23 Jan

On vend beaucoup moins de 1ers crus et de grands crus classés…on a réduit la voilure.

Parole d’expert a interrogé Olivier Cornuaille, le directeur d’une grande surface à Bordeaux-Caudéran, sacré meilleur hypermarché de l’année par la Revue du Vin de France. Il revient sur les grands crus classés qui se vendent nettement moins bien qu’il y a 6 ans. En cause leur prix ! Le ticket moyen par bouteille est tombé à 16-17 euros au lieu de 20-21 lors des foires aux vins, un marqueur et un révélateur…

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Olivier Cornuaille, directeur de Carrefour Market à Bordeaux, primé par La Revue du Vin de France©Jean-Pierre Stahl

Jean-Pierre Stahl: « Les grands crus se vendent-ils encore ou plus du tout, en France en tout cas ? »

Olivier Cornuaille: « Les grands crus se vendent toujours, bien évidemment. C’est moins facile qu’à une époque, pour deux raisons principales: les prix ont eu une certaine évolution depuis le fameux millésime 2005, la conjoncture 2008 est passé par là. Les grands crus se vendent toujours, on a toujours des amateurs, des collectionneurs, mais pour nous, vendeurs de vins, c’est plus compliqué à vendre ! Il y a une barrière psychologique au prix qui fait qu’actuellement il faut faire preuve de beaucoup plus de relationnel, de dégustation aussi parfois pour que le client se laisse tenter. »

JPS: « Vous avez dû vous réadapter au niveau du stock, donnez nous des exemples. »

OC: « Il y a quelques années sur les 1ers crus classés, les seconds ou les troisièmes (crus classés), nous pouvions avoir 2, 3 ou 4 millésimes différents à proposer au client. Aujourd’hui, on a réduit la voilure. On propose toujours ces 1ers, seconds ou troisièmes crus classés mais avec 1 ou 2 millésimes de disponibles. C’est une adaptation au marché, à la loi de l’offre et de la demande. »

JPS « Si les grands crus se vendent moins bien, est-ce parce que les consommateurs ont changé leur fusil d’épaule ? »

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Les 1ers et grands crus classés millésimés sous vitrine réfrigérée, en fond les gammes moyennes entre 6 et 15 euros augmentent leurs parts de marchés©JPS

OC: « Le consommateur, d’une manière générale garde un budget pour le vin, et ça  c’est très bien, c’est quand même l’essentiel pour nous distributeurs d’avoir cette relation avec le client qui garde un certain budget. Mais le budget est différent: quand je pouvais me permettre à une époque d’acheter un 1er cru classé, aujourd’hui je vais acheter un vin qui n’est plus un 1er cru classé mais un vin qui est de très grande qualité avec la même enveloppe, le même budget au cours de l’année ou durant les périodes très actives de foires aux vins. »

JPS: « Alors justement, le prix moyen d’une bouteille au moment des foires aux vins a-t-il baissé ? »

OC: « Aujourd’hui, le prix moyen d’une bouteille lors des foires aux vins est de 16-17 euros alors qu’il y a quelques années on dépassait les 20-21 euros ! Le changement principal, c’est qu’on vend beaucoup moins de 1ers crus et de grands crus classés. Les volumes évoluent, mais au détriment de la valeur… »

JPS: « Pourquoi ça ne se vend plus ces grands crus classés ? »

OC: « Il y a un effet conjoncturel qui fait que le client, à un moment donné, est obligé de faire des arbitrages. Les arbitrages se font sur ces vins-là et notamment sur l’exponentiel de prix qui fait qu’on hésite et puis on n’y va pas. Soit on réduit le budget, soit on le supprime complètement. Et puis, il y a un autre phénomène: les gens ont aussi des vins dans leur cave et ils se disent « bon, je vais attendre et puis je vais consommer peut-être un peu plus mes vins qui sont en cave ! » »

Retrouvez l’interview d’Olivier Cornuaille par Jean-Pierre Stahl et Olivier Prax