15 Mai

Vignes inondées, humidité, mildiou et black rot qui « pointent le bout du nez », pas simple le boulot de vigneron

Les épisodes de pluies intenses du week-end et du début de semaine ont engendré des inondations dans les vignes et d’énormes difficultés pour entrer sur les parcelles pour y effectuer des traitements tant en bio qu’en conventionnel. Les attaques de mildiou et aussi de black rot se font jour et devraient être encore plus fortes dans les jours à venir. Réactions dans le vignoble bordelais.

Pour le traitement de cette fin de semaine, je vais louer un hydroglisseur, ce sera plus facile – à Sainte-Terre © Benoît-Manuel Trocard

DU JAMAIS VU EN MAI, TRACTEURS PLANTES TRAITEMENTS DIFFERES

C’est du jamais vu, on a ici 15 centimètres d’eau dans la vigne, c’est vraiment haut », commente Benoît-Manuel Trocard, vigneron, face à une parcelle de vigne inondée de Sainte-Terre dont il s’occupe.

« Il y a des situations qui sont dramatiques… Des vignerons se sont plantés dans leur vigne. Qu’il pleuve, on est habitué, mais là… Avec 120 millimètres depuis 15 jours on a des coins totalement inondés, les sols sont gorgés d’eau, sur Sainte-Terre, Puisseguin, le Saint-Emilionnais à fond, le secteur de Langon, et le Médoc a pris cher aussi… Cela nous empêche de traiter le vignoble, que ce soit en tracteur ou à pied le terrain est inaccessible », Benoît Manuel Trocard. « Le problème c’est qu’on est déjà hors couverture, on a 14 jours pour refaire les traitements en systémique et en bio tous les 7 jours ».

« L’autre souci, c’est qu’on va être en pleine fleur dans une semaine, cela dure 2-3 jours et c’est très odorant; la peur c’est d’avoir aussi du millerandage: c’est quand il pleut, les pétales se collent sur la baie et font avorter l’oeuf. Quand il pleut trop, il y a de la coulure ou du millerandage, tu te retrouves avec la moitié ou un tiers de grappes en moins… » Si tu rates un traitement, tu mets en péril ta récolte. On ne les fait pas parce qu’on a envie d’en faire, mais parce que c’est nécessaire. Avec cette pluie et humidité, la vigne ramasse et le mildiou peut s’installer sur grappe , ce n’est pas bon à voir, en une semaine elle peut être déséchée complètement, c’est chaud patate… »

Attaque de mildiou sur grappe © Sophie Aribaud

DES SOLS SATURES EN EAU

« Plusieurs secteurs ont été inondés, les sols sont saturés en eau », confirme Sophie Aribaud conseillère viticole, qui a enregistré de 60 à 120 millimètres d’eau samedi-dimanche sur les domaines qu’elle suit entre le libournais et le langonnais. « Les gens essaient de passer dans leur vigne, mais énormément de tracteurs ont du être remorqués…

« Au niveau des maladies, on a vu l’apparition de taches de black rot un peu partout et des taches de mildiou, mais là pas forcément de grosses attaques car j’avais fait traiter très tôt mais je m’inquiète sur les semaines prochaines avec une incubation de 8 à 12 jours pour le mildiou« .

On est sur des formes chaotiques d’attaque de mildiou, avant il arrivait sur feuilles et descendait sur la grappe, là il peut prendre directement sur grappe » Sophie Aribaud conseillère viticole.

Autre maladie, le black rot qui a une période d’incubation d’une vingtaine de jours, « il peut aussi prendre sur grappe et le stade de sensibilité c’est jusqu’à pleine véraison », me précise Sophie Aribaud. « La dernière grosse attaque remontait à 2014, cela donne de sales goûts dans les vins, comme le botrytis et l’oïdium. »

Aussi en ce moment pour les traitements où il est difficile d’entrer dans certains rangs de vigne, c’est un peu « un passage en force, parfois avec des quais ou même à dos d’homme, à l’ancienne, et certains ne passent pas du tout…Sur les vignes en bio, ils sont à 5-6 traitements depuis le début et 3-4 pour les conventionnels ».

Ce sont des pluviométries digne des mois de novembre-décembre, mais pas de mois de mai, c’est du jamais vu depuis ces 20 dernières années », Sophie Aribaud.

Attaque de black rot sur feuille © Nicolas Lesaint

 

LES BIOS SUR LE QUI-VIVE

« On s’est pris 220 milimètres de pluie en 15 jours, c’est un truc de fou », commente Jean-Baptiste Duquesne, vigneron à Saint-Pierre-de-Mons et Mazères, certifié bio et Demeter cette année 2020 (qui était en conversion jusqu’ici). « On a pu traiter mardi la moitié des parcelles les mieux drainées et on attend pour traiter la deuxième moitié probablement demain ».

« Le fait que nos sols soient plus vivants, on a fait du bon boulot, l’eau est rentré, les couverts végétaux ont permis d’absorber l’eau et on a des sols poreux. L’enherbement, c’est sûr nous a aidé. Dans le sud-gironde, on ne peut pas rentrer dans les vignes; je pense que tout le monde va devoir réenherber et remettre de la nature organique.

Pour l’instant, ça tient, on n’est pas inquiet, même si le mildiou peut exploser à tout moment comme en 2018″ Jean-Baptiste Duquesne château Cazebonne

Jean-Baptiste Duquesne avait gelé en 2017, grêlé à 100% en 2018 et avait eu une faible récolte en 2019; « cela fait 3 années difficiles, cette année on espère que cela va aller… On une belle charge sur nos vignes. »

« LE GROS SUJET, CELA VA ETRE LE BLACK ROT »

Au château de Reignac à Saint-Loubès, Nicolas Lesaint témoigne : « au niveau pluviométrie, on s’est pris 70 millimètres samedi-dimanche, puis 30 millimètres en début de semaine. C’est vrai que c’est compliqué de passer, on pouvait le faire mardi ou aujourd’hui. Mardi, beaucoup ont eu leur enjambeur ou petit tracteur planté, c’était dans tous les sens. Moi j’étais passé avant et je traite aujourd’hui, cela roule bien, on a de la chance d’avoir pas mal de graves sur la propriété, pour la partie des argiles ce sera la semaine prochaine. »

Nicolas Lesaint a vu poindre un peu de mildiou mais surtout plus de black rot, il en a l’habitude, il avait déjà vu des attaques la saison passée : « j’ai une sorte d’habitude, cela revient et c’est spontané et dynamique »

Le gros sujet, cela va être le black rot sur ce millésime, » Nicolas Lesaint du château de Reignac.

« J’ai des voisins qui n’ont pas fait attention avec notamment un traitement de retard par rapport à nous, et ils ont eu une intensité d’attaque hallucinante sur feuilles. Là je n’en vois pas sur grappe, mais quand il va en y avoir ce sera trop tard. Il faut des conditions très sèches pour le freiner. Ce sont des petits ronds secs sur la feuille, la vigne a nécrosé cette partie et des petits points noirs vont se former. Et sur grappe, lors de l’attaque sur baie, elle va devenir beige et tout tombe. »

« Concernant le mildiou, cela va aussi être inquiétant, les contaminations ont eu lieu et rendez-vous dans 10 jours, il pourrait y avoir de grosses sorties sur feuilles et sur grappes. D’année en année, c’est de plus en plus chaotique ».

On se souvient en effet d’une année terrible il y a deux ans, où le vignoble bordelais avait connu une attaque sévère de mildiou. Certains avait perdu une bonne partie de leur récolte et millésime 2018

Clap de fin pour le 36e Marathon des Châteaux du Médoc

C’est une bien triste nouvelle, mais qui se comprend compte tenu de la « nécessaire distanciation » à respecter et de la participation très internationale des coureurs au célèbre Marathon du Médoc. Les organisateurs ont décidé hier de l’annuler pour 2020 et de reporter cette 36e édition au 11 septembre 2021.

