Interviewé aujourd’hui à Sauternes, le député de Gironde Gilles Savary fait le point sur la LGV au sud de Bordeaux. Il souhaite une amélioration de la ligne actuelle par du cabotage quotidien et souhaite la préservation du micro-climat de Sauternes qui serait impacté par la LGV car « un climat on ne le reconstitue pas »
« Entendons-nous, je pense qu’il faut aller vers l’Espagne le plus rapidement possible et il faut améliorer Toulouse-Paris, c’est absolument essentiel, l’objectif n’est pas contestable. J’observe aussi que depuis 10 ans on travaille sur ces lignes, et depuis 10 ans à force de vouloir toit, on n’a rien ! Donc, ça risque de continuer encore 20 ou 30 ans ».
« Il y a deux problèmes : la priorité dans le sud de l’agglomération bordelaise, c’est la ligne actuelle entre Bordeaux et Toulouse. C’est une ligne de cabotage quotidien, de déplacement domicile-travail absolument vitale pour une population de plus en plus nombreuse, et qui va l’être encore plus de métropolisation de déversement de l’agglomération et ça on n’y échappera pas. On n’y échappera pas. Donc c’est illusoire de dire qu’on va régler ce problème par un TGV car il ne s’arrêtera pas dans toutes les gares à La Réole, à Langon, à Arbanats ».
« Et puis le deuxième sujet, c’est qu’on a mis en place une infrastructure extrêmement agressive qui est un triangle ferroviaire, un carrefour de lignes hautes vitesses avec des remblais considérables dans un endroit qui est probablement l’un des plus fragiles probablement de France parce qu’il produit un climat, et un climat personne ne sait comment on le détruit ou on le reconstitue. Ce n’est pas comme quand vous coupez des arbres, vous coupez 5 ha il faut les reconstituer ailleurs. Un climat on ne le reconstitue pas ».
Il dépend aussi des nappes profondes. On a beau nous dire, on fera cela uniquement en viaduc ce qui suffirait en soi à rendre la ligne grande vitesse totalement déficitaire vers Dax. Il est très clair qu’on touche là un patrimoine extrêmement fragile non reproductible, non substituable, qui fait le Sauternes. On ne peut pas imaginer que la France fasse cet espèce de crime patrimonial »
Est-ce à dire concrêtement que de grands châteaux comme Yquem, Guiraud, Suduiraut pourraient ne plus produire de vins liquoreux ?
« Je ne vais pas rentrer dans le romanesque, je n’en sais rien, ça veut dire simplement qu’il faut revoir la copie sérieusement si on ne veut pas qu’on reparle encore des lignes ferroviaires entre Toulouse et Bordeaux et entre Bordeaux et l’Espagne dans 20 ans. »
Car il se peut fortement qu’une bataille juridique soit engagée avec ces grands châteaux du Sauternais qui ne se laisseront sans doute pas faire. Une affaire qui risque d’aller jusqu’en Conseil d’Etat et de prendre quelques années. Les arguments concernant la formation de botrytis, cette pourriture noble qui donne ces vins de Sauternes, botrytis qui se développe grâce à la formation de nappes de brouillards dus au Ciron, ce cour d’eau étant lui-même rafraîchi par une hêtraie plusieurs fois millénaire, pourraient avoir un écho au Palais-Royal.
Interview réalisée par Jean-Pierre Stahl et Dominique Mazères :