Il ne manquait plus que cela. Après le gel du début de mois, voici la grêle alors que la vigne était bien sortie et avait surmonté même le gel. Les secteurs les plus touchés se situent dans l’Entre-deux-Mers à Grézillac et Moulon, dans les Côtes de Francs à Saint-Cibard, autour de Saint-Emilion à Lussac et Puisseguin il y a eu un peu de grêle aussi dans le Sauternais. Des dégâts sont aussi recensés sur le vignoble de Bergerac.
On le voit bien, la vigne ici été hachée par la grêle sur le secteur de Saint-Christophe-des-Bardes © Croix de Labrie
Sur les réseaux sociaux, cela tombe comme à Gravelotte. Non seulement la grêle, mais la preuve par l’image vidéo et photo, de nombreux secteurs sont très durement touchés par cette satanée grêle qui s’est invitée juste avant l’heure de l’apéro, sauf que personne n’a été prévenu et ça ne se fait pas!
Malheureusement, ce n’est pas que du virtuel, elle a fait de sacrés dégâts avec des grêlons de type « petits pois » et gros pois » selon Sophie Aribaud conseillère viticole, bref jusqu’à 1 centimètre mais pas mal tranchant….et c’est suffisant pour faire du vilain.
Après le gel, la grêle, c’est la m… Je pense qu’il va y avoir de gros dégâts », Pierre Coudurié du château La Croix de Labrie
« C’est venu pour nous en 3 fois », continue de commenter Pierre Coudurié du château Croix de Labrie qui a des vignes à Saint-Christophe-des-Bardes et Saint-Sulpice-de-Faleyrens. « Je ne sais pas trop si on a bien pris, on verra cela un peu plus tard, c’était des grêlons qui faisaient jusqu’à un centimètre de diamètre. Et pourtant on a fait du préventif, sur Saint-Sulpice notamment, on était 16 domaines mobilisés pour faire de la lutte anti-grêle avec des canons, et le concept Celerys, c’est plutôt efficace », mais bon c’est tombé, disons que peut-être cela a diminué l’intensité et la taille des grêlons ».
© Sophie Aribaud
Ainsi Sophie Aribaud me détaille les secteurs touchés qui sont malheureusement très nombreux : « une cellule orageuse est passée entre 17 et 18h sur des secteurs souvent touchés : la Sauve, Haux, Grézillac comme d’habitude, Gourgue, et puis c’est descendu sur Moulon, cela a traversé la rivière Saint-Sulpice, Saint-Pey et Saint-Laurent des Combes, et une partie de Saint-Emilion, cela a touché le bourg.
Il y a eu des chocs, cela a bien tapé, avec des rameaux cassés et des petites grappes au sol », Sophie Aribaud conseillère viticole
Philippe Carille du château Poupille à Sainte-Colombe commente également : « une partie de Castillon a bien pris, on a bien pris sur une partie de Saint-Emilion aussi, il faudra voir dans 24-48 heures…Tayac cela a bien pris. A un moment donné tu as le noir qui arrive, puis tout est blanc… »
Cela a bien rasé par endroits, c’est comme en hiver, il n’ya plus de feuilles » Philippe Carille.
UNE PREMIERE EVALUATION CE SAMEDI DES SECTEURS TOUCHES AVEC LE CIVB
Christophe Chateau, du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a fait ce samedi matin un tour d’horizon des secteurs très touchés à commencer par « l‘Entre-Deux-Mers avec Espiet, Grézillac, Moulon, les châteaux Marjosse et Bonnet » par exemple, « un peu sur Saint-Emilion, Saint-Etienne de Lisse, beaucoup sur les Côtes de Francs, avec notamment château Le Puy ».
CASTILLON ET LES SECTEURS AUTOUR DE SAINT-EMILION AUSSI CONCERNES
Françoise Lannoye, la présidente des Côtes de Bordeaux me confie que « Castillon a été touché sur certains secteurs, mais que sur Puisseguin cela a fait encore des dégâts colossaux ».
C’est catastrophique, finalement cela devient invraisemblable, on a été pris de court, cela n’a été indiqué sur aucune station météo » Françoise Lannoye présidente des Côtes de Bordeaux
Pour Franck Binard, directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion: « on a des retours partiels, il faudra attendre quelques jours pour voir l’évolution. C’est assez hétérogène. Lussac et Puisseguin ont été assez touchés, la taille des grêlons variait de un demi-centimètre à 1,5 centimètre. Pour ceux qui ont été touchés, les estimations peuvent varier entre 10 et 30% de vigne impactée. Dans cette sinistrose, les viticulteurs que j’ai pu avoir au téléphone restent optimistes…J’ai eu Jean-François Quenin, il m’a dit qu’en 23 ans il n’avait jamais vu cela à Pressac, tout était blanc… »
Il faut avoir une sacrée dose d’optimisme, vu le contexte, il ne manquerait plus qu’un nuage de sauterelles ! » Franck Binard directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion.
