Bandes de fainéants ! Vous ne pensez qu’à déguster un petit vin blanc, à siroter un petit rosé au bord de la piscine alors que pendant ce temps les vignerons et ouvriers viticoles se cassent le dos dans les rangs de vigne pour vous ! Pour que vous puissiez apprécier ce millésime 2014 qui s’annonce de bonne facture…Côté Châteaux laisse la plume à Nicolas Lesaint en plein travail ingrat…Il bine et écrit « à chacun ses Mr Bean » sur son blog Reignac: dela vigne au vin C’est bine vu, Mr Nicolas Bean !
A chacun ses Mr Bean
Bon, quand on est viticulteur que l’on parle du millésime en cours et que les autres nous coûtent, on doit toujours avoir l’impression de se répéter mais que voulez vous, les années se suivent et parfois nous laissent comme un goût de jamais vu.
Un démarrage lent puis ça reprend, puis ça se calme et de nouveau la pousse repart…
Alors on lève, puis on attend.
Tiens si on épamprait un peu.
Puis on attend.
Puis ça se remet à pousser. Alors on relève.
Puis on décide d’arrêter les saisonniers pendant quelques jours, histoire qu’ils fassent le pont pendant qu’on traite.
C’est la première année où je me retrouve à stopper des saisonniers en saison pour cause de travaux de petites façons à jour. Lorsque l’on regarde les courbes de développement végétatifs des différents millésimes on voit bien que 2014 marque des paliers de pousses et que désormais nous nous retrouvons sur des niveaux de développements équivalents à 2012.
La fleur malgré tout s’enclenche bien, en particulier sur les terroirs chauds. Nous devons être à 40 et 50% de floraison, le beau temps est annoncé, mis à part aujourd’hui, et les températures remontent. Bon, il est certain que le risque est d’avoir une accélération de pousse pile poil à ce moment, mais on ne peut pas tout avoir et il faut bien que le viticulteur, enfin moi, ait peur de quelque chose.
Déjà, la pousse étant un peu moins importante que d’habitude, nous ne nous trouvons pas dans une situation où il faut rogner avant que la fleur ne soit passée. Ce qui est là aussi de bon augure pour la réussite de cette floraison.
Rogner sur la fleur c’est déstabiliser totalement les flux de sève qui se réorganisent alors pour stimuler la pousse végétative des entrecœurs au détriment des fragiles fleurs.
C’est déjà ça de positif par rapport à la floraison de 2013. Les équilibres minéraux étant en plus bien meilleurs que ceux du millésime précédent, tout devrait mieux se passer pour l’ensemble de la profession…
On ne le répétera jamais assez travailler mécaniquement le dessous des rangs n’est pas une mince affaire et trop souvent lorsque l’on pense avoir trouvé une bonne organisation pour réussir à faire ce que l’on souhaite, c’est le manque de main d’oeuvre, la casse mécanique ou les conditions climatiques qui vous rappellent à la dure réalité : Mon p’tit Nico t’es pas encore le roi de la gratouille !
En plus quarante hectares en travail mécaniques à 6600 pieds par hectares pour deux tractoristes cela relève du défit technique et sportif. Mais on m’a toujours montré qu’au ski il fallait pratiquer juste au dessus de son niveau avec des partenaires légèrement plus expérimentés que soit pour progresser. Je ne doute donc pas que cet objectif fixé en début de saison nous poussera à nous surpasser et à trouver de nouvelles solutions…
En attendant, pensez à nous parce qu’on a bien l’impression quelques fois de passer notre temps à brasser de la terre dans tous les sens et pour certains de souder des bouts de ferraille sur des lames suivant des idées tout droit sorties de mes cauchemars nocturnes…
Mais des fois, ça paye.
Il nous reste juste à mieux comprendre nos sols pour s’adapter à eux dans l’enchaînement des façons et arrêter, il faut bien se l’avouer quand même des fois, de balader les interceps en ce disant qu’il faut encore les modifier parce que ça ne va pas.
