Le vigneron ne sait plus où donner de la tête. Dans chaque rang, le mildiou pointe le bout de son nez partout à Bordeaux. D’autres régions viticoles sont aussi atteintes. Des pertes estimées de 10 à 100% de la récolte 2020. Reportage à Montagne chez deux vignerons attaqués, l’un en conventionnel, l’autre en bio.
En janvier 2020, les vignerons se souhaitaient la bonne année: « 2020, l’année du vin ». En ce mois de juin, ils en plaisantent eux-mêmes : « 2020, l’année du rien… »
Bruno Marchand du château Haut-Bonneau, 25 hectares en Montagne-Saint-Emilion (vignoble conventionnel) et Pierre Taïx du château Gadet-Plaisance, 10 hectares en bio, également à Montagne, sont tous deux attaqués par ce satané mildiou, maladie provoquée par des microorganismes oomycètes, entre le champignon et l’algue brune…
Un mildiou de plus en plus vicieux, dans le temps on le trouvait sur feuilles, désormais on voit beaucoup de mildiou sur grappes, autant dire ces grappes attaquées vont toutes avorter… Du coup, les vignerons redoutent de perdre une bonne partie de récolte, pour quelques-uns il n’y en aura pas cette année.
« C’est vrai qu’il a tendance à être beaucoup plus présent sur grappes, le mildiou a muté génétiquement, on voit qu’il est devenu plus résistant à beaucoup de produits… Pas tellement dans la culture biologique car finalement il n’est pas devenu résistant au cuivre, mais on s’aperçoit qu’il est extrêmement virulent sur grappe… », témoigne Pierre Taïx.
C’est très inquiétant, on est début juin et le mildiou reste potentiellement actif et capable de détruire une récolte, au moins jusqu’à la véraison. » Pierre Taïx du château Gadet-Plaisance
La grêle du 17 avril dernier et le week-end de fortes pluies 3 semaines plus tard avec 60 millimètres d’eau tombés en un jour ont eu pour conséquences des attaques de mildiou 10 à 15 jours plus tard. Hier encore il est tombé 25 millimètres de pluie ! De quoi « lessiver » les protections de la vigne et en climat océanique, cela ne pardonne pas.
On est confronté effectivement à des contaminations de mildiou quasi permanentes…avec des dégâts allant de 10-15% à parfois 100% et la destuction de la récolte complète chez certains viticulteurs », Bruno Marchand président du syndicat de Montagne-Saint-Emilion.
C’est vrai que les vignerons que nous sommes, nous nous posons beaucoup de questions sur nos parcours techniques, que ce soit des parcours techniques en viticulture conventionnelle ou en agriculture biologique, ou même biodynamique, aujourd’hui tout le monde est confronté à ce problème dramatique de mildiou, » commente encore Bruno Marchand.
Les produits qu’ils utilisent auraient-ils perdu en efficacité ? Certains se posent des questions, certains voidraient même attaquer les firmes…Depuis l’abandon de certains produits phytosanitaires les plus dangereux, cela pourrait être une explication, mais pas forcément. En conventionnel comme en bio, tous sont confrontés au même problème. Bruno Marchand en est lui à 7 ou 8 traitements, Pierre Taîx en bio effectuait ce matin son 11e traitement.
« En bio, on est quand même limité par la quantité de cuivre à l’hectare, la norme maintenant c’est 4 kilos à l’hectare par an (au lieu de 6), donc il faut passer souvent avec des quantités relativement faibles, quasiment homéopathiques…Parfois cela ne suffit pas » Pierre Taïx du château Gadet-Plaisance
Et de compléter : « si on anticipe mal les précipitations à venir, si on n’a pas été assez vigilant ou si les pulvérisateurs étaient mal réglés, on a vite des pertes importantes de récolte. » En 2018, ce vigneron en bio a perdu près de la moitié de ses récoltes sur ses 4 châteaux (Fongaban en Castillon, Rigaud (Puisseguin), la Mauriane et Gadet-Plaisance (Montagne St Emilion): 2050 hectolitres en 2018 contre 4050 en 2019… Pour Bruno Marchand, ce fut une perte de 15% : « Le mildiou détruit les parties vertes de la vigne, mais n’impacte aucunement la qualité de raisins et du vin vinifié…On a quand même pu avec des tries importantes avoir une belle qualité de raisin ».
Sur l’appellation Montagne-Saint-Emilion, nous avions des rendements de l’ordre de 38 hectolitres à l’hectare, quand en année normale on approche plutôt 48 à 50 hectos à l’hectare » Bruno Marchand.
Malheureusement la météo de la semaine à venir n’est pas vraiment favorable, des pluies et de l’humidité sont encore à redouter.
Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Philippe Turpaud et Boris Chague :