05 Avr

Bordeaux : ces vignerons qui ont une patte et s’éclatent en vins de France

Ils commencent à constituer une petite tribu… Celle des vignerons qui ont un savoir-faire et se démarquent en produisant des vins sans IG en vins de France… Par choix, ils commercialisent une partie de leurs cuvées en dehors des AOC, des pépites qui souvent sont plus valorisées.

Jean-Baptiste Duquesne, créateur du mouvement Bordeaux Pirate © JPS

S’il en est un qui revendique sa différence, c’est bien Jean-Baptiste Duquesne. Un vigneron dans les Graves à Saint-Pierre-de-Mons en Gironde. Il a créé voilà deux ans le mouvement Bordeaux Pirate sur facebook, qui regroupe 25 vignerons et quelques 2700 membres du groupe.

Devant un cépage de Jurançon Noir © JPS

Quand il ne produit pas en AOC et en bio avec la marque de son château Cazebonne, il s’éclate en produisant des vins de France. Ainsi il revisite ici sur son terroir des cépages d’autrefois, oubliés de Bordeaux, qui ne sont pas retenus par le cahier des charges de l’AOC…

« L’AOC définit un certain nombre de cépages, auxquels on a droit, et il y avait autrefois plus de cent cépages, et puis il y a une petite dizaine de cépages qui sont prévus dans les appellations de Bordeaux, et c’est ce patrimoine ces 90% de cépages qu’on a oublié qui m’intéresse de revisiter, pour se demander lesquels vont nous apporter des solutions à l’avenir… », commente Jean-Baptiste Duquesne. « On a classiquement le cabernet sauvignon, le merlot, le sauvignon, le sémillon, mais on a laissé de côté un certains nombre de cépoages qui étaient autorisés dans l’AOC en 1935 à titre accessoire (la pardotte, le saint-macaire, le mancin, le castets, le bouchalès, (autorisés en 1935 mais qu’on demandait aux vignerons d’arracher sous 10 ans) et peu à peu de manière effective et avec le gel de 1956 ces cépages ont disparu dans nos vignes… »

Sylvain Destrieux goûtant son blanc de noir Pas de la Colline 2021 ©JPS

Ainsi si le temps, le phylloxéra et le gel de 1956 ont rebattu les cartes, récemment le gel de 2021 a aussi contraint Sylvain Destrieux à s’adapter à Ruch. Vu que ses cépages de blancs ont gelé au Clos de la Molénie, il a fait comme en champagne un vin blanc issu de cépage rouge élevé 10 mois en jarre à l’extérieur…

« On a fait un blanc de noir car avec les dégâts de gel de l’an dernier, on n’avait quasiment plus de blanc…donc on a fait du blanc de noir avec du cabernet sauvignon, qui est le cousin du sauvignon blanc, don on sort un blanc plutôt atypique mais pas si incohérent que cela en fait, où on s’est inspiré des Champenois ou d’autres régions où ils font effectivement des  blancs de noirs… »

« Il est interdit dans le cahier des charges de Bordeaux, on ne peut pas en produire en AOC Bordeaux, par contre on peut le produire sur la région de Bordeaux mais il sera commercialisé de fait en vin de France. »

Sur sa dizaine de cuvées, Sylvain Destrieux produit la moitié en vins de France, ce qui représente 1/3 de ses volumes. Il les valorise mieux, parfois 50 % plus cher, car plus originaux comme sur cette cuvée Pas de la Colline: « on a gardé 100% des rafles, on l’a gardé pendant 18 mois, et c’est un assemblage assez atypique merlot 90%, 7% de malbec et 3% de sauvignon blanc…Donc on a fait un petit clin d’oeil à ce qui pouvait se pratiquer en Côte Rôtie en en Hermitage dans les Côtes du Rhône… »

Seulement 132 000 hectolitres sont produits en dehors des AOC à Bordeaux qui eux représentent 3,77 millions d’hectolitres. Un mouvement qui s’est fait jour et pourrait se développer vu les problèmes de commercialisation des vins rouges dans le bordelais.

Christophe Chateau du CIVB © JPS

« Cela reste quand même anecdotique, on est à un peu plus de 1% des surfaces et un peu moins de 2% des volumes, par contre c’est bien que certains puissent se tester en dehors du cahier des charges, et sur des sujets techniques et sur des sujets commerciaux, avec des cuvées particulières…. », commente Christophe Chateau directeur de communication au CIVB.