Chaque année, le Marathon choisit une thème original. Cette année, c’était le « Marathon des Châteaux du Médoc fait son cinéma ». D’où le titre, je sais quelque peu facile.

Le 36e Marathon des Châteaux du Médoc est donc reporté au 11 septembre 2021. Après consultation des autorités du monde médical, les organisateurs ont fait le choix de la sagesse. Pour eux cette manifestation empreinte traditionnellement de convivialité et de proximité ne pouvait pas se dérouler dans des conditions optimales cette année en raison de la « nécessaire distanciation physique et des incertitudes liées à l’évolution de l’épidémie du virus Covid-19. »

On va être optimiste, on va dire que c’est reporté, ce n’est pas l’envie qui nous manquait, on était prêt, les devis étaient prêts, on a repoussé le plus possible la décision… » Vincent Fabre Président de l’Association du Marathon des Châteaux du Médoc.

Un joli couple en rose au château Montrose lors du dernier marathon © JPS

Les organisateurs mettent un point d’honneur à se préoccuper de la santé des coureurs depuis la création de l’événement. C’est donc une décision unanime qui a été prise par les organisateurs, après consultation des autorités et du monde médical, après aussi en avoir discuté avec les membres de l’association, les bénévoles et les très nombreux châteaux qui sont traversés par cet événement. « J’ai voulu qu’on fasse un vote à bulletin secret des 9 membre du conseil d’administration, on a discuté 4 heures et il y a eu unanimité dans cette décision », me précise le Président de L’AMCM.

Du point de vue de l’administration, il n’y avait pas de consigne particulière, en tout cas jusqu’en août, la question financière ce n’était pas trop un problème, on espérait avec l’équipe médicale que l’épidémie soit terminée au cours de l’été… Mais force est de constater qu’on l’aura toujours…

Vincent Fabre, président de l’AMCM, Manon Lorenzetti château Pédesclaux et Emmanuel Cruse Grand Maître Commanderie du Bontemps © Jean-Pierre Stahl

On a 90 000 personnes dans le Médoc au cours d’un week-end, aussi nous il aurait été difficile de gérer les gestes barrières, cela nous semblait être des scénarios impossible », Vincent Fabre

Même Jésus n’a pas pu faire de miracle pour cette édition de 2020 ! © JPS

« Rassembler 8500 coureurs sur une ligne de départ, où tout le monde est très proche, il nous paraissait extrêmement difficile de faire respecter la distanciation, de même pour la sécurité quand on doit faire des palpations, on avait comme cela une dizaine de points où en face on n’avait pas de solution », précise encore Vincent Fabre.

« Il fallait garder la confiance des bénévoles qui se démènent, garder la confiance des coureurs s’ils avaient eu la peur au ventre d’attraper le virus, et garder la confiance des propriétés qui nous accueillent à quelques jours des vendanges… » Vincent Fabre

Parmi les châteaux traversés par ce marathon, le château Montrose à Saint-Estèphe, Hervé Berland son gérant, se dit « très déçu que cette manifestation soit annulée, tout en comprenant toutes les raisons » auxquelles il souscrit aussi. « C’était une tradition, on y participait tous les ans et on était la dernière étape juste avant la grande ligne droite avant l’arrivée. C’est un événement sportif rentré dans l’histoire, alliant le sport, les grands vins et la qualité de vie. Il a un double objectif: faire participer les grands sportifs et les amateurs de vin.On mettra les bouchées double pour le prochain…  » Une chose est sûre pour Hervé Berland, c’est « plus que jamais, cette épidémie nous conforte dans le constat et l’espoir qu’il faut préserver la nature. » Château Montrose a fait le choix de passer tout le vignoble en bio.

L’organisation reviendra vers les coureurs dans les prochains jours pour préciser les modalités du report, mais déjà ils pourront à leur guise être inscrit gratuitement sur l’une des 3 prochaines éditions.

Ambiance village gaulois avec le groupe Assurantourix &Band au château Pédesclaux au kilomètre 22 à Pauillac © JPS

L’an dernier, ce sont 8500 coureurs qui ont participé au Marathon dont le thème était les Supers Héros…Mais les super héros, ce sont aussi les 3000 bénévoles qui se mobilisent chaque année dont de très nombreux acteurs du monde du vin, vignerons, propriétaires, salariés viticoles, etc bref tout le monde s’y colle et ça ce n’est pas du cinéma, quoique… Allez, on se rêve les coureurs déguisés en Rocky ou Terminator du Médoc…Reste à trouver Sarah O’Connor le 11 septembre prochain.

Revoir le reportage sur le 35e marathon de septembre 2019 avec l’implication des châteaux du Médoc, réalisé par Jean-Pierre Stahl, Thierry Gardet, Eric Delwarde et Stéphanie Plessis :

Revoir en photos le 35 e Marathon du Médoc :

35e marathon du Médoc : une grande fête populaire due à la mobilisation et la passion des châteaux

13 Mai

134 626 € récoltés par le monde du vin au profit du collectif #ProtègeTonSoignant

La vente aux enchères de plus de 1000 bouteilles réalisée du 27 avril au 7 mai par d’iDealWine au profit du collectif #ProtegeTonSoignant a permis de récolter une belle somme qui permettra d’acheter du matériel médical pour les hôpitaux qui en ont le plus besoin. 655 enchérisseurs ont participé et plus de 100 domaines ont donné dont de nombreux Bordelais.

C’est une histoire assez remarquable qui a été mise sur pied en 10 jours. Un élan de solidarité et de générosité, parti de 3 personnes Mathilde de l’Ecotais du Collectif Protège Ton Soignant (#protegetonsoignant),Angélique de Lencquesaing d’iDealWine et Karine Valentin du côté vignerons. Une idée qui a rebondi sur leur carnet d’adresse et c’est ainsi que s’est montée cette vente aux enchères caritative.

Karine Valentin, journaliste et critique à la Revue du Vin de France raconte comment l’idée a rapidement fait son chemin : « cela fait 25 ans que je traine dans le vignoble et je connais beaucoup de monde. Je suis aussi amie avec Mathilde de l’Ecotais, styliste, photographe culinaire et engagée dans la solidarité; elle m’avait parlé de son action au sein de #ProtegeTonSoignant et avec Angélique de Lencquesaing elles m’ont dit qu’elles cherchaient à faire une vente de charité pour le collectif. il fallait qu’on aille très très vite fin avril. Elles m’ont demandé de collecter des échantillons.. »

J’ai passé mon week-end de Pâques à passer des coups de fils et j’ai eu un accueil formidable des vignerons, propriétaires et directeurs confinés, ravis de s’associer à ce collectif #ProtegeTonSoignant. Cela a été formidable et a eu un effet boule de neige dans le vignoble », Karine Valentin journaliste RVF

SUR 1041 BOUTEILLES VENDUES, 447 VINS DE BORDEAUX

Au total ce sont 1041 flacons qui ont été collectés et tous vendus en 315 lots. « A Bordeaux, nous avons eu beaucoup de vignerons et domaines de Saint-Emilion, comme le Domaine de l’A de Stéphane Derenoncourt, la Gaffelière, Figeac, tous les domaines de Boüard, ceux de Nicolas Thienpont, les vignobles Rolland, j’ai eu Pierre Lurton pour Yquem et Cheval Blanc, les Moueix ont donné du Pétrus, la Conseillante aussi;  j’ai eu aussi beaucoup de Médoc avec Brane-Cantenac, Talbot, les Cuvellier également… En Pessac-Léognan, les Bonnnie avec Malartic-Lagravière, Carbonnieux…

Parmi les châteaux qui ont donné, Jean-Michel Laporte directeur de Talbot témoigne : « on a offert une caisse de 6 magnums de Talbot 2010… Avec Madame Bignon, on n’a pas tergiversé, de notre côté on a plutôt été épargné dans notre région, donc si on peut participer à l’effort guerre à notre petit niveau, on a aussi aidé l’association « à la bonne heure » qui a livré des plateaux repas sur Bordeaux… » Séverine Bonnie du château Malartic-Lagravière raconte aussi « on m’a appelé quasiment la veille pour le lendemain…

On a offert 6 magnums de Malartic-Lagravière 2014, c’est vachement bien ce qu’ils ont fait, on n’a pas hésité, on aurait pu donné plus avec les Crus Classés de Graves qui avaient une réunion sur Zoom, mais c’était trop juste, là on réfléchit à aider aussi la restauration extrêmement sinistrée… » Séverine Bonnie du château Malartic-Lagravière.

