Au revoir à l’un des génies de la gastronomie française, le grand chef étoilé Joël Robuchon, qui totalisait le plus grand nombre d’étoiles Michelin, 32, à travers ses restaurants en France et dans le monde. Un grand merci à Monsieur « Bon Appétit, bien sûr » qui avait voulu démocratiser la bonne cuisine, à travers ses rendez-vous quotidiens sur le petit écran.
Comment résumer en un petit article un si grand Monsieur ? C’est le même défi rencontré il y a quelques mois pour Monsieur Paul Bocuse. A ceci près que Paul Bocuse s’en est allé à 92 ans et Joël Robuchon à 73, des suites d’une longue maladie, un cancer, une injustice de plus.
AU ZENITH DE LA GRANDE CUISINE : 32 ETOILES
Comme Monsieur Paul, Joël Robuchon est ce Monument qui va laisser un sacré leg à la Gastronomie Française. Sa purée de pommes de terre était devenue son plat le plus célèbre, et même iconique dès les années 80. Un kilo de pommes de terre rattes pour 200 grammes de beurre, une texture pommadée qui l’avait fait passer à la postérité…
Sacré meilleur cuisinier du siècle par Gault & Millau en 1990, il avait commencé très simplement à 15 ans un apprentissage de cuisinier-pâtissier auprès du chef Robert Auton, au Relais de Poitiers, à Chasseneuil-du-Poitou. Cet amoureux du travail bien fait, perfectionniste jusqu’au bout des ongles, qui avait pris comme sobriquet «Poitevin la Fidélité» en tant que Compagnon du tour de France des Devoirs unis, il devient chef d’une brigade de 90 cuisiniers au Concorde Lafayette (Paris XVIIe), en 1974, il n’a alors que 29 ans. Meilleur Ouvrier de France en 76, il prendra la place de chef cuisinier à l’Hôtel Nikko, où il décrochera ses deux premières étoiles Michelin puis 3 étoiles dans son propre restaurant Jamin (Paris XVIe), en 1984. En 1996, il avait souhaité faire un break face à la pression des étoiles, et s’était fait un point d’honneur de transmettre, il le fera avec brio à travers notamment de « Bon Appétit, Bien Sûr » de 2000 à 2009. Cela ne l’a pas empêché de poursuivre dans la grande gastronomie et de décrocher plus d’une trentaine d’étoiles. Suractif, il a ouvert avec ses seconds de nombreux grands restaurants à travers le monde et une quinzaine d’Ateliers Joël Robuchon.
LES HOMMAGES DE SES PAIRS ETOILES
Aujourd’hui de nombreux chefs étoilés sont dans la peine, une peine incommensurable comme me l’explique Alexandre Baumard du Logis de la Cadène à Saint-Emilion : « la tristesse est là, perdre Mr Paul a été terrible, perdre un des plus grands chefs au Monde est terrible, c’est toute la profession qui pleure la perte d’un pape… C’est un des maîtres de la transmission, combien de chefs étoilés sont passés par les cuisines Mr Paul et Mr Robuchon? Le chiffre doit être juste incroyable. 2018 est dure pour notre profession, que ça cesse ! »
Mr Robuchon a marqué son empreinte et la gastronomie française à travers le Monde, c’est incroyable, être au States, en Asie, en France… Il est de partout… C’est le chef qui connais le mieux La gastronomie Mondiale. Le chef Français le plus étoilé au MONDE. J’ai eu la chance de goûter sa cuisine à Paris, à Tokyo, à Bordeaux que dire ??? Exceptionnel ! », Alexandre Baumard chef étoilé du Logis de la Cadène.
Pour Michel Trama, 2** au Guide Michelin à Puymirol dans le Lot-et-Garonne : « on s’est rencontré en 83 la 1ère fois, on n’était pas du même sérail : lui était meilleur ouvrier de France, compagnon, il a tout fait et moi je n’ai rien fait… En 1983, je rentre de Bangkok, on venaît d’apprendre la 2e étoile que j’ai eue, et j’ai dis tiens on va manger dans un 2 étoiles à Paris chez Joël Robuchon… La claque que j’ai prise, mon pauvre ! La première fois de ma vie que je me suis senti démoralisé, l’année suivante il a pris la 3e étoile ».
C’est la perte d’un ami, mais surtout la perte d’un humaniste fantastique, d’un cuisinier technicien hors pair, un métronome ! », Michel Trama chef 2**
Et Michel Trama de compléter : « on disait qu’il était très dur, mais c’était de la rigueur, la frontière est là, c’était un rigoureux, un perfectionniste, à tel point qu’il a arrêté la cuisine à 51 ans en tant qu’exécutant, il était déjà fatigué. Joël est parti, comme j’ai dit pour Paul Bocuse, je serai leur marmiton là-haut, je serai le marmiton de Monsieur Joël ».
