Château Latour revient sur sa certification bio annoncée en début de semaine et répond aux questions de Côté Châteaux. Merci à Hélène Genin, directrice technique de château Latour, pour ses réponses publiées dans le blog du vin et la rubrique Parole d’Expert.
JPS : » Depuis quand le Château Latour a-t-il engagé ses premières expérimentations en bio et s’est-il décidé à entamer les démarches de certification ? »
Château Latour : « Les premiers essais en bio ont démarré en 2009 sur des îlots à forte sensibilité maladie et notamment botrytis. Les surfaces ont ensuite été progressivement augmentées pour atteindre la totalité de l’Enclos (47ha) en bio en 2015 (soit la totalité des surfaces pouvant produire du Grand Vin). Le passage sur l’intégralité du Domaine (93 ha) s’est fait en 2016 avec le début de la démarche de certification. »
JPS : « pourquoi avoir souhaité devenir un vignoble bio, est-ce l’avenir, pour répondre à une demande du consommateur, pour préserver la santé de tous (consommateurs, ouvriers viticoles, riverains) ? »
Château Latour : « sur ce sujet, nous sommes dans un processus de transformation continu.
Dès 2007, nous avons expérimenté le passage en bio dans notre vignoble de Bourgogne, le Domaine d’Eugénie et gagné en expérience de ce que ce type de conduite impliquait.
A Château Latour, nous avions déjà réduit l’utilisation des produits phyto sanitaires au strict minimum depuis plus de 20 ans. L’amélioration des connaissances, d’une part, associée à une forte prise de conscience des enjeux environnementaux et sociétaux, d’autre part, et une volonté très forte de la famille Pinault de transmettre ce vignoble aux générations futures dans les meilleures conditions possibles nous a fait accélérer cette démarche.
En parallèle la santé de nos salariés est évidemment une priorité et cette évolution peut y contribuer directement. »
JPS : « ce passage en bio est-il vraiment plus contraignant, risqué (par rapport à l’attaque notamment de mildiou cette année) et a-t-il un vrai surcoût ? »
Château Latour : « Le passage en bio implique effectivement une réorganisation complète du travail à la vigne et une forte mobilisation de nos vignerons sur la période à risque.
Les périodes de très fortes pressions , comme celle que nous avons vécue cette année, nécessitent d’être très bien équipé et d’avoir une équipe vigne fortement impliquée, en veille permanente sur l’ensemble du vignoble et très réactive pendant les phases délicates (y compris les week-ends !).
Il implique aussi que nous sortions d’une certaine « zone de confort » et que nous nous remettions en question pour mener efficacement ces campagnes de lutte ».
JPS : « aujourd’hui certifié bio, allez-vous tendre vers la biodynamie ? »
Château Latour : « Nous pensons que le bio est un passage obligé mais n’est en aucun cas un aboutissement. Nous croyons vraiment en l’intérêt de la biodynamie pour nous permettre notamment d’améliorer la résistance aux pathogènes de nos ceps à travers l’amélioration de l’équilibre de la plante. Avec la réduction probable des doses de molécules autorisées en bio à l’avenir, il nous paraît important de continuer en parallèle à travailler sur des solutions alternatives. »
JPS : « au final, est-ce l’avenir de la viticulture aujourd’hui ? »
Château Latour : « Comme nous le précisons plus haut, nous sommes dans un processus de transformation continue qui ne s’arrête certainement pas aujourd’hui avec notre certification.
Nous allons continuer à évoluer en améliorant nos connaissances sur le végétal, sa conduite et son environnement, en accompagnant la recherche sur les nouveaux produits, leur dosage et leur application, et en utilisant au mieux les nouveaux outils qui seront probablement développés pour l’efficience de ces traitements (détection, analyse, application mécanisée,…).
L’objectif étant de produire des très grands vins par des pratiques naturelles, dans un contexte de développement durable et à faible impact environnemental. »