Autre châteaux à avoir répondu présent, la Conseillante à Pomerol : « on a envoyé 2 magnums de 2015 et un de 2010, des millésimes solaires, et en plus le magnum c’est sympa pour des enchères », commente Marielle Cazaux. « Tous les ans, on participe à des actions caritatives comme 12 de Coeur et au profit de l’Institut Bergonié ou encore la vente de la Banque Alimentaire. En plus Angélique de Lencquesaing est une amie de la Conseillante, son appel était pour nous une évidence dans le contexte et cette volonté de protéger, c’est une petite contribution, d’autant que l’un des gérants Bertrand Nicolas, est médecin lui-même… »

« A la veille du week-end de Pâques, la France était à l’arrêt, on cherchait à contribuer caritativement pour aider », me précise Angélique de Lencquesaing d’iDealWine. « On a cherché dans nos stocks et isolé une vingtaine de flacons qui nous appartenait et en discutant avec Karine Valentin, elle me dit je ne fais que déguster du vin, j’ai l’impression je ne sers à rien, et je lui raconte mon idée. Elle me dit rapproche toi de Protège Ton Soignant qui venait de se créer et de Mathilde de l’Ecotais, et ensemble on s’est dit pourquoi ne pas monter une vente de vin. Dans le week-end de Pâques, Karine a appelé tous ses amis…

Il y a eu un « cluster » bordelais qui s’est constitué très rapidement avec les propriétés qui étaient en recherche de quelque chose à faire, beaucoup de bonnes volontés se sont exprimées » Angélique de Lencquesaing d’iDealWine.

Et de poursuivre à commenter cet élan du monde du vin bordelais : « la société Dartess (spécialiste de logistique et transport de vin) a dit bien sûr on va réunir les vins à titre gratuit et on va les expédier jusqu’à votre entrepôt de Colombes », et ils ont même fait une tournée pour réunir les vins retardataires. C’est pour cela qu’on a eu une contribution des vins de Bordeaux extrêmement significative. » Au total ce sont 116 domaines qui ont participé, 17 régions représentées avec dans le top 3 : Bordeaux avec 447 flacons (sur 1041) et 75150€ récoltés sur ces vins, la Bourgogne avec 113 flacons et 18194€ et la Champagne avec 76 flacons et 13001€.

On voulait tenir cette vente pendant la phase du confinement, pour agir au coeur de la crise pour être efficace vis-à-vis de Protège Ton Soignant et des Hôpitaux, avant que les gens ne soient démobilisés, mais on est loin d’être sorti de cette crise et des besoins pour les hôpitaux« , Angélique de Lencquesaing.

 

L’une des chevilles ouvrières de cette opération, c’est aussi et bien sûr Mathilde de l’Ecotais, artiste, réalisatrice de films publicitaire dans le « food »: « je n’ai pas grand chose à voir avec le monde médical au départ, mais j’ai rallié ce monde des soignants. On était 10 au début dans le collectif, puis 20, 50 et aujourd’hui 110 personnes avec plusieurs pôles et zones d’action, et chacun avec ses compétences, notre façon de faire c’est comme une guérilla. On a commandé des masques, bouses, sur blouses, respirateurs et pousse-seringues… »

La première grosse opération, « notre coup d’envoi a été organisée avec Laurent Dumas, promoteur très investi dans le monde de l’art,  avec une vente aux enchères grâce aux dons d’artistes et de galeries, on a levé 2,5 millions d’euros avec Piasa, la totalité a été rétrocédé à #ProtegeTonSoignant.

Après Karine Valentin et Angélique de Lencquesaing m’ont proposé une action, elles avaient mis de côté du vin et je me suis dit on peut aller plus loin, on a appelé les maisons de vin et les copains et en 10 jours on a monté la vente. On a récolté 134 600 euros, tous les euros vont aux soignants à l’achat de matériels, par exemple l’achat de 2 respirateurs c’est 38000 €. On a délivré de nombreux hôpitaux partout en France, on a beaucoup fait pour l’Alsace, l’Ile de France, les Hauts de France et la Corse, on a répondu aux urgences et aidé tous les hôpitaux qui nous ont appelé« , Mathilde de l’Ecotais.

Depuis la création de #ProtegeTonSoignant, « on a dépassé les 6 millions collectés, c’est une goutte d’eau mais on est arrivé à plusieurs moments cruciaux » Mathilde de l’Ecotais

Le lot de 12 bouteilles de Château Figeac 2010 s’est adjugé à 2905 €, avec frais 3457€ (somme globale intégralement reversée) © iDealWine

DES MASQUES, SURBLOUSES, RESPIRATEURS LIVRES AUX HOPITAUX 

Autre personne importante dans le dispositif #ProtegeTonSoignant Thomas Clozel, ancien médecin et chef de clinique en oncologie à l’Hôpital Henri Mondor à Créteil. Il était confiné durant cette période en Bretagne, le reste du temps il est sur New-York où il a fondé Owkin, spécialiste de l’intelligence artificielle, il collabore avec de nombreux hôpitaux en France et avec l’AP-HP.

Au total, on a livré 180 hôpitaux, on a cherché à valider le besoin des hôpitaux et leur livrer le matériel qui leur fallait avec des fournisseurs fiables » Thomas Clozel du collectif #ProtegeTonSoignant.

« Au départ, Strasbourg et Colmar avaient des besoins urgents en respirateurs, et puis nous avons eu des demandes de masques car beaucoup de médecins ont travaillé au début sans masque, c’est pour cela aussi qu’il y a eu beaucoup de médecins et soignants malades. On a diversifié nos sources, on a pu livré des centaines de milliers de masques grâce à cette diversification sur mars, début avril les besoins en respirateurs se sont calmés, mais le consommable blouses et masques toujours autant, tant pour les hôpitaux que pour les médecins libéraux, des cliniques aussi ne savaient pas comment se sourcer…Nous avons aussi eu la demande d’échographes et de seringues-électriques. Et puis aussi on a livré des frigidaires, quand on voit les salles de garde, c’est quelque chose d’inquiétant. Certains soignants n’avaient pas à manger, on a livré des repas », précise Thomas Clozel.

Thomas Clozel regrette le « retard à la compréhension des besoins et les couacs du gouvernement qui a mis du temps à comprendre ces besoins, mais personne n’avait prévu tout cela, ce n’était pas facile », reconnait-il, aussi leur collectif a permis de mettre un peu d’huile dans ces rouages et pallier quelques manques. Tous ont fait joué leur réseau et cette vente caritative en est un parfait exemple. Bravo à eux.

12 Mai

Plan de soutien à la viticulture : c’est bien mais pas suffisant…

Le plan d’aide tant attendu vise des exonérations de cotisations sociales pour les TPE et PME du secteur viticole les plus en difficulté et met en place un dispositif de distillation de crise de 140 millions d’euros. La filière avait haussé le ton ces derniers jours en réclamant 500 millions, pour faire face à la crise qu’elle rencontre, notamment liée au coronavirus.

Didier Guillaume, Ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire Ministre de l’Economie et Olivier Dussopt Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics.© Compte Twitter Didier Guillaume

Le compte n’y est pas. Il ne faut pas être grand mathématicien pour mettre en relation des chiffres : quand la filière réclamait ces derniers jours 500 millions d’euros et que le gouvernement annonce par l’intermédiaire de son ministre de l’Economie 140 millions, on voit bien qu’il y a un fossé ou un « gap » pour faire plus « fun ». Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux espère qu’il s’agit là d’une première enveloppe et considère que « c’est bien mais ce n’est « pas suffisant, voire très insuffisant »… » Ce matin il prépare un communiqué en réaction.