Quoi qu’il arrive, de toute façon ma vision de l’herbe sous les rangs a bien changé en quatre années et je ne la vois définitivement plus comme un ennemi en puissance tapis dans l’ombre n’attendant qu’une période pluvieuse pour nous envahir et monter dans les pieds, mais définitivement comme l’allier d’un équilibre biologique de la parcelle qu’il faut utiliser de plus en plus. Reste à concilier l’envie de conserver un couvert végétal et une présentation cultural correcte. Fini les cavaillons nus et les inter-rangs désertiques, bonjour à un enherbement à la Mister Bean, un peu sauvage, un peu fantasque mais toujours avec une profondeur et un intérêt à être regardé et écouté…
Comme peuvent l’être ces grandes Graminées dégingandées ou ces Erigérons plumeux en fin de saison plaqués contre les piquets de palissages qui vous lancent des œillades craintives de peur d’être repérées dans leur flegme botanique.
Bon, tant qu’il n’y a pas de dinde à farcir ou de mini à conduire pour tondre, tout va bien…
Alors oui, on n’est pas encore assez efficaces, ça c’est certain, on progresse, là aussi c’est indubitable, mais lorsque l’on voit malgré tout le résultat en réussissant à tourner plus d’une journée sans casse, on peut être content de nous.
C’était ce mardi soir l’avant-première de « la Chine Boit Rouge ». La projection de ce documentaire co-produit par France 3 Aquitaine s’est déroulée au CAPC à Bordeaux devant un parterre de 160 acteurs de la filière vin. Un coup de projecteur dans les châteaux rachetés par les Chinois, une explication de leur goût prononcé pour le vin rouge et notamment le Bordeaux. Un docu à voir le 21 juin à 15h25 et le 27 juin à minuit sur France 3 Aquitaine.
Dans un film, un documentaire, il faut bien un début, il y a toujours un début…Béatrice Cateland a choisi de raconter le début de cette invasion chinoise en Bordelais à travers Tommy Shan, le chef chinois du restaurant au Bonheur du Palais, l’un des pionniers à s’être implanté dans la région.
Une forme de clin d’oeil car elle joue durant ce 52 minutes sur les accords mets et vins, et notamment de la cuisine chinoise avec les vins de Bordeaux. Une métaphore aussi puisqu’elle va expliquer à travers les différents témoignages recueillis que les Chinois ont un palais particulièrement bien éduqué à la dégustation de nos vins rouges…
Ils ont un palais qui est formé, ce qui nous rassemble c’est le palais, c’est le goût », confie ainsi Hubert de Boüard, le propriétaire d’Angelus. « Il y a un véritable lien, une interconnexion de nos cultures, un partage du goût et de la culture entre nous »
Hubert de Boüard, c’est un peu le fil rouge de « la Chine Boit Rouge », son analyse est ainsi bue et dégustée par la réalisatrice sans modération. Mais il faut dire qu’avec son 1er Grand Cru Classé A depuis 2012 à Saint-Emilion, il parcourt la planète entière et connaît bien les Chinois, même s’il avoue « Il y a 700 villes en Chine qui font plus de 700 000 habitants, la vague Chinoise est un tsunami, elle est plus grosse que toutes les autres, il me faudrait 4 vies pour connaître ce pays ».
Et de rappeler cette anecdote qui l’a particulièrement marquée: un jour un Chinois est venu et il voulait acheter les 90 000 bouteilles d’Angelus, bref acheter toute la récolte: « là, ça peut faire peur »! dixit Hubert de Boüard.
Evidemment, ça peut faire peur, mais à vendre aujourd’hui 25 % des exportations de vins en Chine, l’ensemble du monde du vin de Bordeaux joue à se faire peur tout seul…surtout comme en 2013 où il y a eu une baisse de 16% en volume, 18% en valeur des ventes en Chine, et que d’après certains négociants que j’ai interviewé récemment les ventes pourraient marquer le pas d’environ 50 % ces derniers temps…(mais cela reste l’analyse de Côté Châteaux.)
Car le documentaire retrace les prémices de cette déferlante chinoise avec le premier château acheté en 2008 par une jeune héritière de 22 ans Daisy Cheng: son choix s’est porté sur un château aux allures de conte de fée, Latour-Laguens. Un Bordeaux Supérieur véritable marque acheté par cette jeune Chinoise pour être sa figure de proue en Chine. Les témoignages sur cette première aventure du chef d’exploitation et du régisseur sont assez éloquents. Toutefois, Sophie Roussov, première régisseuse qui a accompagné les premiers pas avec Stéphane Toutounji l’oenologue auraient été tout aussi pertinents. Car Mlle Cheng a souhaité faire un hôtel de luxe dans ce château, puis ces travaux ont été quelque peu stoppés avant de reprendre…La volonté était aussi de faire des vins très boisés pour tendre vers les très grands vins de Bordeaux, avec une qualité qu’elle a essayé avec son oenologue de tirer vers le haut.
