C’est peut-être « l’avenir de la distribution à Bordeaux », Adrien David Beaulieu commercialise via une plateforme une cuvée d’exception bouchée à l’émeri, à l’identique d’une très vieille bouteille de la propriété de 1750. 300 exemplaires produits dont les prix pourraient s’envoler…
La famille David Beaulieu est une très vieille famille de vignerons à Saint-Emilion, 400 ans d’histoire à la tête de château Coutet. Adrien David Beaulieu et Mathieu son cousin en sont la 14e génération. Chaque jour, ils présentent aux visiteurs leur château Coutet, un domaine de 11 hectares de vignes conduits en bio depuis l’origine, sans désherbant, sans insecticide et sans pesticide de synthèse.
Une famille qui un beau jour a retrouvé sur son domaine une vieille bouteille de 1750 : « il s’agit de l’une des plus vieilles bouteilles de Bordeaux retrouvée pleine, dans de la terre battue, une bouteille bouchée à l’émeri… » Cela leur a donné l’idée tout naturellement de vouloir refaire ce même type de bouchage en verre. Ils ont ainsi fait appel à un maître verrier Meilleur Ouvrier de France pour refaire ce type de bouchage parfait, sans fuite, qui a d’ailleurs donné l’expression « être bouché à l’émeri » pour être hermétique, obtus voire idiot. Mais là, l’idée est loin d’être idiote, c’est plutôt une idée de génie de vouloir communier avec ce passé, et de faire appel aux meilleurs artisans, MOF verrier mais aussi ébéniste pour le coffret bois en acacia adapté à chaque bouteille, avec aussi une guillotine sur mesure…ce qui fait dire à Adrien David Beaulieu « c’est comparable à une oeuvre d’art ».
Et ce vigneron qui a la passion de son métier chevillée au corps de décrire le vin qu’il y met à l’intérieur : « c’est la production de la cuvée presque parfaite telle qu’on peut la trouver à Coutet. La même cuvée que pour les Demoiselles : on ne produit que 2600 bouteilles entre les Demoiselles et 300 de la Cuvée Emeri. C’est très qualitatif, issu de vieilles vignes au sommet de la propriété sur le plateau calcaire, jamais traité… Un plateau planté avec des merlots à coeur rouge de 95 ans et des bouchets ou cabernets francs de 67 ans, les cépages locaux. » Un travail presque d’orfèvre de la vigne au chai où les raisins sont triés grain par grain par 70 personnes durant 2 jours. « C’est une vigne à très faible rendement : 20 hectolitres à l’hectare… On y fait le vin le plus qualitatif possible, avec 3 parcelles dédiées à ces bouteilles-là. »
Depuis le millésime 2014, après 4 ans à concevoir cette bouteille bouchée à l’émeri, à l’identique de ce qui se faisait jadis, la famille David-Beaulieu a lancé cette cuvée: chaque bouteille soufflée est unique, ainsi que son bouchon en verre, sans compter le coffret qui va lui servir d’écrin. « Cette bouteille de 1750 est une des plus vieilles à ce jour, on est très très peu dans le monde a en posséder, le vin peut rester dans la bouteille à travers les siècles, car il n’y a pas d’échange avec l’extérieur. (comme avec le bouchon). Pouvoir sceller un vin à travers le temps, c’est un concept d’oeuvre d’art, du très haut de gamme. »
Aussi, la cuvée Emeri de 2016 va être commercialisée via Alti Wine Exchange, une « plateforme assimilable à une place boursière, qui est en cours de validation. » « Cela a débuté vendredi de la semaine dernière et la commercialisation de ces bouteilles va durer 2 mois ». Le prix fixé à la base a été de 600€, un prix qui risque de monter, en fonction de l’offre et de la demande. Les bouteilles sont conservées sous douane à Bordeaux City Bond, un immense chai à Bordeaux géré par la CCI de Bordeaux qui sert de stockage du vin (dans les conditions optimum de température et d’hygromètrIe), en attendant d’être livrées, voire revendues. Car l’acheteur pourra revendre aussi son vin, via cette plateforme. C’est un peu comme à la Bourse. Une première pour ce vigneron, mais qui risque de faire des émules, car de nombreux vignerons font à Bordeaux, comme ailleurs des cuvées remarquables, ce qui fait dire à Adrien David-Beaulieu, « à mon avis c’est l’avenir de la distribution à Bordeaux. La bouteille ne bouge pas tant qu’elle n’est pas retirée de Bordeaux City Bond », un bon placement en somme car le vin à l’intérieur n’évolue pas, ou en tout cas pas comme avec un bouchage traditionnel avec un bouchon en liège.
Adrien David Beaulieu reste avant tout un vigneron qui aime faire partager son savoir-faire et sa production, aussi les amateurs intéressés peuvent venir à la propriété déguster le vin : « on fait goûter à la propriété, c’est le même vin que la cuvée Demoiselle, vendue en bouteille traditionnelle à 75€ ». Une production qui s’est déjà arrachée sur les millésimes 2014 et 2015, « vendue dans 6 pays en plus de la France, Ontario, USA, Japon, Allemagne, Suisse, Autriche… On espère doubler notre production mais on n’ira pas au-delà de 4800 bouteilles. »
En revanche sur la Cuvée Emeri, la production ne devrait pas être guère plus importante car « on ne pourra pas monter plus haut en terme de coûts de production, » ajoute Adrien David-Beaulieu. Sur le millésime 2014, 184 ont été vendues, 250 sur le millésime 2015 et 300 proposées sur le millésime 2016.