Hier en fin de journée, Bruno Le Maire, le Ministre de l’Economie a annoncé sur son comte Twitter que la viticulture française allait bénéficier d’aides pour faire face à cette terrible crise. Une crise double en fait car déjà liée à une conjoncture mondiale et des marchés atones comme la Chine et les Etats-Unis qui avaient taxé à +25% les vins français (de moins de 14°) et celle qui s’est ajoutée liée au confinement de nombreux pays :

Le gouvernement va procéder à des exonérations de cotisations sociales pour les TPE et PME du secteur viticole les plus en difficulté et met en place un dispositif de distillation de crise de 140 millions d’euros », Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie.

 

Ce sont  85 000 entreprises qui sont concernées dans. tout l’hexagone, ce sont des exploitations viticoles, des caves coopératives et des négociants vinificateurs…Bref cela fait du monde. Ce n’est pas anodin si la filière avait ces derniers temps haussé le ton et réclamé 500 millions. Des mesures qui sont donc largement inférieures, au moins pour la distillation…

Bernard Farges, Président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux © Jean-Pierre Stahl

Joint ce matin, Bernard Farges le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux a commenté cette annonce faite hier soir et redétaillé les demandes très claires qui correspondent à 3 dossiers majeurs:

Il y a des réponses mais elles sont insuffisantes ou très insuffisantes; en revanche, les trois points mis sur la table sont identifiés », Bernard Farges président du CIVB.

  • « Le premier point, nous avions demandé la mise en place d’un fond de compensation lié au conflit Airbus-Boing depuis 4 mois… » explique Bernard Farges. « Le Président de la République s’est exprimé au salon de l’Agriculture à travers une disposition qui n’est toujours pas acquise, les 3 ministres ont voulu la relancer au niveau de la Commission Européenne, voulant se remettre en selle à ce sujet…On estime cette compensation à 120 millions d’euros ». Mais rien n’est fait pour l’heure.
  • 2e sujet, les exonérations de charges patronales sur les salaires et les charges des exploitations viticoles. Notre activité ne s’est pas arrêtée en terme de production, mais en terme de commercialisation, car les débouchés sont fermés, notamment la restauration (et les cafés, Hôtels) et cavistes, or ces établissements ont eu droit à du chômage partiel…Une partie de l’activité continue d’avancer (la production), il faut ainsi financer la récolte à venir, d’où des difficultés importantes pour de nombreuses entreprises: les choses se sont aggravées en avril et continuent de s’aggraver en mai…Il n’y a aucune visibilité sur le tourisme ni sur les Hôtels Cafés Restaurants, c’est autant de commercialisation en moins ! « 

Concernant ces exonérations de charges, le sujet est acté à hauteur de 100 millions d’euros et un mécanisme observera la baisse d’activité selon les entreprises » Bernard Farges

  • 3e élément : la distillation de crise et le mécanisme de gestion de disponibilité comme la vendange en vert.La Commission Européenne n’a pas répondu en terme budgétaire à la filière viticolecomme elle a pu répondre à la filière lait et à la filière viande ».

Le dispositif a été acté à hauteur de 2 millions d’hectolitre pour un budget autour de 150 millions d’euros, mais il n’est pas encore tout-à-fait calé. On demandait 3 millions d’hectolitres pour la distillation de crise, c’est largement insuffisant »

« Pour autant, c’est un début de plan mis sur la table, nous sommes amenés à nous revoir, ce n’est pas pris pour solde de tout compte ! »

Maintenant il faut lancer les dispositifs, certains sont en cours, il faut lancer la mécanique pour la distillation de crise pour que la distillation commence le plus tôt possible, en Gironde il existe deux groupes qui réalisent ces distillations : « en juin ce serait bien, en tout cas avant les vendanges ».

Quant à savoir qui pourra en bénéficier ? « On verra, il y aura tout type d’entreprise qui a des gros problèmes de stockage, ce sera du vrac ou de la bouteille, il n’y a pas de critère exclusif. Le prix donné devrait être de 80 centimes d’euros par litre. On travaille à mettre en oeuvre ce qui peut l’être et on continue à convaincre les ministres sur le 2e étage de ce plan. On sait qu’il va y avoir une rallonge mais c’est dommage qu’ils ne l’aient pas faite tout de suite. On sait qu’à chaque crise il y a de la casse et là c’est une grosse crise… »

Aujourd’hui, la filière française vin et spiritueux pèse plus de 12 milliards d’euros, c’est le 1er exportateur mondial en valeur : plus de 2 milliards de bouteilles dans 200 pays. Au niveau de la balance commerciale de la France, elle pèse très lourd et est au deuxième rang derrière la filière aéronautique. Ce sont plus de 550 000 emplois en France et comme le soulignait encore Bernard Farges sans doute « plus de 600 000 avec les emplois indirects, car au restaurant la marge dégagée sur les bouteilles finance plus que le sommelier ou le serveur, le vin est un sacré apport dans la restauration ».

11 Mai

Des châteaux de Sauternes proposent le 1er « week-end malin » du déconfinement

Certains châteaux comme Rayne-Vigneau ou Daisy-Daëne ont rouvert aujourd’hui 11 mai, premier jour du déconfinement. D’autres Lafaurie-Peyraguey ou Haut-Bergeron se préparent. Une initiative s’est faite jour de proposer aux Bordelais et Girondins de se mettre au vert pour le 1er week-end du déconfinement en visitant les châteaux, sur réservation et en respectant les gestes barrières.

Allez, après la grêle et les inondations, il faut penser aux beaux jours et ce premier week-end devrait repartir au beau. On pense ainsi à Jean-Jacques Dubourdieu qui a été victime samedi du gros orage de grêle à Pujols-sur-Ciron et donc ce serait fort sympathique de lui rendre une petite visite dans son autre propriété Doisy-Daëne à Barsac.

« En fait, on est ouvert depuis aujourd’hui à la visite, c’est non -stop la semaine et sur rendez-vous le week-end, et ce sera 7 jours sur 7 dès qu’arrivera le mois de juin », me précise Jean-Jacques Dubourdieu.

Les visiteurs pourront découvrir un jardin apicole, un potager au sein de la propriété, bien sûr les chais et la nouvelle boutique dans les caves voutées de Daisy-Daëne », Jean-Jacques Dubourdieu château Doisy-Daëne

On sent que dans le coeur de Jean-Jacques Dubourdieu coule la passion du vigneron, chevillée au corps, qui malgré l’épreuve de ce week-end, l’amène à se relever et se retrousser les manches. C’est avec plaisir que lui et ses équipes vont ainsi faire découvrir la propriété mais aussi les vins non seulement de Daisy-Daëne, mais aussi tous les vins et châteaux de la famille comme « Clos Floridène, Reynon, Haura et Cantegril. En fait les visiteurs feront un tour d’horizon par la dégustation entre Barsac-Sauternes, les Graves et Côtes de Bordeaux, un voyage entre rive droite et rive gauche, c’est notre spécificité ».

Les châteaux Rayne-Vigneau et Lafaurie-Peyraguey se font face à Bommes © JPS

Autre château déjà sur le pont, Rayne-Vigneau à Bommes : « cela fait une semaine qu’on travaille sur notre réouverture et on a ouvert depuis ce matin à 10h », précise le directeur Vincent Labergère. « On a essayé de déterminer tous les points critiques ou présentant un risque de contamination, bien sûr il y a du gel hydro alcoolique et des masques à disposition, et on a identifié les 6-7 allées du chai où se passent les visites et où traditionnellement les gens ont tendance à toucher les barriques, on va dire aux gens de rester sur une allée qui sera différente pour chaque visite; des visites que sur rendez-vous.

