Merlot, Syrah, Cabernet, Chardonnay… Un vignoble inattendu, perché à 1.600 m d’altitude. C’est le groupe Castel qui s’est lancé dans l’aventure vinicole en Ethiopie. Cette année, il sort sa première cuvée.
Dans un pays souvent associé à la sécheresse et la famine, quand l’Ethiopie rencontre l’utopie de faire du vin dans une contrée marquée par la sécheresse. Un rêve un peu fou mais bien tenté et bien joué par le groupe de Pierre Castel, 87 ans, 10e fortune de France. Un fameux groupe propriétaire de nombreux vignobles, de châteaux et de domaines au Maroc et en Tunisie. Grâce à Baron de Lestac, Vieux Papes et Roche Mazet, le groupe, également propriétaire du caviste Nicolas, est devenu le N°1 français et le N°3 mondial du vin.
C’est en 2007 qu’il s’est lancé dans l’aventure vinicole éthiopienne. Une aventure déjà ouverte avec celle de la bière et St Georges qu’il brasse sur place depuis 1998 -groupe également n°2 de la bière et des boissons gazeuses en Afrique. Le groupe a investi près de 100 millions d’euros ces dernières années dans trois brasseries. Il produit 2 800 000 hectolitres de bière par an.
Aujourd’hui, il exploite, au bout d’une route défoncée, 160 hectares de vigne. Le groupe français Castel en a tiré cette année sa première cuvée. Cocorico.
C’est l’homme fort de l’époque, le Premier ministre Meles Zenawi, décédé en 2012, qui a demandé au groupe français de se lancer dans la production d’un vin éthiopien de qualité destiné à l’exportation. Quand l’utopie est ainsi devenue réalité en pays d’Ethiopie.
Soucieux d’attirer les investissements étrangers dans le cadre d’un plan d’industrialisation massif destiné à faire de l’Ethiopie un pays à revenu intermédiaire d’ici 2025, Zenawi pensa que le vin est susceptible d’améliorer l’image de son pays.
Les gens qui vivent hors d’Ethiopie ont en mémoire la sécheresse en Ethiopie,il y a une dizaine d’années », explique le ministre de l’Industrie Ahmed Abtew. « Mais quand ils voient un vin « made in Ethiopie », oh!, leur état d’esprit change immédiatement ! »
La tradition vinicole en Ethiopie remonte à la première moitié du XXe siècle, sous le règne de l’empereur Haile Selassie, qui régna de 1930 à 1974 (à l’exceptiond’un exil de 1936 à 1941 lors de l’invasion italienne). Mais les vignobles éthiopiens furent nationalisés par le régime militaire du Derg(1974-1991) et intégrés dans un monopole d’Etat, Awash Wine, qui produit des vins adaptés au goût local pour les breuvages sucrés et sirupeux, pour le moins éloignés des normes oenologiques mondiales.
En 2007, le groupe Castel fait le choix d’investir 20 millions d’euros dans le premier vignoble à capitaux étrangers en Ethiopie. Il plante à Ziway, à 160 km au sud d’Addis Abeba, des cépages français importés.
Ici les vignes profitent de conditions propices: un sol sablonneux et une saison des pluies courte, sans parler de la main d’oeuvre abondante et bon marché.
Il n’est pas difficile de faire du vin parce que le climat est bon, il ne fait pas trop chaud »,selon Olivier Spillebout, oenologue et responsable du vignoble Castel dans la localité de Ziway.
Le site comprend une unité de vinification, avec des cuves modernes en inox et des barriques en bois.
Et le miracle Castel en Ethiopie porte le doux nom de « Rift Valley », son monocépage rouge (haut de gamme) (Merlot, Syrah ou Cabernet-Sauvignon) ou blanc (Chardonnay), et un autre petit miracle « Acacia », vin d’assemblage.
1,2 million de bouteilles produites en 2014 sont destinées pour moitié à l’exportation (surtout vers les Ethipiens émigrés en Amérique du Nord, en Europe et en Afrique de l’Est), et l’autre vise le marché intérieur et la classe moyenne en plein essor, avide de vins de qualité à des prix abordables.
Les vins Acacia et Rift Valley sont vendus entre 5 et 7 euros, de meilleur marché que les vins de qualité comparable voire inférieure – importés d’Afrique du Sud ou d’Italie.
Près du quart de la première cuvée cette année a déjà trouvé preneur depuis avril, dont 24.000 bouteilles achetées par un importateur chinois. Castel estime pouvoir engranger ses premiers bénéfices vers 2016, mais envisage déjà d’agrandir le vignoble, avec pour objectif les trois millions de bouteilles à l’année. Olivier Spillebout pense que l’Ethiopie pourrait devenir le premier producteur et exportateur de vin du continent.
C’est pour l’heure ambitieux et un peu présomptueux car la 1ère place est actuellement occupée par l’Afrique du Sud: en 2013, elle a produit plus de 900 millions de litres de vin. Mais ne dénigrons pas cette belle initiative: le pari était osé, il est réalisé. La Chine ne buvait, ni ne produisait pas vraiment de vin il y a 20 ans et même il y a 10 ans elle était très très loin, elle est aujourd’hui au 5e rang mondial, bleuffant les plus grands. Alors pourquoi pas l’Ethiopie, aussi.
JPS avec AFP et ambassade de France en Ethiopie – Pour aller plus loin: inauguration du vin Castel en Ethiopie Et également présentation du Groupe Castel