000 pieds par hectare, mais vous pouvez avoir aussi 5500 pieds/ha, mais ce qui est particulier, c’est la façon de ramasser notre raisin : par tris successifs, on passe plusieurs fois sur la même parcelle pour ne prélever que le raisin atteint de pourriture noble. On a limité la production aujourd’hui à 30 hectos/ha, mais on ne produit que ce que la nature nous donne. » Zen quoi.
Ce sont ainsi 150 vignerons qui produisent entre 50000 et 60000 hectolitres de vins de Monbazillac sur un peu plus de 2000 hectares.
A la Maison du Tourisme et du Vin, Mélanie Cany accueille des Belges Flamands en séjour dans la région. Elle leur fait déguster la palette assez large de vins de Monbazillac : « on trouve ici des vins différents, produits par 27 vignerons indépendants mais réunis en association, on a donc des degrés de sucrosité différents, des élevages différents, des vins bios ou pas, des sélections grains nobles ou autres, et on essaie de répondre un maximum à la demande. »
Pour Christel et Peter Proost d’Anvers : « ça me plaît, mais normalement nous buvons du vin rouge ou du vin blanc sec, mais c’est très agréable. »
Quant à savoir s’il y a une évolution sur le goût des Monbazillac : »Oui, il y a une tendance à aller vers des choses un petit peu plus légères, avec un petit peu plus d’équilibre, qui s’accompagnent mieux tout au long du repas », commente Mélanie Canie. « Le Monbazillac reste typiquement un vin d’apéritif, et dans la tête des gens, un accompagnement de foie gras et de dessert…mais on essaie de faire découvrir le Monbazillac tout au long du repas et les gens le préfèrent un petit peu plus léger, mais on arrive encore à vendre des Monbazillacs de tradition, car c’est aussi cela que les gens attendent quand ils viennent ici à Monbazillac. »
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer, Charles Rabréaud et Thierry Culnaert :