Le château Rayne-Vigneau juste en face de La Tour Blanche © JPS

Par ailleurs, notre comptoir de dégustation en bois, je l’ai fait vitrifier pour qu’on puisse le désinfecter régulièrement, et puis nous avons un protocole de nettoyage des verres. On va ouvrir 7 jours sur 7 et proposer tout ce que l’on proposait traditionnellement. »

Ce week-end du déconfinement, c’est pas bête, et c’est aussi une idée mise en avant par David Bolzan, l’homme qui ne dort pas à Sauternes: « c’est l’idée de dire: on est un pays de vignoble, c’est le moment de prendre l’air, de s’oxygéner à nouveau, de voir de la verdure plutôt qu’un balcon d’en face… C’est malin de venir découvrir nos châteaux qui sont en bord de route, on peut les admirer en voiture et venir les visiter, des architectures du XVIII au XIXe siècle et même d’avant… »

Lafaurie-Peyraguey sublimé par de nombreux panneaux de cristal Lalique © Jean-Pierre Stahl

Tous ces châteaux sont à trois quarts d’heure de Bordeaux, riches et variés en balades, ils seront ouverts ce week-end entre Sauternes et Barsac avec un accueil personnalisé mais pas de promiscuité » David Bolzan, directeur du château Lafaurie-Peyraguey

« Beaucoup de Bordelais et Girondins ne connaissent pas forcément Sauternes et cette région viticole, par rapport à Saint-Emilion et aux plages sur la côte où il risque d’y avoir du monde. Là on peut se balader en toute sécurité en voiture, sur 10 km2, et on accueille à la propriété ». Par mesure de précaution, « on aura des distributeurs de gels hydro-alcoolique, et à l’intérieur un marquage pour garder les distances et un port du masque recommandé, et obligatoire pour le personnel. C’est un accès libre et des visites sur rendez-vous, dans le chai comme dans la vinothèque, c’est très aéré…On pourra ainsi acheter du vin mais aussi se restaurer avec des paniers repas à emporter préparés par le chef Jérôme Schilling.

Le château © Haut-Bergeron à Preignac

Patrick Lamothe, du château Haut-Bergeron s’apprête aussi à ouvrir samedi, un château bicentenaire pour cette famille du Sauternes : « Haut-Bergeron, c’est avant tout une exploitation familiale, 9 générations de vignerons depuis 1820…Nous allions fêter notre bicentenaire au mois de juin, mais cela ne va pas se faire, c’est repoussé à l’été ou à l’automne; Haut-Bergeron, ce sont 40 hectares aussi de Sauternes sur 4 communes: Sauternes, Preignac, Bommes et Barsac. 80 parcelles différentes qui donnent une hétérogénéité au niveau du sous-sol qui est aussi extrêmement intéressante: des sols légers que nous partageons avec les plateaux d’Yquem, plus durs sur Peignac et à Barsac une belle acidité et nervosité dans les vins. 2/3 sur 4 communes et 1/3 sur Barsac. Les visites seront gratuites et sur rendez-vous… »

Les femmes ne sont pas oubliées avec ces dames de Sigalas Rabaud, 1er cru classé de Sauternes : « oui, nous sommes ouvert ce week-end », explique ravie Laure de Lambert Compeyrot. « On a mis en place un protocole de distanciation, les gestes barrières et avec un lavage des verres très précis. Nous avons aussi adopté la charte « séjour serein » pour nos chambres d’hôtes. Il est possible de louer les 5 chambres à la fis, de ce fait c’est une privatisation de la chartreuse avec utilisation de la cuisine et une femme de ménage prévue: « soyez chez vous dans un 1er cru classé de Sauternes »…

Le château © Sigalas-Rabaud, facilement reconnaissable à ses volets rouges

Château Guiraud, 1er cru classé de Sauternes est ouvert depuis aujourd’hui « avec des conditions très strictes et prises de rendez-vous 48 heures à l’avance afin de rassurer tout le monde  » précise son directeur Luc Planty. Il s’apprête à recevoir selon un protocole établi et un « maximum de 6-8 personnes. Le guide portera un masque et des gants et pour les visiteurs port du masque obligatoire. Les gestes barrières préconisés par le gouvernement seront à respecter.Les verres seront lavés et stérilisés à + de 70°C. La visite va durer 1h30, visite des chais, du jardin et plantes aromatiques et dégustation de 3 vins le G, Petit Guiraud et le grand vin de Guiraud. »

Luc Planty lors des dernières vendanges à château Guiraud en octobre 2019 © JPS

  • Château Daisy-Daëne à Barsac: ouvert la semaine et ce week-end sur rendez-vous au 0556629651 ou par mail contact@denisdubourdieu.fr; visite payante à 8€ avec dégustation de 3 vins de la propriété ou des propriétés de la famille Dubourdieu
  • Château Rayne-Vigneau à Bommes : ouvert 7/7 sur rendez-vous et le prochain week-end au 0556766405; visite payante à 15€ avec dégustation de 3 vins le 1er vin 1er Cru Classé, Madame de Rayne et le sec de Rayne-Vigneau.
  • Château Lafaurie-Peyraguey à Bommes : ouvert ce week-end samedi et dimanche, visite sur rendez-vous au 0524228016, visite à 20€ avec dégustation de 3 vins
  • Château Haut-Bergeron à Preignac : ouvert samedi sur rendez-vous au 0556632476; visite gratuite, dégustation de 3-4 vins et pourquoi pas à la barrique…
  • Château Sigalas-Rabaud à Bommes : visite samedi et dimanche sur rendez-vous au 0557310745, visite à 10€ avec dégustation de 2 vins.
  • Château Guiraud à Sauternes : visite samedi et dimanche sur rendez)-vous 48 h avant au 0556766101, visite payante à 22€ avec dégustation de 3 vins.

Pour en savoir plus sur Sauternes lire ou relire :

Côté Châteaux n°11: Sauternes et sa magie du botrytis

Et voir ce magazine Côté Châteaux n°11 diffusé en décembre 2019 sur France 3 NOA réalisé par Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot:

10 Mai

En Gironde la saison des orages se poursuit : beaucoup d’eau et de la grêle avec quelques dégâts

C’est une saison quelque peu avancée. D’habitude, on l’appréhende en été. Mais ce printemps décidément n’est pas de tout repos, après le gel fin mars-début avril, ce sont deux gros épisodes d’orages, notamment d’orages de grêle qui ont eu lieu le 17 avril et ce samedi 9 mai… Hier des dégâts dus à la grêle ont été enregistrés sur Pujols, Budos, et en partie sur le Médoc en Gironde. Tour d’horizon avec Côté Châteaux

Les dégâts ce matin à 7h30 dans des vignes de Pujols © LP

LE SECTEUR LE PLUS TOUCHE A PUJOLS-SUR-CIRON

Jean-Jacques Dubourdieu témoigne d’emblée en cette fin de matinée : « c’est pas la joie, on a pris la grêle sur le Clos Floridène…

On a pris une bonne dérouillée au Clos Floridène à Pujols-sur-Ciron, la moitié de la propriété très touchée. J’habite là et donc j’étais aux premières loges pour voir ce bel orage de grêle, à 20h-20h10 c’est comme si la nuit tombait d’un coup, cela reste triste » Jean-Jacques Dubourdieu.