Jean-Baptiste Duquesne a fait 3 cuvées qui ne cadrent pas avec Bordeaux (au sens des AOC), ainsi avec le « Petnat » un vin pétillant naturellement qui n’est pas un crémant de Bordeaux, avec ses 5 cépages oubliés « comme en 1900 » ou encore avec son « Qui est Yin Qui est Yang » qui fait voyager ressemblant à plus à un gamay qu’à un Bordeaux… « Il est sacrilège de mélanger du raisin blanc et du raisin rouge, là on a fermenté du cabernet franc et du sauvignon blanc pour faire cette cuvée très atypique… Donc voilà ce que m’apporte le vin de France, il me redonne des territoires de liberté, proposer des nouveaux goûts, toucher de nouveaux consommateurs… »

Et preuve que les codes sont aujourd’hui bousculés, il a même fait appel à un rappeur pour décrypter et démocratiser ses vins de France…

Regardez le dossier de Jean-Pierre Stahl, Delphine Roussel-Sax et Olivier Pallas :

 

 

 

04 Avr

Deuxième nuit à lutter contre le gel à Bordeaux…

Comme un malheur n’arrive jamais seul, c’est un peu le « deuxième effet kiss cool », du célèbre nom de la pastille rafraîchissante, mais dont tous les vignerons se passeraient bien. Cette nuit a été aussi douloureuse que la précédente. Le petit tour d’horizon avec d’autres viticulteurs interrogés par Côté Châteaux.

Une température relevée cette nuit par © Sophie Aribaud, conseillère viticole

« C’est frais, mais c’est pas grave », souvenez-vous de ces pubs du bonbon Krema qui nous ont tant fait rire. Mais là les vitis ils rient plus… Comme le résume Nicolas Lesaint du château de Reignac à Saint-Loubès en Gironde: « ça devient délirant, 5 fois en 6 ans… Tu ne sais plus où tu habite ! »… à force.

C’est qu’il en faut de la force et du mental pour affronter ce froid glacial du week-end qui a fait son grand retour et ironie du sort à quasiment les mêmes dates que l’an dernier à 4 jours près…

Gel de sève par © Sophie Aribaud

Et pourtant ces techniciens de la vigne ont « retardé au maximum la taille, je crois même que je n’avais pas encore fini de tailler dans certains endroits gélifs », commente Nicolas Lesaint. Si « les 3/4 de la propriété n’ont pas été touchés, 1/4 a gelé, 12 hectares de merlots qui n’avaient pourtant pas gelé en 2017 ont gelé cette année, ils repartent à zéro, l’air froid qui a stagné a tout flingué «  à cet endroit. « Après, c’est difficile de quantifier ces bourgeons qui n’ont pas gelé mais ont peut-être eu froid, cela fait bien … «  Evidemment, il y aura les contre-bourgeons qui vont aussi apparaître, restons optimiste.

C’est clair que ces vignerons sont bien mis à contribution : « on n’a pas beaucoup dormi ! On a mis en route hier matin à 0h30 et ce matin à 1h30 les éoliennes sur des blocs de vigne et les bougies sur Smith… », commente Fabien Teitgen, directeur général du château Smith Haut Lafitte à Martillac en Pessac-Léognan. « On a quelques endroits froids où on a quelques frisures, mais pas de gel généralisé. On a eu -3,9° cette nuit à l’endroit le plus froid de la propriété, sur une parcelle où on est équipé anti-gel…Mais là avec les bougies et les éoliennes on a réussi à protéger… On n’a pas de dégât visuel, pour l’instant. Ce n’est pas brûlé c’est déjà une bonne chose, après à voir…Encore demain matin à passer, mais il devrait faire moins froid. Et puis on a encore les saints de glace à passer aussi. Là ce n’est pas dramatique, mais ça fait toujours suer… »

Au château Smith Haut Lafitte © Daniel Cathiard

Dans le Sauternais, Luc Planty directeur général du château Guiraud confirme ces températures très froides de la nuit dernière : « il a fait froid de -4 à -6°C sur les zones les plus froides, mais moins que l’année dernière où on avait eu de -7 à -9°. Sur ces zones, cela avait peu poussé donc moins de risque que l’an dernier. On a lutté de 1h à 9h ce matin, on est plus optimiste… On fera le compte dans 5 jours et le reste à la récolte. On a mis en place 6 éoliennes arrivées l’année dernière, cela a plutôt bien fonctionné sur les zones les plus poussées. Sur le reste, on est beaucoup sur le stade de « bourgeon dans le cocon » et après c’est de voir ce que va donner la fructification… Mais l’année dernière, on savait déjà qu’il n’y avait plus rien. En 2021, on a fait que 50 000 bouteilles de blanc sec sur 100 hectares, on a vraiment pas fait grand chose (et pas de liquoreux). Là on est plus optimiste que l’an dernier. »

