C’était ce mardi soir l’avant-première de « la Chine Boit Rouge ». La projection de ce documentaire co-produit par France 3 Aquitaine s’est déroulée au CAPC à Bordeaux devant un parterre de 160 acteurs de la filière vin. Un coup de projecteur dans les châteaux rachetés par les Chinois, une explication de leur goût prononcé pour le vin rouge et notamment le Bordeaux. Un docu à voir le 21 juin à 15h25 et le 27 juin à minuit sur France 3 Aquitaine.
Dans un film, un documentaire, il faut bien un début, il y a toujours un début…Béatrice Cateland a choisi de raconter le début de cette invasion chinoise en Bordelais à travers Tommy Shan, le chef chinois du restaurant au Bonheur du Palais, l’un des pionniers à s’être implanté dans la région.
Une forme de clin d’oeil car elle joue durant ce 52 minutes sur les accords mets et vins, et notamment de la cuisine chinoise avec les vins de Bordeaux. Une métaphore aussi puisqu’elle va expliquer à travers les différents témoignages recueillis que les Chinois ont un palais particulièrement bien éduqué à la dégustation de nos vins rouges…
Ils ont un palais qui est formé, ce qui nous rassemble c’est le palais, c’est le goût », confie ainsi Hubert de Boüard, le propriétaire d’Angelus. « Il y a un véritable lien, une interconnexion de nos cultures, un partage du goût et de la culture entre nous »
Hubert de Boüard, c’est un peu le fil rouge de « la Chine Boit Rouge », son analyse est ainsi bue et dégustée par la réalisatrice sans modération. Mais il faut dire qu’avec son 1er Grand Cru Classé A depuis 2012 à Saint-Emilion, il parcourt la planète entière et connaît bien les Chinois, même s’il avoue « Il y a 700 villes en Chine qui font plus de 700 000 habitants, la vague Chinoise est un tsunami, elle est plus grosse que toutes les autres, il me faudrait 4 vies pour connaître ce pays ».
Et de rappeler cette anecdote qui l’a particulièrement marquée: un jour un Chinois est venu et il voulait acheter les 90 000 bouteilles d’Angelus, bref acheter toute la récolte: « là, ça peut faire peur »! dixit Hubert de Boüard.
Evidemment, ça peut faire peur, mais à vendre aujourd’hui 25 % des exportations de vins en Chine, l’ensemble du monde du vin de Bordeaux joue à se faire peur tout seul…surtout comme en 2013 où il y a eu une baisse de 16% en volume, 18% en valeur des ventes en Chine, et que d’après certains négociants que j’ai interviewé récemment les ventes pourraient marquer le pas d’environ 50 % ces derniers temps…(mais cela reste l’analyse de Côté Châteaux.)
Car le documentaire retrace les prémices de cette déferlante chinoise avec le premier château acheté en 2008 par une jeune héritière de 22 ans Daisy Cheng: son choix s’est porté sur un château aux allures de conte de fée, Latour-Laguens. Un Bordeaux Supérieur véritable marque acheté par cette jeune Chinoise pour être sa figure de proue en Chine. Les témoignages sur cette première aventure du chef d’exploitation et du régisseur sont assez éloquents. Toutefois, Sophie Roussov, première régisseuse qui a accompagné les premiers pas avec Stéphane Toutounji l’oenologue auraient été tout aussi pertinents. Car Mlle Cheng a souhaité faire un hôtel de luxe dans ce château, puis ces travaux ont été quelque peu stoppés avant de reprendre…La volonté était aussi de faire des vins très boisés pour tendre vers les très grands vins de Bordeaux, avec une qualité qu’elle a essayé avec son oenologue de tirer vers le haut.
Dans ce château comme dans d’autres aux mains des Chinois, on apprend que toute la production est commercialisée en Chine. Ce que l’on voit également mais sans s’appesantir, c’est que les Chinois forcent le trait notamment à Latour-Laguens: ainsi, sur leurs barriques, ainsi que sur les étiquettes l’effigie de Napoleon peint par David a été reproduite…car les Chinois raffolent en fait de l’Histoire de France, c’est ainsi que les propriétés usent et abusent de couronnes sur les étiquettes et des images de Napoléon ou des maréchaux d’Empire…
En 2012, Jinshan Zhang, à la tête du groupe NingXia, premier fabricant de Gouqi, un alcool chinois, vient de faire ses emplettes dans le Bordelais avec le rachat du château Grand Mouëys, une cinquantaine d’hectares en AOC Côtes-de-Bordeaux.
Il avoue que « quand il a vu le château la 1ère fois il a été fasciné », désormais il veut « rester ici le plus longtemps possible car le paysage y est aussi très joli ».
Tantôt les Chinois ont été séduits par l’architecture, comme Lam Lok ce milliardaire au destin tragique au château de la Rivière en Fronsac, tantôt ils voulaient acheter des noms qui ressemblent le plus possible aux Ferraris du Bordelais: Latour-Laguens pour Latour, Lafitte-Laguens qui rappelle Lafite-Rothschild…ou encore Richelieu en AOC Fronsac pour s’offrir pourquoi pas le Cardinal !
Autres fins analystes de l’arrivée des Chinois en Bordelais, Christophe Château, directeur communication du CIVB, Jean-Luc Thunevin, négociant et propriétaire de Valandraud à Saint-Emilion et Christophe Reboul-Salzes, Président de The Wine Merchant. Ils ont été interviewés lors de Vinexpo Bordeaux 2013, côte à côte assis sur 3 tabourets. « Sur le plan fidélité et amitié, moi ils m’ont surpris », livre Christophe Reboul-Salzes, qui fut aussi surpris un beau jour d’avoir une commande ferme de 11 millions d’euros d’un richissime chinois…
Et l’on apprend, comme expliqué au début du propos, que ces Chinois savent apprécier le vin car dans le thé, c’est comme dans le vin, il y a des tanins… Hubert de Boüard renchérit: « je suis frappé par cette curiosité des Chinois. Une curiosité qu’on a oublié en Suisse, en Belgique ou en Grande-Bretagne, elle s’est évaporée… » (attention, ça va déplaire à James Bond …)
Après avoir dégusté une Chinese Party, organisée au moment de Vinexpo par les Bordeaux et Bordeaux Sup au château Lafitte-Laguens (on aurait pu rappeler que ce château a quasiment été vendu à des Chinois, mais c’est Vincent Bonhur et son frère, deux Bordelais qui ont raflé la mise au final à Yvrac…), la fin du film se passe au château Guiraud où l’on retrouve le chef Tommy Shan. La boucle est bouclée, le chef a préparé ses spécialités chinoises qui se marient parfaitement avec les vins rouges et les Sauternes. Et Xavier Planty de préférer ce type de mariage plutôt que le traditionnel mariage des fromages et des rouges: à proscrire désormais en France. Et oui, il va falloir s’habituer à ces accords mets et vins, et à manger davantage chinois en Bordelais, car rappelez-vous, « cette vague est un tsunami ! »
Et Côté Châteaux de préciser qu’en Chine, il y aurait actuellement 300 milliardaires et 1 million de millionnaires, de quoi prétendre à devenir châtelain chinois en Bordelais…
Un documentaire réalisé par Béatrice Cateland
Coproduction : Prismedia et Real Productions – France 3 Aquitaine avec la participation du CNC
« La Chine Boit Rouge » à voir le 21 juin à 15h25 et le 27 juin à minuit sur France 3 Aquitaine.