Les dégâts ce matin au Clos Floridène © Jean-Jacques Dubourdieu

« C’est un bel orage de grêle qui a démarré à sec entre 20h30 et 21h, au début on a eu du vent avec des rafales assez fortes et ensuite de gros grêlons, puis cela s’est déplacé sur Barsac mais avec davantage d’eau. Les secteurs touchés, Pujols, Budos, un petit peu Barsac. On a une parcelle sur Illats qui n’a pas été concernée, comme disaient les anciens c’est bien de ne pas avoir tout d’un bloc. Nos autres châteaux Reynon, Doisy -Daëne et Cantegril ne sont pas concernés. Pujols, c’est une commune d’habitude pas concernée par le couloir de grêle, on n’en n’avait pas eu depuis 1987-88. Heureusement, on était assuré, mais cela ne remplace pas, et on sortait de deux belles années 2018  et 2019, qui permettront d’amortir le choc. Mais on ne devrait avoir que la moitié de la récolte vraissemblablement. »

Des grêlons tombés sur le secteur de Saint-Symphorien en Gironde…

Loïc Pasquet, vigneron de Liber Pater, m’alertait dès hier soir sur l’intensité « c’était tendu toute la nuit ! », avec par endroits de gros grêlons, et faisait un tour dans ses vignes et sur le secteur de Landiras et dans les Graves :

Cela me donnait l’impression d’orage de montagne, sur Pujols et Budos cela a grêlé, un petit peu à Landiras et des torrents d’eau dans Landiras », Loïc Pasquet, vigneron Liber Pater

Dominique Guignard, le président du syndicat viticole des Graves est sur le pont aussi en ce dimanche matin : « je suis au milieu des vignes, je fais le tour…

Les dégâts importants saisis grêle et eau par © Dominique Guignard à Pujols

On a eu beaucoup d’eau 40 millimètres dans la nuit et autant aujourd’hui et demain. D’ici demain soir on devrait avoir 100 à 150 millimètres de pluie »  Dominique Guignard syndicat des Graves

« On a eu de la grêle sur le sud, sur Roaillan entre Langon et Bazas… », continue Dominique Guignard. « Après à Saint-Pierre de Mons, Langon, pas d’impact, Saucats il y a eu de la grêle mais là il n’y a pas beaucoup de vigne, surtout des céréales et du maïs. Je suis sur le pont et continue mon tour; il y a eu aussi beaucoup de vent et beaucoup de casse à cause du vent, notamment sur de jeunes pousses…

« Et après avoir sillonné toute la matinée son secteur des Graves, il se révèle que peu d’endroits touchés, excepté un secteur très durement impacté :

Le secteur le plus touché se situe entre Budos et Barsac sur la commune de Pujols-sur-Ciron, avec des parcelles touchées entre 80 et 100% », Dominique Guignard président du syndicat des Graves

 

Marc Médeville qui possède 50 hectares dans les Graves compte 8 hectares bien touchés : « on a 10 hectares avec le château Peyreblanque, cela a effectivement bien grêlé sur Budos et Pujols, en revanche pas de grêle et de dégâts en Bordeaux et Bordeaux Supérieur. Il y a eu 2 orages de grêle, le premier est arrivé de Balizac, des Grands Chais de France de l’ouest de Landiras et a balayé ce secteur là de manièce violente : nos vignes sont cramées, il n’y a plus rien, c’est très jaloux, il y a la moitié de la propriété à Budos massacrée et l’autre qui n’a rien; et l’autre orage de grêle sur Rouaillan, Langon vers Saint-Maixant. Des orages très violents et très localisés. »

Au niveau du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, Christophe Chateau recueille également des remontées d’informations sur les secteurs de Gironde les plus touchés : « les Graves, le secteur de Pujols sur Ciron avec des vignes bien gâchées, le sud de la rive droite et sud Gironde, du côté de Cadillac et un petit peu vers le Sauternais et un peu le Médoc… »

A Sauternes, Xavier Planty au château Guiraud, commente sur son secteur : « non, très peu de grêlons sur Sauternes, davantage sur Landiras, Illats, il semblerait qu’il y ait des dégâts, cela s’est passé vers 21h30 hier » Et Luc Planty de confirmer « des trombes d’eau et beaucoup de grêle sur Pujols, on a un copain sur Coimers dans les Graves qui a été touché, quelques feuilles hachées, mais rien de significatif, en tout cas pas de dégât sur Sauternes. »

« Incroyable orage de grêle hier en fin de journée à Saint-Laurent (10 kms de la propriété). Ce que vous voyez est un champ de jeunes pousses de maïs. Je tiens à rassurer tout le monde, le Chateau La Mouline est passé au travers » © Cédric Coubris

Dans le Médoc, Cédric Coubris du château la Mouline n’a pas été touché mais a partagé sur les réseaux sociaux une photo impressionnante d’un amas de grêle tapissant le sol : « on n’a pas de vignerons touchés sur mon secteur, il y a eu de gros grêlons sur Sainte-Hélène, Saint-Laurent, Carcans, Lacanau, cela tapissait le sol, à croire que c’est resté du côté forêt, car la vigne a été épargnée à Listrac, Moulis, Margaux. On croise les doigts car on ne peut pas faire grand chose, mis à part des canons à grêle, mais en ce moment les orages de grêle c’est tous les 10 jours… »

Juste avant les orages d’hier soir dans le Médoc © Rémi Denjean

DANS LE MEDOC DE LA GRELE MAIS LA VIGNE S’EN TIRE A BON COMPTE

Au château d’Arsac, Philippe Raoux tient à me rassurer : « non, je n’ai rien eu, on est passé au travers jusqu’à maintenant. Mais on a été complètement grêlé en 2017 donc ça va quoi…Cela va être un métier compliqué pour ce type de cru, car on ne vend pas si facilement que cela et si tous les 3 ans on a une catastrophe… Depuis 2010, on s’est équipé d’un canon à grêle, car en 2008-2009 on avait grêlé et perdu 30%, depuis on n’a jamais été grêlé. Cela a un coût mais il faut vraiment s’équiper. Hier le canon n’a même pas tonné… »

Claude Gaudin, le président de l’ODG Médoc, Haut-Médoc et Listrac confirme : « à l’heure qu’il est, pas d’informations avec des dégâts, sur Salaunes et Saint-Hélène il y a eu effectivement des dégâts sur des véhicules et des chaussées blanchies, les secteurs qui semblaient les plus compliqués au niveau viticole Saint-Laurent et Saint-Sauveur, il y a eu beaucoup d’eau, mais pas de dégât a priori les canons à eau ont bien joué leur rôle. »

Des branches cassées, grêle , pluie et vent, ont touché sévèrement plusieurs parcelles en Gironde, ici dans les Graves © Dominique Guignard

Sophie Aribaud, conseillère viticole, commente que sur son secteur du libournais et de Saint-Emilion, elle n’a pas eu de retour de ses clients sur d’éventuels dégâts. « En revanche, il ne fait que pleuvoir et c’est embêtant. On risque d’avoir de la coulure et du millerandage, beaucoup de parcelles sont saturées en eau, inondées, surtout pour les merlots il n’aiment pas cela, la floraison a commencé pour les Malbec, les cabernet et maintenant les merlots avec 3 semaines d’avance. Et de trouver dans cette climatologie particulière une note plutôt indienne : « on a une saison des pluies puis une saison sèche sur les derniers millésimes, en général cela se présente bien en fin de saison pour la grappe… »

09 Mai

Attention aux orages : vigilance orange et fortes pluies qui pourraient être exceptionnelles par endroits

5 départements sont placés en vigilance orange en cette fin d’après-midi. Attention aux orages, ce sont de fortes pluies qui devraient tomber, histoire d’en ajouter un peu plus dans les attaques de mildiou et autres maladie de la vigne.

Le Gers (32), la Gironde (33), les Landes (40),  les Pyrénées-Atlantiques (64) et les Hautes-Pyrénées (65), sont placés en vigilance orange aux orages et fortes pluies.

Un phénomène annoncé à partir de 16h ce samedi et qui devrait se poursuivre jusqu’à demain dimanche. Un phénomène qui fait écho aux orages de cette nuit qui n’ont pas trop fait de grabuge, rien à voir avec les orages de grêle du 17 avril dernier.

