La question de la transmission de propriétés viticoles revient sur le devant de la scène, avec un constat simple : plus de 1500 chefs d’exploitations dépassent les 55 ans et vont partir en retraite dans les 10 ans à venir.
Gérard Monet a 62 ans mais aucun descendant. Ce vigneron est depuis 27 ans à la tête d’une propriété dans l’Entre-Deux-Mers à Targon. Un vignoble qu’il a su faire fructifier et qui compte aujourd’hui 22 hectares. Mais à son grand regret, il ne peut pas le transmettre à quelqu’un de sa famille.
« Eh non malheureusement je n’ai pas de repreneur, j’ai des neveux et des nièces qui ne sont pas intéressés car ils ont des situations professionnelles complètement différentes; il aiment le vin, ils en boivent, mais ils ne souhaitent pas et n’ont pas fait de formation. »
Depuis cette dernière vendange, il s’est dit qu’il s’arrêtera d’ici 3 ans : « je commence à y penser depuis ces dernières vendanges, je pense arrêter en 2019, j’aurai 65 ans… »
Comme lui, ils seront 1500 à 1600 viticulteurs dans les 10 prochaines à avoir plus de 55 ans et prétendront légitimement partir en retraite. La transmission est un réel souci avec notamment de lourds emprunts et des charges très importantes, sans parler parfois de quelques soucis de main d’oeuvre.
« Les jeunes n’osent plus s’engager, quand on achète un vignoble ou que l’on monte un vignoble neuf , c’est pour une décennie et quand on plante un pied de vigne, il est planté pour 40 ans… »
Les études ont été menées au niveau de la Draaf de la Nouvelle Aquitaine, Jacky Bonnetaux explique: « le constat, il est simple, on a 6000 exploitations viticoles, on en a la moitié qui sont dirigées par un plus de 55 ans, sur cette moitié à ce jour un sur deux ne connaît pas son repreneur. Cela représente à peu près 20 000 ha de vignes et la Gironde se démarque car on a en Gironde des exploitations qui s’apparentent plus à des entreprises viticoles qu’à des exploitations familiales. «
Dans les 10 ans à venir il va falloir trouver dans les 1500 à 1600 chefs d’exploitation pour reprendre ce vignoble » Jacky Bonotaux Draaf Nouvelle Aquitaine
Dans ce constat un peu sombre, la situation n’est pas si dramatique que cela , comme il y a 5 ou 6 ans où le cours du tonneau était tombé à 800 € : « aujourd’hui on a une situation économique qui s’améliore, un vignoble qui a été restructuré qualitativement, un cours du tonneau (entre 1200-1300 €) qui se tient, pour des investisseurs ou des cédants, c’est beaucoup mieux qu’il y a 10 ans ».
Et Jacky Bonotaux de renchérir :« L’expérience montre qu’on n’aura pas dans 10 ans 1600 exploitations qui auront disparu, on va en perdre à peu près un quart mais la vigne elle ne sera pas perdue, donc il y a des exploitations qui vont s’agrandir, d’autres qui vont se regrouper, l’enquête qu’on a menée en 2013 montre qu’il y a très peu de vignes qui vont disparaître, absorption, fusion, reprise en l’état pour certains, mais 8 fois sur 10 c’est la famille qui reprend… »
A Saint-Emilion, Audrey Lauret incarne cette nouvelle génération de viticultrice qui s’implique; elle a pris en 2009 la suite de sa mère, à la tête de la propriété. Cette dernière avait acquis en 2006 le château Pindefleurs en Saint-Emilion Grand Cru, un château dans son jus avec 5 ha de vignes, qu’elles ont fait évoluer en 10 ans.
Audrey a un BTS de viticulture et d’onologie, ainsi qu’un diplôme d’école de commerce, aujourd’hui elle s’est pleinement investie dans cette belle propriété qui compte 20 ha désormais et a réussi à convaincre son frère de la rejoindre dans cette propriété familiale.
Quant à la transmission ? Bien sûr, elle y pense déjà, car elle ne se fera pas du jour au lendemain mais progressivement pour un foncier qui ici est relativement élevé aux environs de 200000 à 300000 euros l’hectare. »
« On est à Saint-Emilion, on a un foncier assez honéreux, c’est pour cela qu’il trouver des petites choses pour transmettre plus facilement; le but du jeu, c’est que ma mère fasses des donations de temps en temps quand c’est possible… » tant il est vrai que les droits de transmission ou de mutation sont très importants.
En attendant, ce château continue sa mue, sa maman s’attache à restaurer la jolie chartreuse de la fin du XVIIIe siècle, Audrey et l’ensemble de la famille veillent aux transformations qui se poursuivent : après les nouveaux cuvier et chai à barriques en 2009, une nouvelle salle de dégustation, les bureaux et une nouvelle boutique, ils comptent faire une belle salle de réception et terminer par un aménagement paysager de la cour et de l’entrée du château. « Ca fait déjà 10 ans de travaux, on va en avoir encore pour 10 ans », confie Audrey Lauret.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Pascal Lécuyer et Olivier Pallas :