Pour Jean-Jacques Dubourdieu, président de l’ODG Barsac Sauternes : « ce week-end a été mouvementé, cette nuit encore…Ce n’est pas la même configuration que l’an dernier, il a fait froid il a gelé, mais l’impact n’est pas le même que l’an dernier où tous les bourgeons étaient sortis, on avait 15 jours à 3 semaines d’avance…L’an dernier tout était sorti et on s’est fait tirer dessus à bout portant…Cette année, tout ce qui était précoce est cramé, mais nous ne sommes pas très concernés…Il y a toujours le risque que ca gèle dans le bourgeon, on verra…C’est quand même pas au même stade que 2021… Les cabernets sont sortis d’affaire, les merlots précoces ont morflé dans les zones gélives…. Ces épisodes se reproduisent à une fréquence très importante, notamment par rapport à avant 2017…Cette année, coup de bol, on était en retard. La route est longue jusqu’aux Saints de Glace… »

Pour Bernard Farges, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux : « En terme de stress et de moral, pour les vignerons c’est dur ! Certains en sont au 5e sinistre dans leur propriété depuis 2015. Après les crises de 2021, avec la taxe Trump, la pandémie et la crise en Ukraine (qui fait gonfler le prix des bouteilles de 60%), le moral n’est pas bon.

« Il y a eu des zones où il a fait parfois plus froid que l’en passé, d’autres comme les Graves moins froid, on a eu deux matinées avec des températures très très froides avec beaucoup de -3 à -5°, la différence va se faire entre l’intensité du froid et le niveau de sortie de la végétation. C’est un gel très important, très grave, mais il est trop tôt pour le mesurer. La différence de taille par rapport à 2021, c’est la date des travaux d’hiver qui a été adapté, ce qui est très nouveau à Bordeaux et c’est efficace, ça marche jusqu’au 10 avril, après pour des gels plus tardifs cela n’a plus beaucoup d’effet » (comme le gel de 2017 où 39% de la production avait été perdue à Bordeaux).

03 Avr

Gel à Bordeaux : « il a fait plus froid que prévu ! » De -4 à -6° par endroits…

C’est un nouveau coup dur pour les vignerons. Ce week-end de gel s’annonce terrible, partout en Gironde. Les températures sont passées négatives tôt dans la nuit et jusqu’au petit matin. Avec pas mal de secteurs entre -3 et -5°. Fort heureusement la vigne est moins avancée que l’an dernier et la taille tardive a ralenti le cycle végétatif de la plante. Réactions sur Côté Châteaux.

Une lutte acharnée, ici au château le Loup à Saint-Christophe-des-Bardes avec des balles de paille © Sophie Aribaud

« La nuit a été acharnée… » Cette phrase de Franck Binard résume à elle seule le combat qu’on mené des centaines de vignerons depuis 22h30 et jusqu’à 8h ce matin. « Comme partout c’es descendu entre -3 et -5°C, même sur le plateau de Saint-Emilion, partout et un petit peu plus à certains endroits. Et les deux nuits qui arrivent promettent aussi… », poursuit le directeur du Conseil des Vins de Saint-Emilion.

Quelques vignes précoces, ce qui cet année n’est pas la généralité fort heureusement © Sophie Aribaud

Pour Sophie Aribaud, conseillère viticole : « cela a commencé très tôt, les éoliennes ont commencé à tourner très tôt, dès 22h30 les vignerons ont commencé à chauffer, c’était négatif dès 1h du matin sur Saint-Emilion et Pomerol. On a eu des -2, -3 et -4 à Saint-Emilion, même là où ça ne gèle pas d’habitude….Il y a eu pas mal de gelée blanche. »

Valérie Arnateau a donné un coup de main à son cousin au château le Loup à Saint-Christophe-des-Bardes : « mon cousin m’a appelé à 22h30, il a fait jusqu’à -4°, il y avait des éoliennes , du foin ou des chaufferettes, chacun fait avec ses moyens… »

« C’est vrai que cela a bien gelé, j’ai entendu les éoliennes et hélicoptères, même si moi je suis plutôt en ville à Saint-Emilion », commente Jean-François Galhaud, le président du Conseil des Vins de Saint-Emilion qui s’apprête à faire un petit tour ce matin pour voir l’étendu des dégâts qui pourraient se dévoiler plus vers midi…

© Sophie Aribaud

Pour François Despagne du château Grand Corbin-Despagne que nous avions suivi lors de la taille de la vigne en janvier : « cette nuit il a fait de -4 à -6°, il a fait plus froid que prévu ! On n’a pas bien dormi. Dans les endroits les plus précoces, ça a du morfler… Fort heureusement la vigne n’a pas trop poussé, dans des endroits comme les miens on est peut-être passé à côté, c’est difficile à voir, on verra si les bourgeons ont grillé… »

La famille Capdevielle engagée dans le combat contre le gel cet nuit au © château l’Evêché