Le caractère exceptionnel de ce week-end pourrait être marqué par de fortes pluies et une accumulation assez remarquable selon Météo France. Ainsi le bulletin annonce : « C’est la durée des pluies soutenues ainsi que leur domaine géographique assez étendu qui font de cet événement un événement exceptionnel. Les quantités prévues en 48 heures pourraient ainsi avoisiner par endroits les valeurs centenales. »

« Les intensités des pluies pourraient atteindre fréquemment 20 à 30 mm (ou litres/m²) par heure. On attend ainsi sur l’ensemble de l’épisode, 50 à 100 mm quasi-généralisés sur les départements placés en vigilance orange.
Du Piémont Basque / Bigorre à l’Armagnac et au Bassin d’Arcachon, il est même possible que l’on atteigne localement 100 à 160 mm (soit 1 à 2 mois de précipitations) en moins de 36h, ce qui correspond à des durées de retour parfois de l’ordre de 100 ans. »

On croise les doigts pour que cela soit moindre par rapport aux prévisions de Météo France, déjà que les vignerons ont déjà dégusté avec la grêle le 17 avril dernier, là il semblerait que les maladies de la vigne risque de montrer le bout de leur nez. Mildiou, t’es où ?

08 Mai

En Provence, « visio-dégustations » ou « drive-in » pour contrer la chute des ventes de vin

A 18H30, les cinq amies sont au rendez-vous, chacune un verre à la main devant son ordinateur, pour partager un apéro et un cours d’oenologie virtuel: à l’origine de cette « visio-degustation », une viticultrice des Bouches-du-Rhône, qui veut contrer la chute des ventes due au confinement.

Avec ses amies, trois Marseillaises et une Parisienne, « nous avions l’habitude de nous retrouver une à deux fois par semaine pour l’apéro », raconte Laura, kinésiterapeuthe à Marseille. Elles ont passé une commande collective au château Barbebelle qui leur a livré directement le vin. L’apéro-dégustation leur « permet de patienter jusqu’aux retrouvailles ».

Bien qu’étant autorisés à rester ouverts, en respectant les mesures de sécurité et à l’exception de l’organisation de dégustations, caves et caveaux viticoles affrontent une nette chute des ventes de vin depuis les débuts du confinement, mi-mars. « Les ventes ont chuté de 30% en mars en France et de 50% en avril », se désole Madeleine Premmereur, gérante du château Barbebelle, spécialisé à 80% dans le rosé, et qui travaille beaucoup avec les restaurants, fermés depuis le 17 mars, et dont la réouverture n’est toujours pas prévue.

« J’ai décidé de m’immiscer dans leurs visio-apéros, les gens en sont friands, c’est convivial, ils ont l’impression d’en savoir plus après la visio-dégustation », ajoute Madeleine Premmereur, derrière ces « visio-dégustations ». « Vous avez vos bouteilles, j’espère que le rosé est bien frais? « , demande-t-elle à ses invitées avant de leur expliquer les différents cépages, et de détailler le procédé de vinification en barriques de chêne, puis la mise en bouteille et la commercialisation.

« Pour le rosé, la demande est au rosé clair, obtenu en pressant à froid des raisins très frais », vendangés de nuit, note Madeleine. « On en vend beaucoup aux restaurants mais pas en ce moment, heureusement que vous êtes là ».

Les ventes se poursuivent aussi par l’intermédiaire des cavistes et grâce au site internet. Au château de Cabran, près de Puget-sur-Argens (Var), Renaud de Saint-Seine, qui réalise 80% de son chiffre d’affaires avec les cavistes et les particuliers, compte lui aussi sur la vente par internet et directe après avoir subi « un gros ralenti » en avril.

PROMOTIONS SUR LES FRAIS DE PORT

« Nous sommes ouverts au public, mais peu de gens viennent », regrette-t-il. Depuis le début du confinement, les efforts se portent sur la livraison. « On a drastiquement baissé le seuil à partir duquel les livraisons se font en France (…) et à la cave, nous proposons des livraisons à domicile ou des formules de « drive in+ ». Autre trouvaille: des commerçants ouverts qui acceptent d’être dépositaires de ses vins.

Des viticulteurs du Vaucluse ont eux aussi opté pour le « drive in » après commande par téléphone ou internet, comme au domaine de la Tourade, dans le Gigondas après a suspension des activités oenologiques.

Les Côtes du Rhône sont aussi frappés par une baisse des ventes après la fermeture des hôtels, des restaurants ou même des boutiques « car il n’y vient personne », témoigne Michel Blanc, directeur du développement de la maisons de vignerons, à Gigondas.

Restent les boutiques en ligne qui font des promotions sur les frais de port en France ou à l’étranger. « On perd de  ‘argent mais on essaye de limiter la casse », décrit-il.

Spécialisés dans le rouge, les domaines des Côtes du Rhône restent toutefois moins inquiets que leurs congénères plus au sud qui produisent en particulier du rosé, un vin plus saisonnier. « Ce n’est pas une denrée périssable, on peut le vendre dans six mois, la difficulté c’est la trésorerie », analyse M. Blanc.

Le président du syndicat des crus Châteauneuf-du-pape, Serge Gradassi, partage cet optimisme pour les crus de rouge classés. Pour résoudre les problèmes de trésoreries, les viticulteurs tablent sur des « prêts garantis par l’Etat, un report des cotisations » et négocient avec le gouvernement une exonératon de charges.

Le piège serait un effondrement des cours du vin. « Il faut maintenir les cours et ne pas lâcher le prix… dire aux vignerons de ne pas vendre à n’importe quel prix », soutient M. Gradassi.

AFP

07 Mai

Parade au confinement, le « premier » salon des vins virtuel est né

Prowein, Les Grands jours de Bourgogne, London Wine fair… : l’annulation en série des salons des vins a durement touché les producteurs. Pour que les échanges commerciaux continuent, malgré le confinement, « Hopwine », le « premier » salon des vins virtuel, aura lieu du 18 au 25 mai.

« On peut créer une rencontre virtuelle mais une dégustation réelle », explique à l’AFP le cofondateur de Hopwine, Mathieu Lojkiewiez. Le salon, « premier » du genre selon le responsable, est une sorte de « boutique en ligne » réservée aux professionnels où ils visitent virtuellement les stands des producteurs exposants.

Si les visiteurs sont intéressés, ils peuvent commander un coffret dégustation du producteur concerné qu’ils reçoivent sous forme de « vinottes », des échantillons certifiés de 2 cl mis au point par la start-up lyonnaise Vinovae.

La visite est gratuite pour les acheteurs, les frais étant à la charge des exposants.

Ils sont actuellement au nombre de 75, provenant de l’ensemble de la France et de quelques pays étrangers. Une belle réussite, selon M. Lojkiewiez, qui compte dépasser les 100 exposants d’ici à l’ouverture de Hopwine (« Hop » comme un petit saut de puce, à l’image des échantillons de vin).

L’objectif est de pérenniser l’idée au-delà du confinement, confie le fondateur, même s’il ne s’agit pas de « remplacer les salons physiques mais de les compléter », explique M. Lojkiewiez, qui est également le fondateur de Tyméo, agence spécialisée dans la communication des vins et spiritueux à Saint-Rémy (Saône-et-Loire).

AFP

06 Mai

Michel Rolland : 48 années au service de la vigne avec « beaucoup d’énergie, d’enthousiasme et de passion »

Michel et Dany Rolland viennent de céder une partie des leurs parts du célèbre laboratoire Rolland qui devient « Rolland & Associés ». Les fidèles collaborateurs Julien Viaud, Mickaël Laizet et Jean-Philippe Fort ont ainsi acquis 60% au sein de la structure. Un passage de témoin en douceur, même si Michel Rolland n’a pas raccroché les gants, pas question de retraite, à 72 ans il a toujours de l’énergie et de la verve. Côté Châteaux lui consacre une interview Parole d’Expert.

Au centre Michel et Dany Rolland, et leurs associés Jean-Philippe Fort, Julien Viaud et Mickaël Laizet © Ozco-Rolland&Associés

Jean-Pierre Stahl : « Bonjour, Michel Rolland, on a appris en début de semaine ces changements opérés au laboratoire Rolland, est-ce cela veut dire que Michel Rolland a raccroché les gants ? »

Michel Rolland : « Malheureusement, au grand dam de certains, NON… (rires). Cela ne veut rien dire, j’avais depuis 20 ans au sein de la structure des collaborateurs qui ont toujours été fidèles, les 3 qui aujourd’hui sont devenus mes associés (Jean-Philippe Fort, Mickaël Laizet et  Julien Viaud), un est là depuis 30 ans, l’autre depuis 22 ans et le troisième depuis 14 ans, eux ils vont être moins tranquilles…En fait, on a fait une société.

