Ils sont venus durant 4 jours à Bordeaux. 4 jours pour visiter le nouveau château acheté par le milliardaire chinois Mr Zhou, sillonner la région et évoquer de futurs investissements dans d’autres vignobles lors d’un colloque hors normes. Une démonstration de force et des échanges cordiaux avec les responsables des syndicats viticoles et de l’interprofession.
En ce mercredi matin, deux autocars déposent place de la Bourse de nombreux Chinois ; aussitôt, selfies, clichés et autres photos immortalisent leur venue, ce devant la fontaine des Trois Grâces ou encore devant deux gigantesques bouteilles de vin, disposées devant l’entrée du Palais de la Bourse : on pourrait les prendre pour des touristes, mais ce sont des investisseurs chinois !
Ils sont en effet une petite centaine à avoir fait le voyage depuis Guangzhou (Canton). Ils sont venus à l’invitation de Xijian Zhou, un milliardaire chinois, homme d’affaires, à la tête du Groupe Daohe, un groupe spécialisé dans le domaine de la santé, mais pas seulement, car il touche aussi aux transports, au cinéma et aux vins et spiritueux avec notamment sa filiale Daohe Wines & Spirits, qui est importatrice et distributrice de vins dans toute la Chine.
D’abord, on souhaitait acheter un beau château avec un très bon terroir. Et si l’essai est concluant, on pense investir en France ou à l’étranger dans d’autres domaines viticoles », Xijian Zhou PDG groupe Daohe.
C’est pour eux un grand jour. Un sommet au sommet ! Le groupe Daohe et sa filiale Daohe Wines organisent, avec leurs actionnaires, un colloque sur les investissements en France et particulièrement à Bordeaux. A cette occasion, une grande partie de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Bordeaux a été louée : le Grand Hall du Palais de la Bourse ainsi que de nombreux salons du XVIIIe siècle dans les étages. Avec cette image d’un autre temps car pour les accueillir, ce sont pas moins de 16 hôtes et hôtesses qui se sont déguisés en marquis et marquises. Ils attirent les regards enchantés des Chinois, tant dans les salons que dans le grand escalier. Pour nous français, cela peut paraître « to much », mais les Chinois sont en fait très fans de notre histoire de France, de l’art de vivre à la française et de tous ces attributs de cette époque quelque peu éloignée pour nous.
Mr Zhou est en tout cas venu pour montrer son investissement dans le vignoble : en juin dernier, il a fait l’acquisition du Domaine de Courteillac à Ruch en Gironde. Une propriété de 27 hectares dans l’Entre-deux-Mers, détenue jusqu’ici par Dominique Méneret.
Cette année, on a fait 14 transactions. Après l’achat de Jack Ma, il y a eu une demande forte des Chinois », Lijuan Li chargée de transactions Christie’s.
Michel Rolland, qui travaille avec ce domaine, a tenu à souligner l’évolution fantastique de ces vins depuis les années 70 : « j’ai vu l’évolution de ce cru avec Dominique Méneret, et je partage tous les compliments qui ont été fait sur ce terroir. Bordeaux est absolument ravi de cette acquisition et nous sommes derrière vous pour vous aider à faire la promotion de votre Bordeaux mais aussi de tous les Bordeaux en Chine. »
Un domaine qui est aussi conseillé par Stéphane Derenoncourt et Frédéric Massy depuis 2001 : « la réputation du domaine est loin d’être usurpée.C’est un vin original, issu d’un grand terroir, sur un plateau argilo-calcaire, c’est exactement le sol que l’on retrouve sur le plus beau secteur de l’appellation Saint-Emilion. »
Un vin qui va être distribué en Chine mais aussi continuer à l’être sur ses marchés traditionnels comme me le confirme Antoine Clément, le beau-fils de Dominique Méneret. Ce-dernier va continuer à s’occuper avec sa maison de négoce DMA à distribuer les vins de la propriété en France, Belgique, Luxembourg, Turquie, Irlande (et notamment sur Air Lingus). 20% à l’export et 80 % en France avec les deux marques Domaines de Courteillac et La Croix Bossugan.
Aujourd’hui, on en est à 143 châteaux achetés par des Chinois en France, 135 à Bordeaux, il y a de plus en plus de millionnaires chinois », Laurence Lemaire auteure « Le Vin, le Rouge, La Chine »
Et d’ajouter : « ils viennent là où il y a l’art de vivre, la qualité française qu’ils aiment et toute la beauté de ce magnifique pays que nous avons. »
Faut-il pour autant avoir peur de toutes ces acquisitions réalisées depuis 2008 par les Chinois et qui n’ont jamais cessé ? Hervé Grandeau, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux déclare : « il faut se satisfaire très fortement de toutes ces acquisitions au contraire, même si certains de nos collègues s’offusquent de voir partir près de 150 propriétés aux mains des Chinois. »
« A Bordeaux, il y a toujours eu des cessions à des étrangers. Que dirions-nous, s’ils achetaient des vignobles en Espagne, en Italie ou en Argentine, cela ferait un tort terrible aux vins de Bordeaux en Chine. Qu’ils se rapprochent de leur sourcing, renforce le sourcing ! Cela va avoir aussi un impact sur la valorisation de nos propriétés. »
Après l’acquisition du Domaine de Courteillac, le groupe Daohe souhaite ainsi développer ses investissements dans le vignoble bordelais, établir une plateforme d’échanges économiques avec la France dans ce secteur et promouvoir les vins de Bordeaux auprès des consommateurs chinois.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Sylvie Tuscq-Mounet :