19 Oct

Une étude sur l’exposition des riverains aux pesticides lancée mais contestée dans le Bordelais

Une étude d’ampleur inédite visant à établir une « photographie objective » des risques d’exposition aux pesticides des riverains de domaines viticoles, a été lancée mardi mais l’interprofession des vins de Bordeaux refuse de s’y associer, craignant des « conclusions hâtives ».

Avec « PestiRiv », l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) et Santé publique France (SpF) vont suivre jusqu’en août quelque 3.350 participants volontaires de 3 à 79 ans, répartis dans 250 zones d’études étalées sur six régions.

Ils résident soit dans les zones viticoles (moins de 500 mètres de vignes et plus de 1.000 mètres d’autres cultures) soit à plus de 1.000 mètres de toute culture, afin de faciliter les comparaisons, et feront notamment l’objet d’un suivi biologique (prélèvements d’urine ou de cheveux…) et environnemental (capteurs d’air ambiant, échantillons d’eau ou de légumes du potager…).

Pour Jean-Luc Volatier, de la direction de l’évaluation des risques de l’Anses, la viticulture est particulièrement concernée car constituée de « cultures pérennes avec des fréquences de traitement relativement élevées et une forte imbrication entre habitat et vignes ».

« Une cinquantaine de substances seront mesurées« , a précisé Atmo France, qui participe aux relevés. « C’est la première étude qui permettra de mettre en regard le niveau d’exposition réelle de la population (…) à l’ensemble des sources possibles d’exposition : air, alimentation, eau, activité professionnelle dont usages agricoles, et usagesdomestiques ».

Les résultats des analyses de plusieurs millions d’échantillons sont attendus en 2024 et doivent permettre « d’objectiver s’il y a une surexposition » des riverains
et de « comprendre pourquoi et comment, afin de donner tous les leviers pour agir », a souligné Ohri Yamada, responsable de la phytopharmacovigilance à l’Anses.

L’association environnementale Générations futures, qui a publié en mars un classement des départements les plus gourmands en pesticides, avec deux départements vitivinicoles en tête (Gironde et Marne), a « salué » mardi le lancement de PestiRiv mais regretté le « temps perdu ».

En mettant en avant leur « rigueur scientifique », les organisateurs de l’étude souhaitent se prémunir contre les critiques sur un sujet très sensible qui a déjà débouché sur des procès, voire des tensions physiques, dans certaines régions.

PestiRiv fait notamment grincer des dents dans le Bordelais. L’interprofession a fait savoir, dans une lettre de son président à la préfète, datée du 1er octobre, révélée par Le Monde et dont l’AFP a eu connaissance, qu’elle « n’accompagnera pas cette démarche, ni auprès des entreprises viticoles girondines, ni auprès des maires des communes concernées« , à moins que Santé publique France et l’Anses ne la rassurent sur plusieurs points.

Le Conseil interprofessionel des vins de Bordeaux (CIVB) regrette, entre autres, un « manque de transparence » sur les retours d’une phase d’expérimentation menée en 2019 en Nouvelle-Aquitaine ainsi que « la disparité de localisation des échantillons, avec plus de la moitié de l’étude qui se déroulerait en Gironde ». Il voit « ce focus sur le vignoble bordelais » comme « un biais majeur dans le protocole » et « ne souhaite pas que Bordeaux soit de nouveau le bouclier derrière lequel les autres vignobles français peuvent s’abriter ».

Le CIVB n’est en outre pas « convaincu » que SpF et l’Anses, « une fois le travail d’analyse et de diffusion réalisé, feront l’effort de pédagogie et de contradiction nécessaire pour éviter les conclusions hâtives et faisant fi de toute rigueur scientifique ».

Une position que ne comprend pas Béatrice de François, la maire PS de Parempuyre (Gironde), aux portes du Médoc. « C’est dommage qu’ils (le CIVB) se braquent d’entrée comme ça, ils auraient tout intérêt à accompagner cette étude et le changement des pratiques », explique à l’AFP cette maire, qui avaient pris en 2019 un arrêté
interdisant les produits phytopharmaceutiques « à moins de 100 m de toute habitation ou espace public », annulé par la justice administrative. Selon Mme de François, qui rappelle que les pesticides ne concernent pas que la viticulture mais bien l’agriculture en général, « une vraie étude scientifique neutre » comme PestiRiv, « sur une durée un peu longue, sur des enfants et des adultes », sera « intéressante ».

AFP