« Michel Rolland a quand même 72 balais, à ce moment-là ou on pense à l’avenir ou on continue et on ne s’occupe de rien… Mes ex-collaborateurs deviennent donc mes associés et vont continuer à porter le flambeau Rolland pour qu’il continue à flotter sur les vignobles… »

JPS : « Ce sont bien 60% des parts du laboratoire qui ont été cédés ? »

Michel Rolland : « Oui, on a cédé 60% de la société avec Dany, absolument. Tout cela est du juridique et de l’évaluation. Cela a pris à peu près un an de discussions et de mise au point, enfin plus de mise au point. On ne s’est pas battu, ni frité sur les détails, on l’a fait de manière très nette et propre. »

JPS: « Qu’est ce que cela représente le laboratoire Rolland ? »

Michel Rolland: « C’est une vingtaine de pays, 230 consulting, un chiffre assez important d’analyses, c’est une affaire qui marche plutôt bien. Elle méritait de continuer à marcher et à évoluer dans ce sens. »

Michel Rolland pour les primeurs en avril 2017 sur le millésime 2016 © JPS

JPS : « Vous en êtes à vos 48e vendanges et vinifications, qu’est ce qu’on peut dire au bout de toutes ces années du leg de Michel Rolland ? »

Michel Rolland: « Je ne sais pas si j’ai apporté quelque chose, mais je l’ai fait avec beaucoup d’énergie, d’enthousiasme et de passion. On ne fait pas ce métier sans passion…sur le plan viticulture et oenologique… »

« Quand vous êtes général et que vous connaissez deux guerres, vous avez la chance de ramasser des étoiles, et en temps de paix, c’est différent.  Vous voyez, dans les années 70, c’était plutôt médiocre à Bordeaux, e puis dans les années 80-90-2000, cela a évolué. J’ai surfe sur une vague et profité d’une situation où les gens avaient besoin d’améliorer leur vin et j’étais là. C’est pour cela qu’on existe. J’ai un peu pris le leadership avec de bonnes réflexions et cela a été aussi l’avantage d’être en tête. »

Jean-Claude Fayat et Michel Rolland dans le portrait réalisé par Jean-Pierre Stahl sur Côté Châteaux et NOA © Léa Lejeune

JPS: « Durant toutes ces années, est-ce qu’on peut parler d’évolution du goût avec la présence de Robert Parker et avec votre expertise, on a souvent parlé de vins body-buildés et aujourd’hui cela a évolué à nouveau, c’est plus sur le fruit…? »

Michel Rolland : « C’est la plus énorme des conneries qu’on ait pu dire durant ces 45 années de travail. Le goût Parker, on l’a inventé. Beaucoup de personnes n’arrivaient pas à la cheville de Robert Parker. Cela les rendaient nerveux… C’est en fait de la connerie franco-française ou bordelo-bordelaise qui n’existe pas ailleurs dans le monde. Du moment où Parker notait bien, cela faisait vendre et rendait le(s) voisin(s) jaloux et idiot(s).

Tous les grands millésimes étaient bodybuildés…1947, 1929,1928 ou même 1871...souvent des années chaudes aussi. C’est la plus impressionnante connerie qu’on ait pu dire, c’est typiquement franco-français, et avec cela ces imbéciles ils ont « tué » de façon mesquine et absurde l’image de Bordeaux. Non franchement, il faut arrêter d’être bête, ce que l’on vient de passer là montre les limites du journalisme et on peut tout perdre. Oui je l’ai suivi au jour le jour. On critique Parker, moi je critique le journalisme. »

Michel Rolland, Julien Viaud et Paolo Basso meilleur sommelier du monde 2013 en avril 2018 © JPS

JPS : « Quel est l’avenir maintenant de Michel Rolland ? »

Michel Rolland: « L’avenir, il est derrière moi maintenant. Je continue à faire ce que j’aime, c’est pour cela que j’ai mis mes collaborateurs dans le coup. C’est du boulot à s’occuper de tout cela, dans les affaires j’aimais moins la gestion.

J’adore déguster, je déguste bien et même avec les années. Je dois déguster encore dans une quinzaine de pays, dont la France. Tant que mes jambes me le permettront, eh bien je le ferai. Je ne pense pas qu’ils aient l’intention de me virer tout de suite…Je pense que j’ai un peu d’expérience à faire profiter ».

Les Clés de Châteaux en avril 2017 avec Cyril Lignac © JPS

JPS : « C’est vrai Michel que vous êtes reconnu pour être non seulement un grand dégustateurs des baies de raisin mais aussi un expert au niveau des vinification, bref un champion! « 

Michel Rolland : « Oui, c’est la recherche de maturité. Pourquoi les grands 1947 ou plus anciens 28 et 29 étaient si réussis, si grands, alors qu’à l’époque il n’y avait pas d’oenologie, pas de technique. Si on reprend leur histoire, c’était mûr, avec des années chaudes et de petits rendements, excepté sur le 82 où il y a eu de bons rendements.

« Mais c’est quoi la maturité, alors que personne ne savait ce que c’était ni la mesurer… J’ai été un des premiers à le faire, à goûter les raisins et à voir à quoi cela ressemblait… C’est sûr que quand c’est mûr, c’est mûr. Quand on a un raisin pas mûr, il n’a pas d’appel. On recherche la maturité et pas la surmaturité. Globalement cela fait progresser les affaires. »

JPS : « J’imagine vous êtes confiné, à Bordeaux ?

Michel Rolland : « Oui confiné à Bordeaux, mais il y a toujours un peu d’énergie et je commence à m’emmerder car j’aime bien quand même voyager un peu. Depuis deux semaines, je vais quasiment tous les jours au laboratoire et dans les vignes… Ça va bien, la pousse cela va pas mal et en avance… Cela risque d’être une année précoce. »

La team Rolland, avec Dany Rolland, Michel Rolland et leurs oenologues associés (à gauche Julien Viaud, Mickaël Laizet et Jean-Philippe Fort), avec Michel Trama chef ** , Gwendoline Lucas et Jean-Claude Fayat propriétaire de La Dominique © JPS

JPS : « Enfin, Michel quel est votre regard sur le millésime 2019, qu’on n’a pas encore pu dégusté du fait d’une semaine des primeurs reportée…? »

Michel Rolland : « Le 2019, le pauvre, on va lui attribuer le covid, l’inconvénient il risque d’être associé pendant un moment à cette période…

« C’est un très bon millésime, on a de très jolis vins; j’ai goûté et redouté plus de 200 vins avec mes collaborateurs, juste pour nous, car effectivement on n’a pas fait cela avec les grands dégustateurs habituels… Il y a des vins superbes à tout niveau, même en Bordeaux Bordeaux Supérieur et pour les satellites de Saint-Emilion. 

« J’espère que le millésime n’aura pas trop à en pâtir, quant au commerce je pense qu’on ne va pas partir sur un marché débridé et acheteur. Moi, j’ai déjà vu cela sur de grands millésimes comme le 90, c’est déjà arrivé avec le contexte de la guerre du Golfe, également sur le millésime 2001 qui est arrivé juste après le 2000, alors que le 2001 était souvent meilleur, oui on a déjà vécu cela, cela risque de polluer un petit peu au départ, mais ce 2019, c’est un bon millésime. »

Merci à Michel Rolland pour cette interview pour Côté Châteaux.Toujours un grand moment avec un grand Monsieur du Vin.

Retrouvez ici le numéro spécial primeurs de Côté Châteaux réalisé l’an dernier par Jean-Pierre Stahl et Sébastien Delalot et diffusé sur France 3 NOA avec le portrait de Michel Rolland: (à 11’50 »)