Pour Jérôme Schilling, le chef cuisinier de l‘Hôtel-Restaurant Lalique au château Lafaurie-Peyraguey : « Joel Robuchon est tout d’abord un infatigable perfectionniste et à été pour moi un pilier dans ma vie de cuisinier. Tout d’abord il m’a suivi pendant mon enfance par son émission « Bon Appétit Bien Sûr » que je suivais naturellement, malgré que j’étais qu’un enfant, certainement par ses propos tes précis et bien sûr un œil vitreux de passion. Lorsque j’ai décidé de faire ce métier cela a été évident d’officier pour lui.
Ça a été une chance de presque 3 ans à Monaco au Métropole avec une discipline à toute épreuve, une transmission de la passion et du travail bien fait. Il connaissait le prénom de chaque personne et avait toujours une attention particulière pour tout le monde. Un respect au plus au point », Jérôme Schilling chef Restaurant Lalique Château Lafaurie-Peyraguey.
LES DEUX ETOILES DECROCHEES A LA GRANDE MAISON
Joël Robuchon est ce grand chef qui aimait relever les défis, il avait proposé ses services à son ami Bernard Magrez ici à Bordeaux, qui venait d’acheter un hôtel particulier pour en faire un Hôtel. Cela deviendra l’Hôtel-Restaurant « la Grande Maison Bernard Magrez-Joêl Robuchon », un restaurant pour lequel il avait décroché aussitôt 2 étoiles. Bernard Magrez me confie : « c’était un ami et je suis quand même très triste, c’est un homme que je connais depuis plus d’une vingtaine d’années, il était de la « race des gens » qui vivaient debout ».
Joël Robuchon allait vers l’excellence, pour l’excellence, c’était un type droit, rigoureux », Bernard Magrez propriétaire de la Grande Maison.
Et Bernard Magrez de poursuivre : « son plus à ce garçon, je dis ce garçon car il a 11 ans de moins que moi, était d’impressionner l’autre, il cherchait à vous comprendre, toujours avec le sourire. Il avait l’obligation de bien connaître ses collaborateurs, les valeurs des autres, et il n’avait autour de lui que des gens qui partageaient ses valeurs. A Bordeaux, il avait visité l’immeuble que j’avais acheté en face de Labottière, je voulais en faire un hôtel de 9 ou 10 chambres, mais il m’a dit « on va faire un hôtel-restaurant, et ça va être la 1ère fois dans la vie du Guide Michelin qu’on aura ensemble 3 étoiles d’un seul coup. Finalement, ce n’est pas un hasard si nous n’avons pas eu 3* car l’économie c’est l’économie de la région qui l’explique et qui est là. »
C’est un choc pour toute la Gastronomie, tous les cuisiniers, et sa famille, je me souviens que c’est qui m’a remis ma médaille de Mof, meilleur ouvrier de France, et avec la disparition de Paul Bocuse, je perds deux chefs qui m’ont touché, orienté et poussé à être ce que je suis aujourd’hui », Philippe Etchebest chef étoilé du 4eMur.
Ronan Kervarrec, autre grand chef qui vise les 3 étoiles, en a déjà décroché 2** pour l’Hostellerie de Plaisance à Saint-Emilion et aussi 2 auparavant à la Chèvre d’Or à Eze : « lorsque j’ai commencé la cuisine, je suis monté à Paris pour travailler pour Joel Robuchon… Lorsqu’il est entré dans la cuisine, accompagné de ses adjoints, tous MOF, je devais dresser le coulis de tomate sur le caviar d’aubergine ! Je tremblais tellement j’étais impressionné que le coulis allait partout sauf sur le caviar
Un homme d’une telle précision, il avait le savoir de capter les saveurs comme personne et d’équilibrer les goûts, un perfectionniste !« , Ronan Kervarrec Chef 2** de l’Hostellerie de Plaisance.
AVEC « BON APPETIT, BIEN SUR », L’ENVIE DE TRANSMETTRE
Autre chef étoilé à réagir Pascal Pressac de la Grange aux Oies à Nieuil en Charente : « J’ai eu la chance de participer à l’émission « Bon appétit Bien Sûr », plusieurs jours avec Mr Robuchon. Pour l’enregistrement des émissions, je lui avais présenté une recette du Poitou Charentes, sa région , qu’il appréciait beaucoup : c’était un fromager, un dessert a base de fromage de vache frais « le Manslois « je me souviens de sa surprise de retrouver ce dessert, il adorait le goûter et m’a demandé de lui en faire un autre le lendemain.
Un chef qui aimait les choses simples les recettes du terroir, les recettes qui ont une histoire, il avait ce talent de remettre des recettes du terroir au goût du jour comme sa fameuse purée de pommes de terre « , Pascal Pressac chef étoilé de la Grange aux Oies.