Sauternes a disparu ! Ouf, uniquement sur l’étiquette principale du château d’Yquem. Un signal donné au monde entier. Une marque qui se vend sans l’AOC (qui toutefois demeure sur la contre-étiquette car obligatoire). Pierre Lurton, le PDG d’YQUEM, est l’invité ce mois-ci de parole d’expert…
La nouvelle étiquette pour le millésime 2011 de château d’Yquem
Jean-Pierre Stahl : «Yquem est à nouveau sous les projecteurs, avec une nouvelle étiquette pour le 2011 où l’appellation Sauternes a été retirée sur la première étiquette mais figure bien sûr sur la contre-étiquette comme mention obligatoire, pourquoi cette disparition ?»
Pierre Lurton : « Originellement, il n’y avait pas Sauternes sur l’étiquette.Il y avait marqué « Lur Saluces ». C’est vrai qu’on nous a demandé de retirer ce nom en 2001. Il y avait un grand vide et on a ajouté Sauternes. Donc si vous voulez, on est revenu à l’origine, ce qui ne veut pas dire qu’on n’adhère pas mais on retrouve Sauternes sur la contre-étiquette comme mention obligatoire. »
JPS : « Aujourd’hui va –t-on vers une plus grande lisibilité sur l’étiquette ou est-ce les grandes marques qui se permettent le luxe de retirer le nom de l’appellation ? »
PL : « Tout le monde aime cette pureté originelle d’Yquem, et puis c’est la grande marque connue dans le monde entier. Quand il y a des vins à 50 euros et qu’on est vendu 450, on se demande ce qu’on fait là. Les acheteurs à l’étranger ne comprennent pas. On ne peut pas être dans le même panier mais au niveau des Romanée-Conti, château Latour et autres Margaux…On ne veut pas être présomptueux, on partage le même écosystème avec des illustres voisins. Tout ce qui tirera Sauternes vers le haut nous ira tout-à-fait. »
Pierre Lurton (© Gerard Uferas Château d’Yquem)
JPS : « Si Yquem a fait l’impasse sur le 2012, (l’annonce avait été faite à l’occasion du premier Bordeaux Tasting), faut-il s’attendre au contraire à un millésime 2013 exceptionnel ? »
PL : « 2012, on ne l’a pas fait car d’une part, on n’avait qu’une trop faible quantité, et d’autre part on n’ a pas eu de ramassages satisfaisants au niveau des concentrations. L’assemblage à Yquem ne se fait pas que sur la sucrosité mais surtout sur la fraîcheur, c’est ce qui fait les grands vins. Régulièrement, on a fait l’impasse: en 1964, 1974 et 1992. Cela rassure la marque et les fidèles d’Yquem. »
« 2013 montre que la nature peut être généreuse. Dans un millésime qui n’est pas le plus recherché en rouge, le botritis a fait au contraire le plaisir de Sauternes et d’Yquem, ce sur un temps relativement long. On a fait un choix, une selection. Yquem sera, je le pense, comme le 2011 avec cette fraîcheur et d’une grande complexité qui fait les grands Sauternes. »
JPS : « Cheval Blanc, que vous dirigez également, vient de battre un nouveau record chez Christie’s avec 12 bouteilles du prestigieux millésime 1947 vendues plus de 130 000 euros, est-ce à dire que ces flacons doivent être considérés comme quasiment des œuvres d’art ? Est-ce bien raisonnable ? »
PL : « L’oeuvre d’art, je n’ai rien contre, mais ça peut se démoder ! 47 de Cheval Blanc, c’est un vin d’exception ! Chaque fois qu’on ouvre une bouteille, on est subjugué, c’est vraiment génial ! On est rarement déçu d’un 47…C’est vraiment une des deux ou trois bouteilles à retenir sur le siècle (XXème) à Bordeaux ! Cela ne m’étonne pas qu’on puisse mettre des sommes pareilles, la rareté fait le prix. »
PL : « A Yquem, on a révélé l’histoire. On est resté dans l’esprit de Françoise Joséphine de Sauvage d’Yquem (qui avait épousé Amédée de Lur Saluces) qui l’avait dessiné. On n’a fait que révéler et redonner le lustre à ce qui existait. A Cheval, il fallait se lancer dans le contemporain et dans une grande histoire architecturale. Le nouveau chai a été primé. Christian de Portzamparc a recu « l’award du grand dessin d’architecture ». Le chai est superbe, élégant et s’inscrit comme aux XVIIIème et XIXème dans ces œuvres intemporelles musicales qu’on écoute et réécoute. Deux démarches certes différentes mais toujours pour magnifier ! »
http://www.yquem.fr/
JPS « Comment vous organisez-vous entre Yquem, Cheval Blanc, Quinault l’Enclos, Cheval des Andes, votre propre château, Marjosse dans l’Entre-Deux-Mers, et toutes ces sollicitations à Paris et partout dans le monde ? »
PL : « J´ai une énergie naturelle ! Mais je me suis entouré également de collaborateurs de qualité. Je sais que derrière le travail est bien fait et en plus je suis aidé par les terroirs ! A Quinault, c’est surtout Pierre-Olivier Clouet qui est a la barre. Pour Cheval des Andes, j’ai toujours un regard au moment stratégique des assemblages au mois de mars. »
JPS : » Vous qui bouillonnez d’idées, quelle nouvelle trouvaille allez-vous nous faire partager prochainement ? «
PL : « Est-ce que j’ai toujours le feu sacré ? Qu’est ce que je mijote? On a encore des pages a écrire ! Terminer la restauration d’Yquem: si tel chateau est fini, il y a encore le jardin et des petites cours a revoir. On va continuer a aller de l’avant sur les grandes marques, on peut les moderniser encore plus. Yquem un peu plus frais en vin jeune est un apéritif merveilleux! Au niveau du Fooding avec de nouveaux chefs, on va essayer d’être avant gardistes.
Acquerir de nouveaux terrains ? Non, on va continuer de magnifier tout cela.
Je reste enthousiaste… Il faudrait que Bernard Arnault s’achète « un bout de terre en Bourgogne », et nos équipes iraient alors apporter notre savoir faire… »