Laurent Clauzel du château la Grave Figeac à Saint-Emilion : « c’est descendu entre -3 et -5°, mais le stade n’était pas trop avancé et les contre-bourgeons n’étaient pas sortis, cela t’assure quand même 80% de la récolte. Je préfère prendre ces températures maintenant que dans 3 semaines. Bon cette année je n’avais pas acheté de bougies car je me disais que ça ne gèlerait pas cette année… »

© château l’Evêché

Dans le Blayais, comme partout en Gironde, « il a gelé entre -3 et -4°, mais par chance cela n’a pas trop débourré par rapport à l’année dernière…Je sens les vignerons moins perturbés que l’année dernière, cela n’a rien a voir… » commente Thibaut Layrisse directeur du syndicat de Blaye Côtes de Bordeaux.

Stéphane Gabart, le président des Bordeaux et Bordeaux Supérieur commente pour Côté Châteaux : « on a connu des jours meilleurs, même si c’était annoncé, c’est toujours problématique. Dans mon secteur à Galgon, on a eu entre -3,8 et -4°C. Quant aux dégâts, c’est très compliqué, par rapport à l’an passé le stade de la végétation est moins avancé. Il y avait quelques secteurs plus avancé que d’autres, cela va être disparate. Mais c’est beaucoup trop tôt pour le dire. »

Sur les hauteurs de Saint-Emilion quelques bougies brûlent encore avec la Tour du Roy en fond © Sophie Aribaud

Un combat difficile à mener, Sophie Capdevielle était avec son mari sur le front à Saint-Sulpice de Faleyrens au château l’Evêché : « on était sur le pont vers 3h30 en famille, on avait sorti des sacs de bois recyclé… On les a disposé entre les rangs de vigne sur un hectare, surtout près des jeunes plants, des vignes franc de pied…On a allumé à 4heures. On a prévu de sortir cette nuit encore… »

Petit matin girondin bien gelé par © Sophie Aribaud

Pareil en Pessac-Léognan, « on a eu froid comme tout le monde, -3 globalement et -5 au plus froid… « , commente Arnaud Thomassin du château de France;  « mais on avait acheté pas mal de tours à vent (7), et des bougies, on s’en est pas trop mal tiré. Mais on n’a pas bien dormi, enfin pas du tout , c’est u peu fatiguant et cela recommence cette nuit… »

Bon courage à tous ces vignerons sur le front du gel. L’an dernier, les nuits des 6 au 8 avril avaient été désastreuses, sans doute plus que cette année, le mildiou s’était ajouté en juin, juillet et du coup la production a Bordeaux a été très faible, avec 3,7 millions d’hectolitres.

02 Avr

Rendez-vous au Printemps des Vins de Blaye, samedi 2 et dimanche 3 avril

Alors que les vignerons risquent d’être pas mal sollicités sur le front du gel, ils vont aussi tenir le siège de la citadelle de Blaye. Car c’est à nouveau le Printemps des Vins de Blaye qui s’annonce ce week-end samedi et dimanche… Y en a qui ne vont pas dormir…

Le © Printemps des Vins de Blaye, c’est samedi et dimanche

Le Printemps de Blaye fait son grand retour… Depuis la dernière édition en 2019 qui avait rassemblé 15 000 amateurs de vins, la Citadelle n’avait pas revécu de pareil rassemblement au coeur de ce patrimoine mondial de l’humanité, classé Unesco.

Ce sont donc une bonne centaine de vignerons qui vont vous ouvrir le pont levis pour vous permettre de partager ces moments d’échanges et de convivialité auteur de leur production en terre blayaise.

« Promouvoir une culture du vin accessible et partagée, à l’image des vignerons de Blaye Côtes de Bordeaux, c’est notre cheval de bataille », Nicolas Carreau, président du Syndicat des Blaye-Côtes de Bordeaux.

« En ce sens, le Printemps des Vins de Blaye est l’équivalent des portes ouvertes de certaines appellations avec ce petit plus : les consommateurs n’ont pas besoin d’aller dans les propriétés, puisque  ce sont les vignerons qui se rassemblent en un seul et même lieu… Et quel lieu ! » selon Nicolas Carreau, président du Syndicat des Blaye-Côtes de Bordeaux.

Au programme de ces 2 journées qui s’annoncent démonstration de vols de rapaces dans le Clos de l’Echauguette où un petit vignoble a été planté en bio… Des balades dans le vignoble en bike board, ou encore des balades dégustation sur l’estuaire, des démonstrations d’agilité avec les rouleurs de barriques, ou encore cette exposition des oeuvres du photo club de l’Estuaire dans la salle de la Citadelle. Sans oublier tous ces vignerons qui seront présents pour faire déguster leurs vins… Bon week-end et bon printemps des vins à Blaye.