Ils auraient pu prendre racine, mais le colloque n’a duré que deux jours. Il n’empêche les échanges de ces 20 vignerons européens réunis à Podensac chez Liber Pater ont été fructueux et vont se traduire par un label franc-de-pied qu’ils verraient bien consacrer prochainement à l’Unesco. Retour sur cette « rencontre des francs » avec Loïc Pasquet.
JPS: « Loïc Pasquet, bonjour, rappelez-nous qu’est-ce que c’était que cette « rencontre des francs » ? Une peuplade de vignerons atypiques, germaniques ? »
« Loic Pasquet » (rires) : « Entre autre, il y avait Prüm, Dr Loosen, et un des plus connus c’est Egon Müller. Il y avait du Germain et du Franc. Ça s’est très bien passé… »
JPS : « Une rencontre des francs, franchement pour quoi faire ? »
LP : « Ce sont tous des vignerons européens qui se réunissent pour discuter sur les vignes « franc-de-pied », pour qualifier les différences entre les vignes franc-de-pied et les vignes greffées. Ce qu’il en ressort, c’est que c’est plus fin, plus pur, qu’il y a une expression du lieu plus affirmée. On voudrait le montrer aussi de manière scientifique et pour cela on va mettre en place un conseil scientifique.
JPS : « Qu’entendez-vous par vigne franc-de-pied ? »
LP: « La vigne franc-de-pied, c’est une vigne autochtone, plantée sur ses propres racines. Rappelez-vous avec le phylloxéra, la vigne européenne était malade, il a fallu greffer de la vigne américaine sur la vigne européenne. On a créé un filtre entre le terroir et la vigne. Or on ne peut pas exprimer le Vitis vinifiera s’il n’a pas ses racines dans son propre terroir. L’idée c’est de remettre ce Vitis vinifiera en contact direct, qu’il retrouve ses propres racines et qu’il exprime un lieu… »
JPS : « Et donc vous comptez ensemble déposer un label « franc-de-pied » ?
LP : « On a créé une association monégasque, à Monaco car on est en territoire neutre et car l’association est européenne. L’idée est de créer un label franc-de-pied, le graal de la viticulture, avec comme principe le cépage autochtone (dans chaque région) remis sur son terroir d’organe, sur se propres racines… »
JPS : « Et concrètement ? »
LP : « On va avoir une association qui va créer un label et va consacrer ces vins issus de parcelles « franc-de-pied », des vins qui pourront oser ce label « franc-de-pied » sur les bouteilles. On revient aux origines de le viticulture. C’est-à-dire si tu fais du pinot noir à Bordeaux, tu ne peux pas avoir le label.
C’est vraiment une adéquation cépage, terroir et climat, c’est retourner aux origines.
Cela fait 8000 ans qu’on fait du vin en Europe. On a des cépages différents et une façon de faire du vin différemment dans chaque région, cet héritage-là on veut le protéger à l’Unesco. L’idée c’est que chaque cépage avait sa parcelle, sa région d’origine, ça on veut le retrouver et le protéger. On a protégé le repas gastronomique français à l’Unesco, bientôt la baguette, c’est normal de protéger la vigne. La vigne « franc-de-pied », on en fait un produit culturel et on le remet à sa place. »
JPS : « Qu’en est-il de ces démarches vis-à-vis de l’Unesco ? »
LP : « On a un cabinet de mobbing qui va s’occuper de cela, on va en parler partout, mettre en place des protocoles « scientifiques », avant la fin de l’année on espère monter un dossier.Chaque pays doit monter un dossier et à la fin les rassembler pour protéger tout cela à l’Unesco, on va transcender les frontières. Une bouture, c’est un geste, et fonction des régions ce ne sont pas les mêmes façons de bouturer, la taille c’est pareil elle est différente selon les endroits, on veut se réapproprier les savoir-faire et lutter contre la norme.Le vin doit être l’expression de ces lieux. »
« On n’est pas là pour parler des classements ou des appellations, on est là pour exprimer un lieu, on veut protéger la vigne pour l’humanité. »