C’était la 1ère visite présidentielle à Vinexpo depuis 34 ans. Une visite où règnait une sérieuse bousculade pour voir ou photographier François Hollande dans les allées de Vinexpo. Le président n’a toutefois pas repris à son compte l’amendement voté en commission à l’Assemblée. Il veut préserver les équilibres de la loi Evin, tout en clarifiant et favorisant l’oenotoursime. C’est clair ? Côté châteaux répond pas vraiment.
Sur la passerelle du lac, ça tanguait, comme promis. Toutefois notre Président qui ne craint pas l’eau a démontré qu’il avait le pied marin…même pas peur. Et c’est en rang d’oignon, que tout ce beau cortège (de près de 400m soit la longueur de la passerelle) a marché sur l’eau vers 11 h ce matin pour rejoindre le hall 1 du parc des expositions depuis le palais des congrès de Bordeaux.
François Hollande était attendu de pied ferme, dans les travées et allées, par l’ensemble de la filière vin, avec ici un Olivier Dauga « le faiseur de vin » qui lui lance « vive les rosés » et François Hollande qui ne manque par d’humour: « vous montrez la couleur en tout cas » (rebondissant sur sa veste toute rose…digne du PS).
Un peu plus loin, un autre accueil fort chalheureux sur le stand bourguignon, de la maison Boisset: « une petite coupe de crémant, Monsieur le Président, pour célébrer l’assouplissement de la loi Evin qu’on attendait tous ! » Mais le président ne goutte guère ni le crémant ni l’allusion car il sait dans son fort intérieur qu’il va garder la loi Evin sur l’essentiel comme il vient juste de le préciser lors de son discours au Palais des Congrès, il y aura des ajustements:
Ma position est simple: nous devons garder les équilibres de la loi Evin, préserver ce qu’elle prévoit aujourd’hui, et s’il y a des précisions, il faut les engager avec de grandes précautions: clarification oui, préservation de la loi Evin oui aussi, oui d’abord ! François Hollande, Président de la République.
Champion du consensus, François Hollande ne veut certainement pas froisser ni sa Ministre de la Santé Marisol Touraine, ni Stéphane le Foll, le ministre de l’Agriculture qui a aussi précisé: « ça marque un soutien à une filière qui valorise les terroirs et les territoirs, car 30% des touristes qui viennent en France motivent leur déplacement par la gastronomie et le vin. Mais en même temps dans le débat qui nous occupe, il y a une question qui est posée sur la santé, sur laquelle il faut être extrêmement clair: on ne peut pas remettre en cause des objectifs de santé publique qui sont ceux du gouvernement et des gouvernements précédents. »
Pourtant, il y avait aussi dans le cortège le député Gilles Savary, qui a pesé de tout son poids à l’Assemblée Nationale pour faire passer l’amendement César en commission jeudi dernier: « ce que nous avons voté, c’est uniquement de sécuriser ce genre de chose: qu’on puisse faire de l’oenotourisme et de la publicité pour l’oenotourisme, sans que ce soit considéré comme une apologie de l’abus d’alcool. »:
Par ailleurs, le Président a bien conscience qu’il faut un nouvel éclairage de cette loi sur laquelle des magistrats ont condamné des journalistes qui avaient écrit certains articles sur le vin. Le ¨Président souhaite préserver « le modèle français de consommation responsable…nous devons absolument le présrever » pour lutter contre l’alcoolisme tout en précisant lors de son discours inaugural que la Loi Evin adoptée voilà 25 ans « n’interdit pas la Publicité sur le vin et les alcools mais les encadre ». Et plutôt sérieusement.
Pour Bernard Farges, le Président du Conseil Interprofesssionnel du Vin de Bordeaux, qui a rencontrer avec les élus et acteurs de la filière le Président une demi-heure avant l’ouverture de Vinexpo: « le Président de la République a tracé le chemin en disant qu’il n’y aurait pas d’assouplissement de la loi Evin, ce que l’on comprend et que l’on accepte, et qu’il fallait clarifier la loi Evin sur les aspects d’information et de communication sur l’oenotourisme. Donc nous allons travailler avec lui et très rapidement pour arriver à cette clarification. »
Déléguée générale de l’association « Vin et Société », Audrey Bourolleau a abondé dans le même sens, précisant: « ce qui doit être préciser doit l’être, c’est bien la demande de la filière vin ne pas avoir plus de droit mais pouvoir informer sur l’oenotourisme comme des beaux projets comme la Cité des Civilisations du Vin à Bordeaux. Nous, maintenant on va être attentif des débats parlementaires, il faut savoir que les parlementaires de tous les partis ont soutenu cette clarification… »
Enfin Alain Juppé a eu un échange un peu vif mais cordial, tout en trinquant avec le Président (peut-être à 2017) et de nous dire: « vous savez qu’à Bordeaux on boit avec modération, c’est un moment de plaisir et il faut poiuvoir continuer à en parler. J’espère que notre Cité du Vin ne deviendra pas la Cité Interdite ! »
Toutefois le Président Hollande a montré un intérêt certain et une ouverture sur l’oenotourisme. En début d’après-midi, il s’est rendu à Marcillac dans le Blayais où il a rencontré les vignerons de Tutiac pour un déjeuner champêtre, un échange avec eux et notamment Stéphane Héraud. Il a ainsi promis de prendre en considération l’oenotoursime qui représente un pan important de notre économie. Bref on sent le Président gêné aux entournures, coincé entre Marie-Sol Touraine, Evin et les « hygiénistes » et la filière viti-vinicole. Cette dernière a tenu à remercier le président pour cette venue et son oreille attentive, toutefois certains m’ont confié que le Président a intérêt à agir rapidement pour clarifier tout cela, car s’il faisait la sourde oreille et n’agissait pas après une telle visite, les vignerons sauraient se rappeler à son bon souvenir.
Reportage de Jean-Pierre Stahl, Olivier Prax et Sarah Paulin