50 tracteurs, 200 vignerons sont sortis des vignes pour protester et dire qu’ils sont des « oubliés ». Ni le gouvernement, ni les collectivités locales, ni l’interprofession ne leur sont venus en aide de manière significative après les orages de grêle de 2013.
Ils se sont donnés rendez-vous à Branne et à Saint-Magne-de-Castillon vers 9 heures, ce matin. Certains le visage marqué par des années de labeur à la vigne, d’autres au contraire, la frimousse toute lisse d’un avenir qui aurait pu être prometteur. Deux petits bouts, fils de vignerons, dont l’un porte fièrement une pancarte « en grève » devant une énorme et vieille machine à vendanger (preuve qu’à Bordeaux tous ne roulent pas sur l’or!)
En file indienne, les tracteurs et camionnettes ont effectué une opération escargot, puis un concert de klaxons devant la sous-préfecture de Gironde pour saluer les aides tant attendues depuis la visite dans les vignes sinistrées le 30 Août dernier de Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture. Un arrêt de plus de deux heures à Libourne, avec une succession d’interventions sur une estrade installée sur la place centrale en face de la Mairie aura au moins permis au brouillard persistant à laisser place à un soleil rayonnant. Preuve que les choses peuvent s’arranger…
Au retour, la délégation reçue par le sous-préfet a dressé le topo : « remontez-moi l’information, car nous ne savons rien », selon Loïc De Roquefeuille, vice-président de SOS vignerons Sinistrés, qui s’exprime sur l’estrade. Et il poursuit sur l’entretien de 45 minutes avec le représentant de l’Etat. « On est prêt à faire quelque chose mais à ce jour, on n’a reçu qu’un seul dossier. Allez vers les banques, les garanties, c’est l’Etat qui va vous les donner. L’Etat pourrait être là comme caution auprès des banques. » Pour SOS Vignerons Sinistrés, ils seraient 500 vignerons en grandes difficultés. Aussi ils se disent que la prochaine fois, il va falloir être plus nombreux et parler un peu plus fort. « La prochaine étape, ce sera le préfet ! »
Les élus de Libourne sont tous là, le maire PS, Philippe Buisson, mais aussi le député UMP, Jean-Paul Garraud, qui se présent contre lui, et Florent Boudié, l’autre député PS qui a toujours, aussi, une oreille attentive et est monté au créneau pour les défendre, quitte à se faire taper sur les doigts par François Hollande, car c’est bien connu, il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’Etat.
Les aides directes de l’Etat sont insuffisantes, il faut inventer un système de solidarité nationale, ici en Gironde et partout ailleurs en France qui permet de pallier cette difficulté, dans l’urgence ! », selon Florent Boudié Député PS de Gironde.
Au chapitre des absents, l’interprofession, en l’espèce le CIVB. Mis à part un drap hissé sur la vendangeuse « vengeresse » où il est inscrit « Farges dégage » (un slogan qui rappele les printemps arabes, pas forcément du meilleur goût mais cela traduit le désarroi), pas de représentant du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux.
Le CIVB ne souhaite plus répondre à leurs critiques.
Lors d’une réunion en décembre, le Président du CIVB leur avait précisé qu’il était réglementairement « impossible d’utiliser les caisses du CIVB pour des aides directes », Bernard Farges a écarté la possibilité de toute baisse des CVO. Avec la petite récolte qui s’annonce (3,9 millions hectolitres) et la baisse des sorties de chais, le budget du CIVB se trouverait déjà amputé de 4 millions d’euros pour 2014.
Toutefois le vice-président de SOS Vignerons, Loïc de Roquefeuil souhaite « même s’ils ne nous donnent pas d’aides directes, au moins qu’on nous supprime momentanément les taxes, la Mariane sur les capsules qui représente 25 centimes sur chaque bouteille. »
Et d’entonner en coeur à la fin de leur rassemblement le chant des partisans façon vignerons sinistrés: « amis entends-tu le coeur du vigneron comme il saigne ! »
Reportage Jean-Pierre Stahl et Bernard Hostein-Aris