17 Juin

Il y a 80 ans à Bordeaux : les heures décisives du Général de Gaulle avant son départ pour Londres

16-17 juin 1940. En quelques heures, le destin de la France s’est joué à Bordeaux, où le Général, nommé sous-secrétaire d’Etat à La Défense nationale et à la guerre a rencontré le président du conseil démissionnaire, Paul Reynaud, avant de repartir pour Londres d’où il a lancé son appel du 18 juin sur les ondes de la BBC.

1940-2020, on célèbrera demain partout dans l’hexagone les 80 ans de l’Appel du 18 Juin. Mais quelques instants précédents ont été décisifs dans le destin de la France…des moments qui se sont passés à Bordeaux où le gouvernement et de nombreux Français près d’un million 600 000 étaient réfugiés.

L’Hôtel du Quartier Général, rue Vital Carles où le Président du Conseil Paul Reynaud avait son bureau © JPS

12 heures… 12 heures décisives. Le Général de Gaulle, qui avait été nommé quelques jours plus tôt, le 6 juin (date prémonitoire aussi) sous-secrétaire d’Etat à La Défense dans le dernier gouvernement de Paul Reynaud, est revenu à Bordeaux le 16 juin, attérissant à 21H30 à l’aéroport de Mérignac. Le matin même l’ambassadeur de France Charles Corbin et Jean Monnet chef lui avait fait part d’un projet d’union entre la France et l’Angleterre, une sorte de fusion administrative et militaire, pour exclure toute capitulation et poursuivre la guerre. Paul Reynaud était estomaqué par ce plan, Churchill également, ils étaient prêts à le signer, mais c’était sans compter la réprobation du Conseil des Ministres et la démission qui allait suivre dans la foulée de Paul Reynaud.

Au moment où de Gaulle s’envola pour Bordeaux, il ne connaissait pas ces derniers dénouements fâcheux. Il fut alerté à son attérissage et fila aussitôt au 29 de la rue Vital Carles rencontrer Paul Reynaud à l’Hôtel du Quartier Général :

 

Frédéric Béchir, guide conférencier pour l’Office de Tourisme, avec le Commandant Jean-Louis © JPS

« C’est là dans ce bureau que Paul Reynaud confirma au Général de Gaulle qu’effectivement il avait démissionné et qu’il ne serait plus Président du Conseil à partir de minuit », explique le Commandant Jean-Louis assistant du Général commandant la Région Nouvelle-Aquitaine.

Et de poursuivre ses explications sur ce moment : « de Gaulle lui dit : mais écoutez, ce n’est pas possible. On ne peut pas arrêter le combat, on a toujours été partant… Mais Paul Reynaud était las, mais il a quand même écouté de Gaulle, il a eu d’autant une oreille attentive car il a approuvé sa démarche mais surtout il lui a donné les conditions matérielles de pouvoir poursuivre le combat. Et en premier lieu c’était de lui donner de l’argent, 100 000 francs, car jusqu’à minuit il avait la possibilité de prélever sur les fonds secrets, et c’est ce qu’il fit. »

Moins de deux jours après cette rencontre, le général allait effectuer depuis Londres son Appel du 18 juin à la BBC, un appel très peu entendu des Français qui fuyaient alors les Allemands.

« Moi, général De Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique, ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes, ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi ».

La France a perdu une bataille ! Mais la France n’a pas perdu la guerre ! (…) Voilà pourquoi je convie tous les Français, où qu’ils se trouvent, à s’unir à moi dans l’action, le sacrifice et dans l’espérance » Charles de Gaulle 18 juin 1940 BBC.

Ce discours, « il fait écho à un discours radiophonique qui a été enregistré à Bordeaux dans le lycée Montesquieu (par le Maréchal Pétain) et qui demande la cessation des hostilités et l’annonce par la voie des ondes », commente le Commandant Jean-Louis. « En fin politique, de Gaulle reprend le lendemain par la voie des ondes à cet appel de cessation des hostilités et dit non le combat continue ».

L’Hôtel de Normandie d’où est parti le Général de Gaulle avant de s’envoler pour Londres et de prononcer l’Appel du 18 juin © JPS

A Bordeaux, durant ce séjour très court du général, où il est passé ensuite par l’Hôtel Montré pour rencontrer Spears et Campbell ambassadeur du Royaume-Uni, avant de se rendre à l’Hôtel de Normandie où il avait sa chambre. Le lendemain à 7 heures, il quitta le Normandie où son directeur de cabinet lui remit une enveloppe.

« Il est parti avec une enveloppe de 100 000 francs que Paul Reynaud lui avait promis, les clés d’un appartement à Londres (dans le quartier Mayfair) et des passeports pour sa famille » (pour leur permettre de quitter la France et de le rejoindre à Londres), commente Frédéric Béchir guide conférencier qui effectue actuellement avec l’Office du Tourisme de Bordeaux des visites « Sur les pas du Général de Gaulle », les 18, 20 et 21 juin (toutes déjà complètes ! Visites à reprogrammer donc…)

FFI à la libération à Bordeaux

La suite, on la connaît: 4 ans de lutte acharnée avec la Bataille d’Angleterre, les batailles en Afrique du Nord, la libération de l’Italie, de la Corse, et les débarquements de Normandie et de Provence. Bordeaux fut libérée le 28 août 1944. Jacques Chaban Delmas prépara le retour triomphal du Général de Gaulle le 17 septembre suivant où il fut acclamé par la foule :

Quatre ans et quelques mois plus tard, il retrouvait Bordeaux: des mauvais souvenirs mais aussi un contexte de fête et de célébration de la libération… « , Frédéric Béchir guide conférencier.

 « Jacques Chaban Delmas était passé le 6 septembre avant lui en tant que délégué militaire national pour remettre de l’ordre dans la ville où il y avait beaucoup de résistants, de maquisards, de franc-tireurs et d’espagnols, la tension était palpable avec tous ces hommes armés; Chaban a envoyé une partie dans le Médoc pour se battre dans la poche du Verdon, et ses hommes à lui ont été choisis pour tenir la ville. »

La statue de Jacques Chaban-Delmas place Peu-Berland à Bordeaux © JPS

Lors des journées du patrimoine les 19 et 20 septembre prochains, le public pourra visiter l’Hôtel du Quartier Général, un moment exceptionnel puisque finalement c’est dans cet immeuble que de Gaulle a choisi de poursuivre le combat…

Regardez le reportage de Jean-Pierre Stahl, Sébastien Delalot, Charles Rabréaud et Vincent Issenhuth: