Le tribunal correctionnel de Bordeaux a condamné cet après-midi Hubert de Boüard à 60000 € d’amende, dont 20000 € avec sursis, dans le volet correctionnel du classement de Saint-Emilion, après que 3 châteaux déclassés aient porté plainte en 2013. Philippe Casteja est quant à lui relaxé.
C’est peu avant 14h30 que le jugement, lu par le Président Denis Roucou, est tombé, en salle H du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Hubert de Boüard est condamné à 60 000 € d’amende, dont 20 000 € avec sursis.
Le tribunal relève « les multiples participations d’Hubert de Boüard de la Forest à tous les stades de la procédure qui vont conduire à l’élaboration de la procédure de classement et à son règlement, que cela soit en participant à l’ODG (qu’il présidait) comme à diverses instances de l’INAO dont il est membre d’autant plus que le projet de nouveau règlement a fait de nombreuses navettes entre l’ODG et l’INAO et que nombreuses modifications sont intervenues dans les critères; cette participation active est en partie reconnue par le prévenu, mais elle est surtout confortée par les déclarations de Mr Faugas et les échanges de courriers et de courriels. Le rôle de l’ODG a été prépondérant dans l’élaboration du règlement et il n’apparait aucunement que Mr de Boüard, son président ne se soit mis, à un moment quelconque, en retrait ou se soit déporté. » Le tribunal complète en disposant que « Hubert de Boüard a accompli sciemment les actes matériel de l’infraction en choisissant d’exercer ce cumul de fonctions et en ayant conscience de ses intérêts personnels. »
Et de reconnaître comme il l’avait expliqué au tribunal: » Hubert de Boüard s’est abstenu de voter notamment lors de la séance du 6 septembre 2012″, mais de lui reprocher aussitôt : »il a bien choisi de participer aux différentes séances alors qu’il aurait dû s’abstenir de siéger aux différentes séances, évitant ainsi que son impartialité soit mise en cause. » L’avocate d’Hubert de Boüard, également représentante de Me Vey (Cabinet Dupont-Moretti), avait prévenu ne pas vouloir faire de commentaire ni au début de l’audience, ni après. Hubert de Boüard a 10 jours pour faire appel, s’il le souhaite.
Pour Eric Morain, avocat des parties civiles et des 3 familles des châteaux déclassés tous présents (Corbin Michotte, Croque Michotte et la Tour du Pin Figeac) :
On nous disait qu’il n’était pas possible de faire juger ce type d’affaire à Bordeaux, et il y a eu un procès, on nous disait qu’il n’était pas possible de gagner et il y a eu une condamnation, donc vous pensez bien au bout de 8 années, c’est une satisfaction et un soulagement, » Eric Morain avocat des parties civiles.
Du côté de l’autre prévenu, Philippe Castéja, propriétaire du château Trotte Vieille et membre de l’INAO représentant le négoce, le tribunal l’a relaxé, poursuivi aussi pour « pour prise illégale d’intérêt par charge de mission de service public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance » avec « une présence limitée aux réunions » (de l’INAO) détaillant des « témoignages (d’abord) contradictoires sur sa présence lors de l’examen du dossier par le comité national » puis commentant celui de M. Biau et de Yann Schyler qui ont déclaré que lors de la séance de septembre 2012 « Philippe Casteja et Hubert de Bouard avaient quitté la séance et qu’ils n’ont participé ni au débat ni au vote. »
La position extrêmement prudente que mon client avait observé dans les débats de l’INAO, le retrait qu’il s’était imposé dans les décisions qui concernaient le classement de Saint-Emilion, justifiaient qu’il soit mis hors de cause », Me Jean-Yves Le Borgne avocat de Philippe Casteja.
Pour les familles des 3 châteaux déclassés venus en nombre, comme à chaque audience tant devant les juridictions administratives que celle-ci correctionnelle, ce jugement est différemment apprécié, en demi-teinte, car le tribunal n’a pas établi de lien direct avec le déclassement, ne leur reconnaissant pas de préjudice moral et ni financier, tout en déclarant Hubert de Bouard responsable d’une faute civile à l’encontre des parties civiles. Une somme de 1000 € au titre de l’article 475-1 du code de procédure pénale leur sera versée.
« La justice est trop timide, les victimes ne sont même pas indemnisées, les votes à l’INAO vont continuer à l’être à main levée, je suis dépité », commentait à chaud Hubert Boidron de Corbin Michotte pour qui la condamnation à cette peine d’amende semblait bien dérisoire. Pour Pierre Carle du château Croque Michotte :
Qu’on n’ait pas reconnu tous les préjudices financiers et moraux, on sait qu’ils existent c’est une évidence, mais que la prise illégale d’intérêt ait été reconnue, démontrée et condamnée, ça c’est une victoire », Pierre Carle château Croque Michotte
Ce jugement risque fort d’avoir un écho devant la Cour Administrative d’Appel début 2022. Le Conseil d’Etat avait entendu en février dernierles avocats des châteaux déclassés en cassant l’arrêt qui confirmait le classement de Saint-Emilion
La Cour Administrative d’Appel devrait revoir ou non la copie de ce classement de 2012 de Saint-Emilion. Une affaire qui dure ainsi depuis 10 ans et alors même qu’un nouveau classement sera établi avec de nouvelles règles en 2022…
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