Dans ce château comme dans d’autres aux mains des Chinois, on apprend que toute la production est commercialisée en Chine. Ce que l’on voit également mais sans s’appesantir, c’est que les Chinois forcent le trait notamment à Latour-Laguens: ainsi, sur leurs barriques, ainsi que sur les étiquettes l’effigie de Napoleon peint par David a été reproduite…car les Chinois raffolent en fait de l’Histoire de France, c’est ainsi que les propriétés usent et abusent de couronnes sur les étiquettes et des images de Napoléon ou des maréchaux d’Empire…
En 2012, Jinshan Zhang, à la tête du groupe NingXia, premier fabricant de Gouqi, un alcool chinois, vient de faire ses emplettes dans le Bordelais avec le rachat du château Grand Mouëys, une cinquantaine d’hectares en AOC Côtes-de-Bordeaux.
Il avoue que « quand il a vu le château la 1ère fois il a été fasciné », désormais il veut « rester ici le plus longtemps possible car le paysage y est aussi très joli ».
Tantôt les Chinois ont été séduits par l’architecture, comme Lam Lok ce milliardaire au destin tragique au château de la Rivière en Fronsac, tantôt ils voulaient acheter des noms qui ressemblent le plus possible aux Ferraris du Bordelais: Latour-Laguens pour Latour, Lafitte-Laguens qui rappelle Lafite-Rothschild…ou encore Richelieu en AOC Fronsac pour s’offrir pourquoi pas le Cardinal !
Autres fins analystes de l’arrivée des Chinois en Bordelais, Christophe Château, directeur communication du CIVB, Jean-Luc Thunevin, négociant et propriétaire de Valandraud à Saint-Emilion et Christophe Reboul-Salzes, Président de The Wine Merchant. Ils ont été interviewés lors de Vinexpo Bordeaux 2013, côte à côte assis sur 3 tabourets. « Sur le plan fidélité et amitié, moi ils m’ont surpris », livre Christophe Reboul-Salzes, qui fut aussi surpris un beau jour d’avoir une commande ferme de 11 millions d’euros d’un richissime chinois…
Et l’on apprend, comme expliqué au début du propos, que ces Chinois savent apprécier le vin car dans le thé, c’est comme dans le vin, il y a des tanins… Hubert de Boüard renchérit: « je suis frappé par cette curiosité des Chinois. Une curiosité qu’on a oublié en Suisse, en Belgique ou en Grande-Bretagne, elle s’est évaporée… » (attention, ça va déplaire à James Bond …)
Après avoir dégusté une Chinese Party, organisée au moment de Vinexpo par les Bordeaux et Bordeaux Sup au château Lafitte-Laguens (on aurait pu rappeler que ce château a quasiment été vendu à des Chinois, mais c’est Vincent Bonhur et son frère, deux Bordelais qui ont raflé la mise au final à Yvrac…), la fin du film se passe au château Guiraud où l’on retrouve le chef Tommy Shan. La boucle est bouclée, le chef a préparé ses spécialités chinoises qui se marient parfaitement avec les vins rouges et les Sauternes. Et Xavier Planty de préférer ce type de mariage plutôt que le traditionnel mariage des fromages et des rouges: à proscrire désormais en France. Et oui, il va falloir s’habituer à ces accords mets et vins, et à manger davantage chinois en Bordelais, car rappelez-vous, « cette vague est un tsunami ! »
Et Côté Châteaux de préciser qu’en Chine, il y aurait actuellement 300 milliardaires et 1 million de millionnaires, de quoi prétendre à devenir châtelain chinois en Bordelais…
Un documentaire réalisé par Béatrice Cateland Coproduction : Prismedia et Real Productions – France 3 Aquitaine avec la participation du CNC
« La Chine Boit Rouge » à voir le 21 juin à 15h25 et le 27 juin à minuit sur France 3 Aquitaine.