16 Jan

Loïc Pasquet fait revivre les cépages d’autrefois à Bordeaux

Il fait figure d’OVNI pour certains, pour d’autres de génie. Loïc Pasquet a souhaité retrouver le goût du Bordeaux d’autrefois avec des cépages « pré-phyloxéra » qu’il a planté à Landiras, comme le castet et le mancin ou tarnay-coulant. Nous avons dégusté dans son chai son premier millésime 2015, en blanc et en rouge…des vins frais, sur le fruit, avec une certaine tension.

Loïc Pasquet en pleine plantation © JPS

Loïc Pasquet en pleine plantation © JPS

A la base, Loïc Pasquet n’a rien à voir avec Bordeaux. Il n’est pas fils de propriétaire viticole, mais ancien ingénieur en recherche et développement en matériaux. Il n’est pas non plus Bordelais mais Poitevin. Et pourtant, il se fait fort de réimplanter à Bordeaux ses cépages d’autrefois, avec « le goût d’autrefois » comme il dit.

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Il y a 10 ans lorsqu’il s’est installé sur le secteur de Landiras, il a identifié tout d’abord un terroir, une ancienne île qui s’est formée à l’aire tertiaire, un terroir de graves et de sable. Ensuite il s’est dit qu’ il n’y avait pas « d’équivalent de la Romanée Conti, de vin de lieu à Bordeaux. » A force de lire quelques ouvrages anciens, il s’est alors mis en tête de retrouver des cépages d’autrefois, afin d’adapter au mieux ces cépages à leur terroir : il a ainsi redécouvert le mancin ou tarnay-coulant, mais aussi le castet, le saint-macaire, et le malbec, le petit verdot et le cabernet sauvignon qui sont déjà bien plus courants. Mais en tout cas pour lui pas de merlot.

Il a ainsi planté ses premiers cépages d’autrefois en 2010, francs de pieds. Des cépages bouturés à partir de quelques spécimens fournis par le conservatoire de la vigne. Et c’est ainsi qu’en 2015, il a produit ses premières barriques issues de cépages autochtones : une production intimiste car il ne sort que 1000 à 1500 bouteilles en rouge et 900 de blanc avec les cépages sémillon, lauzet et camaralet.

Aujourd’hui on plante du cabernet sauvignon, mais il faut savoir qu’on replante les 14 cépages autochtones de Bordeaux qui ont fait la gloire de Bordeaux il y a encore 200 ans, c’est vraiment cette diversité des cépages qui a entraîné cette diversité du goût », Loïc Pasquet.

L'aste est courbée et replantée dans le sol © jps

L’aste est courbée et replantée dans le sol © jps

Bien évidemment ses vins ne sont pas commercialisés en vins de Graves mais en vin de France car ils ne correspondent pas au cahier des charges qui prévoit comme cépages reconnus de l’appellation le merlot, le cabernet sauvignon, le cabernet franc, le malbec et le petit verdot. Quant aux plantations celles-ci doivent comprendre plus de 5000 pieds à l’hectare, des rangs espacés de maximum 2 m et des pieds espacés d’au moins 80 cm sur un même rang.

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Lui a planté à l’ancienne car ici tout est fait pour être totalement autonome « dans un esprit paysan », les pieds sont bouturés, une fois taillée l’aste est replantée dans le sol, pas besoin de fil de fer, il n’y a que 2,3 hectares, c’est vraiment un petit domaine, c’est du cousu main…

« Tous ces cépages autochtones, on les replante comme ce qu’il se faisait à l’époque, juste pour faire passer un outil en traction animale. Et l’espacement entre rangs pour faire passer un outil c’était entre 60 et 64 cm. En fait tous les cépages sont plantés ici à 20000 pieds à l’hectare. »

TONNELIERS 191Comme en Bourgogne, il réalise comme il dit « un vin de lieu », un vin de terroir au faible rendement, actuellement de 5 à 10 hectolitres à l’hectare. Une production intimiste avec seulement 1000 bouteilles en rouge et 900 en blanc, des vins rares donc très chers commercialisés entre 3000 et  5000 euros et parfois même au delà, en Russie, en Chine, dans les émirats…et un peu partout dans le monde.

Liber Pater, le vin le plus cher produit à Bordeaux

Liber Pater, le vin le plus cher produit à Bordeaux

Ce trublion de Bordeaux, empêcheur de tourner en rond, peut paraître dérangeant. Il a été « découverte de l’année 2011 » selon la RVF.

Certains s’en sont pris à une époque à ses pieds de vignes, il a aussi été poursuivi et condamné en justice pour une affaire avec France Agrimer qui va repasser en appel le 8 mars prochain à Bordeaux. Sa démarche, lui l’inscrit davantage dans l’histoire. En tout cas les gens les plus aisés de la planète s’arrachent ses vins.

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl et Nicolas Pressigout, montage Corine Berge :