19 Jan

Vin : difficile d’accorder les violons entre le ministre de l’Agriculture et la ministre de la Santé

On a vu cette semaine une nouvelle passe d’armes entre Didier Guillaume et Agnès Buzyn. Le premier déclarant que le vin n’est « pas un alcool comme les autres », la seconde rétorquant « on ne peut pas banaliser la consommation d’alcool ». Qui a tort, qui a raison ? C’est un débat vieux comme le monde, avec ses détracteurs et ceux qui disent qu’il faut nuancer. 

Dans un orchestre, il y a plusieurs instruments, un peu comme dans un gouvernement, mais il faut savoir accorder les violons, surtout quand le chef d’orchestre donne le la…Emmanuel Macron, en marge du Salon de l’agriculture avait annoncé l’an dernier qu’il n’y aurait pas de durcissement de la loi Evin,

Didier Guillaume, le Ministre de l’Agriculture © France 3

Allez pour revivre la passe d’armes de cette semaine voici les instants choisis entre Didier Guillaume, qui a enflammé la toile chez certains médecins et autres opposants au vin, et Agnès Buzyn, toujours prête à durcir le ton.

LES DECLARATIONS DE DIDIER GUILLAUME 

« Je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres », a déclaré Didier Guillaume mercredi sur le plateau de BFMTV. « L’addiction à l’alcool est dramatique, et notamment dans la jeunesse, avec le « binge drinking », etc. C’est dramatique, mais je n’ai jamais vu, à ma connaissance, malheureusement peut-être, un jeune qui sort de boîte de nuit, et qui est saoul, parce qu’il a bu du côtes-du-rhône », a ajouté le ministre, estimant que les jeunes buvaient plutôt « des mélanges » ou « de l’alcool fort ».

LES REACTIONS DE MEDECINS SUR LA TOILE

Ces déclarations ont d’autant plus mis le feu aux poudres qu’elles interviennent une semaine après la présentation d’un plan gouvernemental contre les addictions déjà très critiqué par les spécialistes à propos de son volet alcool.

« Quel aveuglement ! M. Guillaume, tous les médecins vous invitent à faire un tour aux urgences un soir de feria ou de beaujolais nouveau. Pour être plus précis, il y a tous les jours des comas éthyliques au vin », a réagi sur Twitter le professeur Michel Reynaud, addictologue et président du fonds actions addictions.

Ce discours du ministre « place surtout la France dans une position intenable et lamentable quand à l’influence du lobby sur nos politiques », a estimé pour sa part le professeur Amine Benyamina, psychiatre spécialiste des addictions, également sur Twitter.

« Contrairement à ce que prétend le ministre de l’Agriculture, les études démontrent que les jeunes se saoulent avec du vin (18%) ou du champagne (25%) selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Le vin est aussi un alcool comme les autres pour se saouler », a déclaré de son côté Bernard Basset, vice-président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie (ANPAA), lui aussi sur Twitter.

Agnès Buzyn, répondant à des questions au Gouvernement, à © l’Assemblée Nationale

AGNES BUZYN APPELLE A NE PAS BANALISER L’ALCOOL

« On ne peut pas banaliser la consommation d’alcool », a réagi vendredi la ministre de la Santé Agnès Buzyn, après les déclarations de son homologue de l’Agriculture pour qui le vin n’est pas « un alcool comme les autres ».

« Si le vin fait partie de notre patrimoine, et qu’en cela on peut considérer qu’il n’est pas un alcool comme un autre et qu’il fait partie de la culture nationale, la molécule d’alcool contenue dans le vin est exactement la même que celle contenue dans n’importe quelle boisson alcoolisée »,
a dit Mme Buzyn sur Franceinfo, indiquant en avoir discuté avec son collègue.

Pour Agnès Buzyn, « on ne peut pas banaliser la consommation d’alcool, qui tue en France près de 50.000 personnes, et ce n’est pas que (du fait) des boissons alcoolisées fortes ».

Interrogée sur le poids du lobby viticole, elle a estimé qu' »il y a du lobbying
partout, et des intérêts partout, dans le monde du tabac, de l’alcool… Le devoir d’un politique est de décider ce qui est bon pour les Français, le seul intérêt est l’intérêt général ».

A propos de la position même du président Emmanuel Macron, qui en marge du Salon de l’agriculture avait annoncé l’an dernier qu’il n’y aurait pas de durcissement de la loi Evin, « j’imagine qu’il fait un choix entre les intérêts de l’agriculture française et les intérêts de santé publique », a-t-elle répondu. « Ça ne m’empêchera pas d’informer les Français qu’il est nécessaire de réduire sa consommation d’alcool. L’alcool est, quel qu’il soit, la deuxième cause de mortalité en France ». Mme Buzyn a expliqué vendredi avoir pris des mesures en mars 2018, à destination des jeunes et des femmes enceintes.

Avec AFP.