Une vigne meurtrie, plus une feuille, plus de grapillon, plus rien au © château Le Raz
DANS LE BERGERACOIS, LE SECTEUR DE SAINT-MEARD-DE-GURCON MEURTRI
De nombreux vignerons ont commenté ce soir sur Facebook leur ressenti et la situation dramatique comme Patrick Barde au château le Raz à Saint-Méard de Gurçon : »très gros orage sur notre vignoble, la récolte ne sera pas pour cette année », avec des photos à faire frissonner et des grêlons de 2 centimètres de diamètre. Selon Quentin Deffarge, responsable de la section Montravel, « c’est assez localisé finalement: surtout sur Saint-Méard de Gurçon, au tour de Saint-Michel de Montaigne pas de gros dégâts, assez superficiel sur Fougeyrolles et le nord de l’appellation ».
Joint par téléphone, Patrick Barde dresse ce samedi l’état des lieux :
On ne peut que constater les dégâts aujourd’hui sur les 70 hectares de la propriété, on a a minima 60% touchés et a maxima 100%. On est impuissant devant les éléments, » Patrick Barde château Le Raz.
« Cela s’est passé vers 19h45, après que le Saint-Emilionnais ait été touché, on se doutait que cela allait nous arriver dessus ». Un déluge d’eau puis de grêle dont se serait bien passé Patrick Barde: « la crise, il n’y a pas un vigneron qui ne la sent pas. Pour nous la commercialisation se fait d’habitude par l’export, la restauration et les cavistes. En ce moment il n’ya qu’eux qui marchent et à 20%, on tourne donc à 10% de ce que l’on fait habituellement…Mais bon je positive et j’ai toujours du vin à vendre, pour rassurer mes clients. »
DANS LES COTES DE FRANCS : « SAINT-CIBARD, RAYE DE LA CARTE, AU NIVEAU DE SES VIGNES »
Joint ce samedi matin, Yann Thienpont du château Puygueyraud et Clos Fontaine a fait un tour des vignobles des Francs en Côtes de Bordeaux, puisqu’il est président de cette appellation:
Francs est touché légèrement, Tayac durement touché et Saint-Cibard quasiment rayé de la carte au niveau du vignoble. C’est totalement exceptionnel. De mémoire de vigneron et selon les anciens, on n’a jamais vu cela ! », Yann Thienpont président du syndicat de Francs.
Et de poursuivre: c’est un phénomène unique, au niveau hygrométrie on a la plus faible car on est équidistant entre la vallée de l’Isle et la Dordogne, on culmine au plus haut à 110 mètres et nos vignes sont à 80-100 mètres d’altitude, bon ça n’a pas raté mais c’est exceptionnel la dernière fois c’était en 1985. On a quelques parcelles sur le haut du plateau pas trop touchées, nous espoirs maintenant ce sont sur les contre-bourgeons pour faire des bois pou l’année prochaine. En 2017 on a eu le gel, en 2018 le mildiou, en 2019 c’était plutôt tranquille, et là en 2020on espérait un rendement correct, mais non, c’est une année bissextile ! C’est une méga catastrophe avec toutes les difficultés que l’on connaît. Il risque d’y avoir des bouleversements prochainement avec des anciens qui vont vouloir arrêter…
Un rang de vigne avec des abats de grêle au © château Le Raz
GREZILLAC ET L’ENTRE-DEUX-MERS BIEN TOUCHES AUSSI
Pierre Lurton, le PDG d’Yquem et de Cheval Blanc, possède à Grézillac son propre château Marjosse: « j’ai grêlé, 30 hectares bien sérieusement, en revanche les vignes plus qualitatives qui font le grand Marjosse sur 15-20 hectares n’ont pas été touchées. Tout ce qui est héritage de mon père, ça cela a été touché…
On s’est pris un peu de gelée, puis la grêle, et on n’est qu’au 18 avril, cela commence vraiment bien.Et en plus on est confiné…Mais on s’en sortira », Pierre Lurton château Marjosse.
Bruno Baylet, président du syndicat de l’Entre-Deux-Mers confirme ce samedi après-midi des dégâts sur « Haux, La Sauve, Targon, Saint-Léon, Daignac et Grézillac, avec par endroits des vignes touchées à 100%, c’est le même couloir qu’en 2017″. Un lourd tribu car des dégâts considérables avaient déjà eu lieu en 2009 et 2013 sur certains de ces secteurs.
Concernant l’évolution de la vigne, Sophie Aribaud apporte encore cette précision: « On avait 5 à 6 feuilles étalées et allongées, et des grappes visibles, elles avaient doublé voire triplé de volume en une semaine !Là il va falloir non seulement constater les dégâts, mais aussi revoir les traitements de la vigne effectués cette semaine: « tous les gens qui avaient traité, le traitement est au sol ! »
A tous ces vignerons touchés à des degrés divers, on leur souhaite du courage et on s’associe à leur peine face à ces éléments souvent très violents et injustes.