L’avocat de la Sepanso, François Ruffié, s’exprime et conteste le classement pour infraction insuffisamment caractérisée de l’affaire de Villeneuve du 5 mai 2014. Un appel est en cours devant le parquet général. Les faits, témoignages et constats sont éloquents et plaident en faveur de poursuites dans cette affaire, qui avait ému la France entière.
Ce 5 mai 2014, le directeur de l’école avait déjà croisé une machine en action lors de l’entrée en cours à 8h20. Puis à d’autres moments de la matinée, lors de la récréation, et en début d’après-midi. On peut même dire en croisant l’ensemble des témoins que les traitement étaient forts nombreux.
A tel point que la récréation de 10h a dû être écourtée: « L’épandage s’est fait contre l’école à un moment où les enfants étaient dehors, les enseignants ont été obligés de rentrer précipitamment les élèves 2 fois, le matin et entre midi et deux. Il y a des témoins qui disent que les enfants mettent les mains sur le grillage et ils ont les doigts bleus ou verts avec des traces de produit. »
La suite, on la connaît: dès la récréation du matin, à 10h25, certains élèves se disent incommodés par les odeurs désagréables et se plaignent de picotements dans les yeux. Dans l’après-midi, c’est alors une nouvelle séquence émotion: à 13h20, l’institutrice a « la tête qui tourne » et a « une vision trouble. » Elle n’est pas seule, de nombreux élèves, au total 23, vont se plaindre également de maux de tête, vertiges, douleurs abdominales, nausées, gorges et yeux irrités ! L’institutrice est alors emmenée aux urgences à l’Hôpital de Blaye, elle va se sentir mal durant deux jours…
Et François Ruffié de poursuivre : »Le lendemain, l’inspecteur d’académie qui se rend sur les lieux dit qu’il y a des odeurs caractéristiques de produits phytosanitaires. Et d’autre part il y avait du vent, il y avait beaucoup de vent, à partir de la mi-journée on est très au-delà des 19 km/h de vent qui autorisent l’épandage, donc effectivement il ne fallait pas épandre ce jour-là ».
La station météo de Mérignac a relevé ce 5 mai 2014 des rafales à plus de 20 km/h, or par arrêté du 12 septembre 2006 du code rural L 253-1 les produits ne peuvent pas être utilisés en pulvérisation ou en poudrage (car l’utilisation est strictement réglementée à un degré d’intensité inférieur ou égale à 3 sur l’échelle de Beaufort (de 12 à 19 km/h)
La Sepanso ne s’oppose aux traitements, aux principes de la viticulture, mais là ça a été fait n’importe comment. La Sepanso ne poursuit pas la viticulture, elle poursuit la bêtise ! » François Ruffié, avocat de la Sepanso.
A Listrac-Médoc, Marie-Lys Bibeyran, salariée viticole dont le frère est décédé des suites d’un cancer après avoir pulvérisé pendant 35 ans des pesticides, milite pour arrêter les traitements le long des écoles, ou au pire traiter ces parcelles qui jouxtent les écoles en bio : « cette pétition, je l’ai lancée le 26 septembre et elle compte à ce jour 12828 signatures… Pourquoi cette pétition ? Parce que sur le terrain il y a urgence, on va d’études en études, d’enquêtes en enquêtes, mais sur le terrain les pulvérisations sont tourjours là, les enfants sont toujours exposés et concrêtement il n’y a rien qui change. »
En tant que salariée agricole, elle avance une alternative : « Les affaires de Villeneuve et de Preignac nous prouvent qu’il y a un problème; la seule solution admissible serait de cultiver en bio toutes les zones agricoles a proximité immédiate non seulement des écoles mais de toutes les infrastructures qui accueillent des enfants sportives et culturelles ».
Et François Ruffié ne comprend pas l’attitude du directeur de la Draaf Aquitaine. La Draaf dans un premier temps a fait ces nombreux constats cités ci-dessus, et puis au final le directeur écrit « il n’est pas possible d’attester formellement de la réalité et de la matérialité de l’infraction », ce que le parquet a traduit par la suite par ce classement.
Nous avons sollicité la préfecture, la Draaf, aucun commentaire à faire, juste un mail rappelant la position de la préfecture l’an dernier et l’arrêté pris:
Depuis l’incident, il n’y a plus de traitement dans les vignes durant les heures de classe . L’école est prévenue par la mairie lorsque les parcelles sont traitées, après la classe.
Nous avons aussi sollicité une interview de Madame le Maire, propriétaire de l’un des deux châteaux mis en cause, en vain.
La balle est désormais dans le camp du Parquet Général qui devra dire s’il y a lieu de poursuivre ou non, et si ces élèves et cette institutrice ont été pris de malaises comme par enchantement….
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et de Pascal Lécuyer