C’était un déplacement très attendu ce matin. 2 heures de visite chez Falxa, au château Lalande-Labatut, à la rencontre des tous les acteurs de la filière et des petits vignerons en difficulté représentés par de nombreuses organisations Bordeaux, Bordeaux Sup, la FDSEA, les Jeunes Agriculteurs et le Collectif des Viticulteurs de Gironde
8 heures, à Salleboeuf au château Lalande-Labatut, Marc Fesneau arrive au chevet des vignerons au lendemain d’un nouveau coup dur : 2 épisodes de grêle consécutifs vendredi et samedi soirs qui ont touché l’Entre-Deux-Mers et Sainte-Foy-la-Grande (plus de 300 hectares touchés). Laurence Impériale, déjà visitée l’an dernier par le Ministre pour le même aléa, répond au Ministre : « sur le secteur du pays foyen, pour ce qui nous concerne il y a eu une centaine d’hectares de touchés à peu près à 50%… »
Ces vignerons comme Régis Falxa qui l’accueille ce matin sur sa propriété avec sa soeur Isabelle, son père et son fils, ne cessent d’être confrontés aux aléas climatiques depuis 2017, à cause du réchauffement. « En 2021, on a gelé à 85% », explique Régis Falxa au Ministre dans son chai…
Mais aujourd’hui, il est aussi question de surproduction à l’heure où Bordeaux ne commercialise que 3,8 millions d’hectolitres…Et Régis Falxa de faire déguster au Ministre de bonne heure un petit verre de blanc sec de sa production en Entre-deux-Mers : « c’est important d’être soutenu, c’est une façon d’être soutenu et sa venue est une immense fierté… »
Toute la filière est venue témoigner de l’état de fragilité de la viticulture française et des petits producteurs du bordelais… « -13% de ventes en 2022 sur les rouges, -7% sur les rosés et -2% sur les blancs (en France), donc la situation se dégrade encore », commente Bernard Farges vice-président du CIVB.
« Monsieur le Ministre, depuis notre dernière rencontre, la situation de la viticulture bordelaise n’a pas cessé de se dégrader: caves coopératives ayant stoppé le paiement de la répartition à ses adhérents depuis plusieurs mois, union de caves coopératives au bord du précipice, des vignerons indépendants qui déposent le bilan, suicide(s)… », commente Jean-Samuel Eynard président de la DFSEA de Gironde.
« On n’est pas en crise, on est en guerre ! On a des cris de détresse de viticulteurs, qui ne peuvent plus, qui sont au bout, avec les banques, avec le PGE… » selon Didier Cousiney porte-parole du collectif des viticulteurs de Gironde.
Et Laurence Impériale d’analyser sur les « entreprises viticoles qui ont pu bénéficier du PGE à hauteur de 160 millions d’euros, 13 millions se retrouvent en grand difficulté, 16 millions très sensibles… » et Régis Falxa président des vignerons indépendants d’abonder dans le sens de l’intérêt général: « l’Etat a tout intérêt à répondre aux sollicitations de la filière dans le cadre du PGE, il y a urgence, 86% ont des difficultés à rembourser… » Le Ministre a promis d’étudier avec le gouvernement des solutions avec des prêts bonifiés qui pourrait donner de l’air à la trésorerie de ces entreprises.
Concernant la distillation annoncée par le Ministre lors du salon de l’agriculture, « on attend toujours la mise en place de la distillation, il faut déclencher les choses dès aujourd’hui , car il y a une grosse inquiétude dans la campagne… », selon Stéphane Héraud de la cave de Tutiac. « Je suis sûr que vous allez taper du point sur la table, mais il y a une inquiétude technique et fonctionnelle, car les vendanges se rapprochent et cela ne va pas arranger la situation. » Pour Marc Fesneau : « la distillation , oui ça m’agace, car c’est presque abouti ( avec l’Europe), dans la semaine on devrait y arriver… »
Le symbole de cette mobilisation, c’est surtout ce matin la signature inédite et tripartite de la convention qui doit permettre aux vignerons d’engager enfin cette stratégie de dé-densifier le vignoble de Bordeaux. En clair ce fameux plan d’aides dédiées à l’arrachage sanitaire de la vigne pour éviter la propagation de maladies comme la flavescence dorée et permettre aux vignerons de retrouver de la trésorerie ou d’arrêter tout ou partie de leur activité : « l’Etat met 30 millions qu’il pourra pousser à 38, la région elle-même met 10 millions d’euros, l’interprofession met 19 millions d’euros… »
Un plan attendu qui devrait permettre de financer et aider à l’arrachage de 9500 hectares de vignes, avec des conditions (vignes cultivées durant 5 ans et jusqu’à 2022, arrachage à partir d’octobre), des conditions aussi sur la renaturation, qui selon Stéphane Gabard président des Bordeaux et Bordeaux Supérieur « choque mes viticulteurs avec un engagement de 20 ans…Imaginez par rapport à l’espérance de vie de certains. »
Pour Allan Sichel, président du CIVB : « sur la forêt c’est un engagement sur 30 ans, sur la jachère effectivement c’est un engagement de 20 ans, malheureusement ce sont des réglementations au niveau de l’Europe… » « Certains vont aller vers ce dispositif, d’autres le trouvent trop contraignant et n’iront pas, mais nous savons qu’il faut faire fonctionner ce dispositif maintenant », ajoute Bernard Farges du CIVB.
Reste encore le problème de 2000 hectares de vignes à l’abandon depuis longtemps souligné par Jean-Marie Garde de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux, pour lesquels « une contravention ou amende pourrait inciter à arracher. »
Après une photo du Ministre avec la famille Falxa, Marc Fesneau était de nouveau interpelé par Didier Cousiney : « c’est une détresse, je vous jure… » « Je sais, je sais », répond Marc Fesneau... »Il faut que vous voyez les banques pour que ces viticulteurs puissent continuer… », demande Didier Cousiney.
Petite lueur d’espoir, tout de même, cette annonce faite par Jean-Pierre Durant, du négoce bordelais qui prévoit une augmentation des ventes à l’international de 5 à 7 % d’ici 2027.
Reportage de Jp Stahl et Laure Bignalet dans le 12 13 de FRance 3 Aquitaine :