Jean-Maurice Sacré est un passionné d’histoire. Il est libellocénophile. Il a ainsi constitué une collection unique avec 2000 menus qui ont orné les tables les plus prestigieuses au monde. Une histoire diplomatique et gastronomique, relatée à travers ces dîners, à retrouver jusqu’en février 2017 au Musée des Arts et du Design de Bordeaux.
C’est une sacrée collection que l’on doit à Jean-Maurice Sacré. Il est d’autant plus intéressant de jouer sur les mots, car cette collection est réalisée avec de nombreux menus en l’honneur de têtes couronnées, de grands de ce monde et des présidents de la Ve République, qui n’en sont pas moins devenus aussi des monarques républicains…
« J’ai commencé ma collection, il y a quasiment 30 ans ». Tout démarre avec « un menu que j’ai trouvé dans une brocante, c’était en l’hommage du roi Alphonse XIII d’Espagne, qui datait de 1905. »
C’est un peu un coup de foudre. J’ai eu envie de reconstituer le puzzle des relations diplomatiques à travers les menus qui sont les témoins muets de l’histoire gastronomique », Jean-Maurice Sacré.
Ce parisien a réussi à rassembler durant toutes ses années de passion plus de 2000 menus : « ils ont tous une âme ». Au même titre que les lettres d’époque et des récits laissés par des anonymes ou des personnages publics, ces menus constituent une trace importante de l’Histoire. Ainsi peu après la guerre de 1871, un menu établi par la Commune de Paris, à une époque de disette, servait à un repas étonnant, du rat, du chat et du chien, à une époque où il n’y avait plus rien à manger, « on servait cela comme si on était dans un grand banquet » explique la guide du Musée des Arts et du Design de Bordeaux.
Jean-Maurice Sacré a aussi retrouvé de nombreux menus de la guerre de 1914-1918 : « tous ces menus de l’instantané racontent l’état d’esprit des soldats de la 1ère Guerre Mondiale. » Voici en exemple un menu, servi il y a plus d’un siècle, à Arras le 17 février 1916 : « soupe au fromage, hors d’oeuvre, oeufs brouillés, roti de porc aux choux, entrecôtes grillées, pommes sautées, salade de légumes, desserts. » Il y a juste à côté un autre menu où les Anglais fêtent « Christmas, somewhere in Artois ». Un peu de gaieté dans un monde d’horreurs.
Il y a aussi ce menu, établi bien des années plus tard avec le sauveur de la France lors de la 2e Guerre, devenu Président de la République : « j’ai récupéré le 1er menu du Général de Gaulle où il n’y avait que 10 personnes à table, j’ai eu envie de le partager, j’ai un devoir de partager cette collection. » Une collection unique de menus avec aussi les plans de tables des dîners donnés par le Général De Gaulle à l’Elysée, le 31 mai 1961 et le lendemain à Versailles, en l’honneur du Président américain John-Fitzgerald Kennedy et de son épouse.
C’est une chance extraordinaire, une collection que je partage, c’est la plus belle des richesses »
Cette fabuleuse collection est à admirer au Musée des Arts Décoratifs et du Design, jusqu’au 25 février 2017. Ce sont 170 menus qui y sont exposés depuis une semaine, depuis Bordeaux SO Good.
La concomitance des deux événements était bien vue et montre une fois de plus que Bordeaux peut aussi avoir ce rayonnement culturel.
Alisson Busacca et Dan Belmont, des Américains nouvellement installés à Londres, sont venus une semaine en France et spécialement pour Bordeaux SO Good. Dan avait un « cheese shop » à New-York et était importateur de vins, il est depuis 6 semaines installé à Londres pour Bedales Wines (Borough Market-London). Véritablement emballés par cette visite et par ce menu servi dans l’ancienne prison de la rue Boulan par Nicolas Masse.
Le chef de la Grand’Vigne des Sources de Caudalie, Nicolas Masse **, avait préparé un menu inspiré par ces anciens banquets historiques, intitiulé « l’histoire se met à table », avec notamment le plat qu’il avait réalisé en 2015 pour les chefs d’Etats et de Gouvernement à l’occasion de la COP 21 (« poularde des Landes, confit de céléri farci, crème d’épinards persillés »). Qui sait ces plats ont peut-être influencé l’adoption finale de la COP 21.
La vie est décidément faite de rencontres, et c’est en toute simplicité et en toute convivialité que Jean-Maurice Sacré a pu échanger avec Bernard Vaussion, qui a exercé plus de 40 ans dans les cuisines de l’Elysée, a connu 6 présidents de la République et fût le chef de l’Elysée, de 2005 à 2013. Un échange fructueux avec également Nicolas Masse auquel Bernard Vaussion a fait ce compliment : « c’est nickel, c’est propre et bon. »
Vive la République, vive la France, sa gastronomie, son « Sacré collectionneur » et tous ces gens passionnés.
Exposition à voir au Musée des Arts Décoratifs et du Design à Bordeaux jusqu’au 25 février.