Sauternes n’a pas attendu la LGV pour se rebooster. Depuis longtemps, un mouvement de fond est engagé dans cette appellation pour redynamiser son image tant au niveau de ses vins que du tourisme. Côté Châteaux vous dévoile cette nouvelle vitalité de Sauternes.
Au château la Bouade à Barsac, Stéphane Wagrez incarne la nouvelle génération de vignerons de Sauternes…
En 2009, il a repris la gérance de ce domaine de 25 ha avec Olivier Fargues, chef de culture, et tous deux ont relancé cette propriété qui n’avait pas vraiment bougé depuis 30 à 40 ans. Ce coup de jeune, Stéphane Wagrez l’impulse également à travers deux organismes : en tant que président de la commission promotion de l’ODG Barsac-Sauternes mais aussi membre du bureau des Sweet Bordeaux (l’association qui regroupe 11 appellations qui produisent des vins liquoreux et vins doux).
Stéphane Wagrez : « On essaie de faire des vins beaucoup plus accessibles, abordables , autant oenologiquement, gustativement parlant que au niveau du prix. On sait faire des vins très riches, très complexes, très aromatiques qui sont donc un peu plus chers puisqu’on a beaucoup moins de rendement pour faire ce style de vin, mais aujourd’hui, de plus en plus nous produisons des vins plus légers, plus fins, plus sur le fruit ; la liqueur est présente mais elle n’est pas dominante. Pratiquement tous les châteaux aujourd’hui ont compris que faire des grands vins, très arômatiques, c’était très bien pour des concours ou avoir de bonnes notes, mais que le public s’intéressait à des vins plus faciles à déguster. Donc pratiquement tout le monde aujourd’hui a une cuvée traditionnelle et une cuvée plus légère. »
En plein coeur de Barsac, en face de l’église, la Maison du Vin a rouvert le 31 juillet 2015, après 7 mois de travaux. Paul Krucker l’a transformée en bar à vins où l’on peut aussi se restaurer… Un coup de jeune tout en conservant sa fonction première de mettre en avant les vins produits par l’appellation Sauternes qui rayonne sur 5 communes : Barsac, Bommes, Fargues, Preignac et Sauternes.
Il propose en outre une vaste gamme de Sauternes oscillant entre 13 et 25 €, avec des millésimes parfois anciens, et aussi avec des innovations quant au contenant:
Paul Krucker : « on parle surtout de packaging, un peu plus tape à l’oeil avec des coffrets de 25 cl qui permettent de consommer cela à deux ou tout seul, des coffrets rappelant certains grands produits dans les parfums ou dans les alcools aussi, tout cela pour essayer de varier l’offre et de montrer aux gens que Sauternes est une appellation qui bouge, qui se réveille ! »
L’âge d’or de Sauternes correspond surtout à l’après-guerre, où l’on dégustait allégrement ce vin liquoreux à l’apéritif, les dimanches et pour toutes les grandes occasions comme les anniversaires. Dans les années 50 – 60, outre les grands châteaux, il y avait aussi pas mal de petits vignerons : entre 250 et 300 (certains avaient des petites parcelles), mais aujourd’hui il y a eu un phénomène de concenration : on compte désormais 170 viticulteurs sur 2 200 hectares.
Parmi les propriétés qui demeurent familiales le château Raymond-Lafon, tenu depuis 1972 par la famille Meslier : « tous les 1ers crus sont autour de nous » confie Pierre Meslier, tout en citant ses illustres voisins « Yquem, Rabaud-Promis, Rayne-Vignau, Lafaurie-Peyraguey et Suduiraut ».
Pierre Meslier avait recréé ce vignoble qui a appartenu à Raymond Lafon vers 1850 et qui fut maire de Sauternes, il est aujourd’hui exploité par ses enfants Jean-Pierre, Marie-Françoise et Henri Meslier.
Jean-Pierre Meslier commente la légère perte de vitesse de la consommation en France du Sauternes : « c’est une question de mode, c’est tout, je pense que la mode reviendra. On est tres optimiste, nos vins sont toujours là et à la hauteur. On sait qu’il n’y aura pas de problème. On développe justement de nouveaux marchés notamment vers l’Asie et je pense que ce sera très positif ! » Un Sauternes remarquable, très exigent car en 2012, il n’y a pas eu de 1er vin car pas assez qualitatif. La production ici est en moyenne de 25000 bouteilles à l’année.
Longtemps laissé à l’abandon, l’office de dégustation à Sauternes vient d’être réhabilité dans les règles de l’art, ses célèbres lettres en façade ont été repeintes par René Damême. Pascale et Didier Galhaud ont acheté la bâtisse en 2011 et viennent de terminer les travaux. Un projet assez exceptionnel car ils proposent 4 chambres d’hôtes en plein coeur de Sauternes, avec le verre de l’amitié pour accueillir les arrivants. Ils vont également faire des ateliers d’accords mets et vins de Sauternes, dans la partie cuisine aménagée au rez-de-chaussée.
Didier Galhaud : « ma femme Pascale va donner des cours de démonstration culinaire toujours en rapport avec le Sauternes, comment le boire, avec quoi, le marier au mieux en allant sur des choses un petit peu nouvelles comme la cuisine épicée, outre le traditionnel foie gras. »
Juste en face, un établissement qui s’est inscrit dans le paysage de Sauternes et qui marche fort : l’Auberge des Vignes, relancée par Arnaud Riotte en 2005 avec ses entrecôtes ou côtes de boeuf saisies dans la vieille cheminée au-dessus de la braise.
Les touristes en cette période d’été indien sont encore nombreux à venir à Sauternes, comme en témoigne ce groupe de Chinois. Xavier¨Planty, le président de l’ODG Barsac-Sauternes confirme: « L’autre jour j’ai eu, pour la première fois, un Ghanéen qui est venu à château Guiraud. Sinon, on a énormément de gens qui viennent d’Amérique du Sud, c’est assez surprenant : Brésil, Argentine, Chili. Enormément d’Américains et d’Anglais aussi. Et vous voyez, là les Chinois que l’on voit passer… Le Japon, cela faisait longtemps, mais la Chine il faut reconnaître que c’est devenu notre 1e pays à l’exportation. »
A moins d’une LGV qui pourrait fortement endommager le micro-climat et la formation de brouillards matinaux qui favorisent le botrytis, Sauternes n’est pas prête de s’éteindre. Ses 26 crus classés font parler de cette appellation partout dans le monde.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Dominique Mazères, suivi de la chronique de Frédéric Lot :