A la suite d’un jugement du tribunal administratif de Lyon, il est désormais interdit de vendre comme d’utiliser du Roundup Pro 360, un produit désherbant contenant du glyphosate de Monsanto/Bayer utilisé surtout en viticulture.
La justice a en effet annulé mardi l’autorisation de mise sur le marché de ce produit, estimant qu’il devait « être considéré comme une substance dont le potentiel cancérogène pour l’être humain est supposé ». Une décision « à effet immédiat », indique l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) à l’AFP, précisant qu’en conséquence sa vente, sa distribution et son utilisation « sont interdites à compter de ce jour ».
Les juges mettent clairement en cause l’Anses, organisme chargé de distribuer les autorisations des mises sur le marché en France des pesticides, estimant qu’elle a « commis une erreur d’appréciation au regard du principe de précaution » en autorisant ce produit le 6 mars 2017. Sur le fond, l’Anses se borne à dire qu’elle « examinera avec attention » le jugement et ne précise pas si elle fera appel de la décision.
Le géant allemand de la chimie Bayer, qui a racheté en 2018 son concurrent américain Monsanto, se dit lui « surpris ». Il « souhaite rappeler que l’Agence européenne de la sécurité des aliments (EFSA), en 2015, a conclu que la classification comme « cancérogène probable » du glyphosate n’était pas justifiée ». Il étudie désormais « la suite juridique à donner à ce dossier », précise-t-il dans un communiqué. Cette décision intervient alors que le débat fait rage en France et en Europe sur la potentielle dangerosité du glyphosate, principe actif du Roundup.
En novembre 2017, l’Union européenne avait renouvelé son homologation du glyphosate pour cinq ans, mais le président Emmanuel Macron s’est engagé à le bannir en France d’ici à 2021.
Pour autant, le Roundup Pro 360 ne représente que 2% des ventes de glyphosate sous la marque RoundUp en France. Il est utilisé surtout dans les vignes et « dans une moindre mesure en grandes cultures », précise Bayer.
« C’est une décision absolument majeure car elle devrait concerner tous les Roundup, le tribunal considérant que tous les produits contenant du glyphosate sont probablement cancérogènes », s’est félicitée l’avocate du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), Me Corinne Lepage, qui avait saisi la justice en mai 2017 pour réclamer le retrait de ce désherbant.
L’Anses avait fait valoir devant les juges administratifs que le Roundup Pro 360 avait une composition « strictement identique » au Typhon, herbicide commercialisé par le groupe israélien Adama et autorisé en France depuis 1996. Un argument balayé par le tribunal, jugeant que le caractère cancérogène du Typhon n’avait « pas été étudié » dans l’avis de l’autorité sanitaire.
En revanche, l’Anses avait admis que le Typhon, du fait de sa composition associant glyphosate et ammonium quaternaire, présentait « une toxicité
plus importante que le glyphosate lui-même » et l’avait classé « toxique pour les organismes aquatiques ». Les juges en ont déduit que le Roundup Pro 360 avait les mêmes effets.
Europe-Écologie-Les Verts a également introduit un recours devant le tribunal administratif en 2018 contre les autorisations de mises sur le marché de tous les produits contenant du glyphosate, en réclamant le réexamen en urgence par l’Anses de la dangerosité de cette substance. « Cette décision (du tribunal administratif de Lyon) laisse entrevoir une sortie réelle du glyphosate alors que le gouvernement tergiverse depuis trop longtemps et parle d’une sortie dans 3 ans depuis… bientôt 2 ans », a réagi auprès de l’AFP le porte-parole d’EELV Julien Bayou.
De son côté, l’ONG Générations Futures demande à l’Anses de prendre en compte « le potentiel probablement cancérogène de toutes les formulations à base de glyphosate qu’elle est en train de réévaluer ».
Fin novembre, l’Anses précisait que 69 produits contenant du glyphosate faisaient l’objet d’une demande d’autorisation de mise sur le marché français, dont 58 dossiers de renouvellement.
AFP