Mardi, Bruxelles a prolongé l’utilisation pour 7 ans du sulfate de cuivre dans les vignes. La bouillie bordelaise est utilisée pour lutter contre le mildiou notamment. Mais avec les attaques que l’on a connues cet été, la restriction à 4 kilos de cuivre par hectare au lieu de 6 risque de poser problème. Une utilisation lissée sur 7 ans. Voici les réactions des viticulteurs et ce qu’ils ont vécu l’été dernier.
A Saint-Christophe-des-Bardes, Anne-Lise Goujon est en bio depuis 2001 (certifiée en 2003) Elle a été parmi les premiers et fait partie des 826 exploitants aujourd’hui en bio ou conversion, sur 11665 hectares.
Cette année, elle a subi la sécheresse et un peu de mildiou, mais surtout la sécheresse. Elle a été obligée de traiter davantage avec la bouillie bordelaise ou sulfate de cuire, pour limiter la casse. Elle n’a eu au final un rendement que de 25 hectolitres à l’hectare contre 40-45 habituellement.
« Cette année, il y a eu de très fortes pressions, très favorables pour le développement des champignons, donc on a traité avec du cuivre et du soufre, nous sommes à 13 traitements et on a atteint les 6 kilos de cuivre », me précise Anne-Lise Goujon du Moulin de Lagnet.
Son voisin, Arnaud de la Barre du château Laplagnotte-Bellevue a perdu la moitié de sa récolte à cause du mildiou. Lui est en biodynamie depuis l’an dernier et en bio depuis 2012. En biodynamie, ses traitements ne peuvent excéder 3 kilos par hectare, il complète ses traitements avec des plantes.
« J’ai des convictions sur la biodynamie, donc je suis à fond dedans, des années comme celle-là ce sont des années catastrophiques, surtout que l’année dernière on avait gelé donc on avait aussi perdu beaucoup. Donc là cela fait deux années d’affilé, l’année prochaine on n’a plus le choix, il faut faire le plein », commente , Arnaud de la Barre du château Laplagnotte-Bellevue.
Le cuivre représente-t-il un réel danger pour les sols, un risque de stérilisation ? Les viticulteurs en bio pensent que non, car l’utilisation du cuivre a été fortement réduite ces dernières années, et notamment en rapport avec ce qui se pratiquait dans les années 50-60; d’ailleurs, la tendance à faire du bio ne se dément pas car une centaine de propriétés cette année ont fait le choix de la conversion bio, 15% des crus classés 1855 sont désormais en bio et d’ici 2022 le marché en France devrait doubler du fait de la demande mondiale.
Pour Anne-Lise Goujon du Moulin de Lagnet et présidente des Vignerons Bio d’Aquitaine: « les sols qui sont abîmés, c’est antérieur à l’agriculture biologique. Ce sont des sols qui ont toujours eu de la vigne et qui ont eu des dose bien supérieures à celles qui sont autorisées aujourd’hui »
L’Europe a donc prolongé l’utilisation du sulfate de cuivre pour 7 ans, mais en limitant les doses à 4 kilos de cuivre par hectare contre 6 précédemment, avec une tolérance car l’utilisation sera lissée sur 7 ans.
Pour Bernard Farges, président de la fédération européenne des vignerons d’appellation d’origine :« cette décision de Bruxelles est un mauvais compromis; réduire ces doses au moment où il n’y a pas d’alternative suffisante, c’est un mauvais signe la viticulture bio, c’est une mauvaise décision. »
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Nicolas Pressigout, Eric Delwarde et Nicolas Titonel :